En 2018, dans la suite du plan France Très haut débit, l’État français a poursuivi l’ambition de modernisation du pays avec le programme 100% dématérialisation des services. En écho, la « stratégie nationale pour un numérique inclusif », construite avec les collectivités territoriales était lancée. Objectif : conduire un plan national visant l’accès au numérique pour tous, dont France Stratégie estimait qu’il génèrerait un gain moyen de 1,6 milliard d’euros par an.
En 2020, la crise du COVID mettait en évidence le besoin de personnes formées pour accompagner la population aux usages du numérique. 3500 à 4000 Conseillers Numériques France Service ont été ainsi progressivement déployés sur le territoire.
Aujourd’hui, au moment même où se signent les feuilles de route « France Numérique Ensemble » instaurées en 2023 afin de généraliser le plan d’autonomie numérique des Français sur l’ensemble du territoire, le projet de loi de finances 2025 porte un coup d’arrêt à cette politique partenariale pour l’inclusion numérique.
La situation est catastrophique : les 28 millions d’Euros figurant au budget 2025 ne financent que 1500 postes de Conseillers Numériques France Service (CNFS) sur les 4.000 auxquels l’État s’était engagé.
Concrètement cela signifie :
- aucun investissement pour la stratégie globale (outils, ingénierie, formation)
- 2500 Conseillers Numériques France Service dont les contrats ont été signés sur la base des engagements de financement de l’État qui ne seront plus payés.
Il est clair que les collectivités territoriales qui contribuent déjà à la politique d’inclusion numérique ne pourront pas se substituer aux engagements financiers de l’État alors même qu’elles se voient imposer 5 milliards d’économies dans le budget 2025.
Pourtant, les Conseillers Numériques France Service ont démontré leur pertinence et leur impact sur le terrain. Ces médiateurs, femmes et hommes dévoués et multitâches, sont aujourd’hui reconnus comme le socle indispensable à la conduite de la politique d’inclusion numérique sur nos territoires.
Cette décision comptable est d’autant plus incompréhensible que le dispositif de financement des CNFS par l’État était programmé pour s’éteindre progressivement sur trois ans dans un cadre contractuel en concertation avec les employeurs privés (essentiellement des associations) comme publics (60% des employeurs sont des collectivités). Ces trois ans devaient permettre d’organiser les modalités de financement pérenne de la montée en compétence numérique des citoyens, condition de réussite de la numérisation du pays, du développement des start-up comme de l’IA, et de l’émancipation que ces outils portent potentiellement en eux.
Ces décisions unilatérales, couplées à la baisse des financements publics des infrastructures (sur la même ligne 343 du PLF), impacteront directement les Français les plus touchés par l’abandon des services publics, le développement des déserts médicaux, l’éloignement culturel. Ce sont souvent les mêmes qui se sentent oubliés par la nation, qu’ils résident dans les QPV, les territoires d’outre-mer, les espaces péri-urbains ou ruraux, au risque de renforcer encore plus la défiance envers les institutions et la démocratie.
En supprimant ainsi les CNFS, l’État remet en cause le principal dispositif de sa politique d’inclusion numérique. Il exclut de fait plus d’un tiers de la population et renforce le sentiment d’abandon et de défiance de nos concitoyens. Il rompt la dynamique de la centaine de feuilles de route locales en cours de signature.
Qui croira encore à une volonté gouvernementale d’inclusion numérique, s’il n’honore pas les conventions contractuelles sur trois ans de plus de 2500 conseillers ?
Il est préjudiciable qu’une politique publique soit ainsi soumise aux stop&go continuels de l’État et de ses satellites : des emplois-jeunes aux cyber-bases, en passant par le Pass numérique et donc désormais les conseillers numériques.
Il est regrettable que l’économie de quelques dizaines de millions d’euros à court terme obère les gains de plusieurs milliards de la montée en compétence de l’ensemble de la population (et notamment des plus éloignés du numérique) à moyen et long terme.
Il est insupportable d’envisager la volonté sous-jacente d’opposer financement des infrastructures de réseaux à très hauts débit ou mobile et accompagnement des usages alors que les deux sont évidemment complémentaires.
Nous demandons aujourd’hui que l’État honore sa parole et maintienne le financement des 4000 CNFS prévu sur 3 ans. Nous demandons qu’un chantier opérationnel soit ouvert afin d’aboutir sur des mesures de financement pérenne de la montée en compétence numérique de nos concitoyens via la formation continue et la contribution financières des entreprises qui bénéficient de la numérisation des services.
Notre ambition numérique pour la France, c’est le numérique pour tous !
Les associations d’élus et leurs groupements : AMRF, APFV, Avicca, Départements de France, FNCCR, France urbaine, Intercommunalités de France, Les Interconnectés, OpendataFrance, Villes de France, Ville et Banlieue, rejoint par les réseaux Déclic et Villes Internet, alertent l’ensemble des parlementaires, élus territoriaux et citoyens : une politique publique pérenne d’accès pour tous au numérique ne pourra pas reposer uniquement sur la bonne volonté du bénévolat en entreprise, des aidants familiaux ou des services sociaux communaux ou départementaux.
Une initiative de la Belle Alliance : Les collectivités locales et leurs groupements, AMF, AMRF, APFV, Avicca, Départements de France, FNCCR, France urbaine, Intercommunalités de France, Les Interconnnectés, Régions de France, OpendataFrance, Villes de France, Ville et Banlieue sont réunis au sein du collectif « la Belle Alliance » depuis 2021, mobilisés pour la transformation numérique responsable du territoire et pleinement engagés en faveur d’un numérique au service de l’humain.
Contact du collectif : Céline COLUCCI – Déléguée générale des Interconnectés – contact@bellealliance.org – 0610862387