Le programme urbain pour l’Europe : une bonne nouvelle pour les petites villes
Le programme urbain pour l’UE constitue un véritable tournant pour l’Europe. Bien que le rôle des villes dans le développement économique, social et culturel, ainsi que leur savoir-faire en matière d’aménagement durable, soient reconnus depuis longtemps, la réponse politique au niveau européen a été lente et fragmentée, avec des initiatives sectorielles nombreuses mais peu intégrées.
Même si les compétences de l’Union européenne en matière de politique urbaine sont aujourd’hui limitées eu égard au principe de subsidiarité, la majeure partie des décisions européennes ont des répercussions, au moins indirectes, sur la situation dans les villes.
L’APVF estimait qu’il était essentiel que les villes participent davantage à la conception et à la mise en œuvre des politiques de l’Union, et que ces dernières soient mieux adaptées aux réalités urbaines dans lesquelles elles doivent être mises en œuvre.
L’Agenda urbain va dans ce sens. Nous nous en félicitons.
La mise en œuvre d’un agenda urbain européen témoigne en effet de la reconnaissance par l’Union européenne de la contribution majeure des villes pour répondre aux défis auxquels l’Europe est confrontée. Nous nous en réjouissons.
Une véritable reconnaissance du rôle des villes et des élus locaux
De manière générale, depuis quelques années, nous constatons qu’une attention plus grande est donnée à la dimension territoriale au sein du processus législatif européen. Il semble que l’Union européenne a cessé d’être « territorialement aveugle ». Le traité de Lisbonne avait ajouté la cohésion territoriale aux objectifs de l’Union et la nomination d’un commissaire à la politique régionale et urbaine représente, à n’en pas douter, une avancée significative.
D’autre part, pour la programmation 2014-2020, la Commission européenne a imposé pour la première fois qu’au moins 5% du FEDER soit alloué à l’urbain (article 7 du règlement FEDER).
Le Conseil doit maintenant reconnaître le fait urbain dans toute sa diversité et les villes de toutes tailles comme partenaires. Car face à une crise qui perdure et persiste, les villes sont bel et bien les laboratoires dans lesquels s’élaborent au quotidien les solutions de demain. Nous sommes convaincus qu’aucune des politiques de l’Union européenne ne serait viable sans prise en compte de sa dimension urbaine. Et parce qu’ils constituent l’échelon politique le plus proche du citoyen, les maires sont en première ligne pour promouvoir l’action de l’Europe auprès de leurs administrés. C’est particulièrement vrai dans les petites villes.
Cet agenda ne doit pas être pensé comme un rapport de force entre le niveau central et le niveau local. Il ne s’agit pas de répartir de nouvelles compétences ou des parts d’un "gâteau de programmes" mais bien au contraire de passer la législation communautaire à un « scanner territorial » qui n’oublie personne et permet de renforcer les initiatives qui ont fait leurs preuves sur le terrain.
Le Pacte d’Amsterdam mentionne clairement la nécessité d’associer les autorités urbaines à l’ensemble des étapes d’élaboration de la stratégie urbaine et de sa mise en œuvre comme nous l’appelons de nos vœux depuis plusieurs années. Le respect du principe de gouvernance multi niveaux est une condition indispensable à l’efficacité des politiques urbaines. Encore faut-il que tous les niveaux soient informés et associé en temps et en heure.
Nous saluons les nombreuses dispositions du texte qui vont dans ce sens mais l’APVF demeure vigilante quant à la mise en œuvre effective du principe de gouvernance multiniveaux.
La réussite des politiques européennes dépend de sa capacité à prendre en compte les attentes et besoins des acteurs locaux.
Un agenda qui permet de légiférer mieux et non pas davantage
La multiplicité des programmes et le manque de visibilité entrave la lisibilité d’ensemble, pourtant nécessaire à une territorialisation optimale des fonds. Nous saluons donc les dispositions du texte qui visent à renforcer la cohérence des politiques européennes et nationales en supprimant les « obstacles superflus ». Nous nous félicitons que l’agenda urbain n’ait pas vocation à créer de nouveaux règlements et à engendrer de nouvelles « usines à gaz » mais à simplifier la mise en œuvre des outils existants. Il nous faut faire simple pour aller plus vite que le désamour de l’Europe. Nos concitoyens attendent des preuves d’amour.
Un agenda qui ne porte pas uniquement sur les métropoles
L’une des craintes fréquemment exprimée dans le débat sur le programme urbain était que l’intérêt accru pour la dimension urbaine ne porte atteinte au soutien accordé à l’espace rural. Nous tenons à souligner l’importance des liens unissant les zones urbaines à l’espace rural et périurbain. Les politiques de l’Union ne doivent pas encourager un rapport de concurrence entre ces deux espaces dans la mesure où ils sont imbriqués géographiquement et administrativement. Il s’agit d’éco systèmes territoriaux dans lesquels une large zone périurbaine fournit un soutien et des ressources essentiels au fonctionnement des villes centres et contribuent à la qualité de la vie. Le développement de l’économie circulaire s’inscrit pleinement dans ces éco systèmes.
Parce que les villes font partie d’un espace fonctionnel plus vaste et ne peuvent être traitées isolément, Il est nécessaire d’associer des partenaires venant des zones rurales ou périurbaines.
D’autre part, les grandes villes ont déjà les capacités pour trouver l’information et accéder aux financements de l’UE en montant des dossiers très complexes tandis que les petites collectivités manquent souvent des ressources pour s’impliquer. C’est bien elles qu’il faut soutenir en priorité. C’est bien dans nos petites villes qu’il est nécessaire de faire reculer le sentiment de défiance envers l’Europe. Il faut pour cela agir de manière très concrète.
Les recommandations de l’APVF
Le maintien d’une politique de cohésion ambitieuse est indispensable à la mise en place d’un agenda urbain européen
Alors que les discussions relatives à la prochaine période de programmation des fonds européens structurels et d’investissement (FESI-2021-2028) sont engagées, l’APVF souhaitait avant toute chose rappeler l’importance de la politique de cohésion pour tous les territoires. Toute ambition sur l’agenda urbain européen suppose le maintien voire le renforcement de la politique de cohésion dans laquelle il s’inscrit. Pas de cohésion sociale sans cohésion territoriale.
Assurer davantage de cohérence et de coordination reste primordial
La coordination des nombreux règlements, programmes et initiatives européens présentant un intérêt pour nos villes constitue un objectif prioritaire. Nous saluons les avancées qui figurent dans le pacte d’Amsterdam sur ce point. Elles sont significatives.
Si ces initiatives vont dans le bon sens, l’APVF réitère son souhait de bénéficier d’un accès unique aux informations ayant trait à la thématique urbaine pour une centralisation efficace des informations. Ceci pour plus de simplicité, de réactivité et de lisibilité.
Des évolutions positives mais insuffisantes en matière de simplification et de lisibilité des dispositifs de financements
Le pacte d’Amsterdam affiche la volonté de mieux coordonner les dispositifs de financements existants afin de faciliter l’accès aux fonds. Nous demandons d’aller plus loin en œuvrant clairement à une flexibilité accrue des fonds, au service d’une territorialisation simplifiée et efficace. Nos territoires doivent être en mesure de pouvoir identifier clairement les différentes sources de financements dont elles peuvent bénéficier et de ne pas en être exclus par des seuils que seules les métropoles peuvent atteindre.
D’autre part, l’APVF encourage la Commission à réduire les formalités administratives liées à l’application de la législation européenne actuelle au niveau local et à veiller à ce que toute future réglementation analyse minutieusement les conséquences de sa mise en œuvre au niveau local. Il faut un « choc de simplification ».
Pour une approche intégrée, de plus en plus transversale et une meilleure association des villes aux objectifs de l’UE
Dès 2007, la Charte de Leipzig soulignait que seules des approches intégrées permettent d’obtenir des résultats dans les villes et que la clé de la résolution des problèmes complexes qu’elles rencontrent réside dans une gouvernance à niveaux multiples.
Le renoncement, de la part de l’administration publique, à une pensée «en silo» c’est-à-dire l’adoption d’une approche transversale avec l’implication de différentes parties prenantes constitue une approche fructueuse.
Les zones urbaines sont explicitement ciblées par les politiques relatives à l’énergie, à la société de l’information, à l’environnement, à l’action pour le climat, à la culture, aux transports, etc. Mais beaucoup d’autres initiatives et directives de l’UE ciblent les zones urbaines de manière implicite. Les directives relatives au bruit et à la qualité de l’air, les politiques de migration, les mesures visant à réduire la congestion automobile, etc. sont autant d’initiatives qui, bien que ne relevant pas de la politique urbaine à proprement parler, concernent essentiellement les zones urbaines ou sont mises en œuvre par les villes.
La convention des maires est un exemple d’initiative associant les villes à la réalisation des objectifs de l’UE. Nous considérons qu’un tel dispositif pourrait être reproduit dans d’autres domaines et nous sommes favorables à une approche « Bottom Up » qui part de la base vers le sommet.
Le besoin de données statistique fiable et d’indicateurs de résultats
Nous nous félicitons que le Pacte s’attèle à mettre en place à l’échelle européenne des outils statistiques fiables. Le texte souligne l’importance de disposer de données sans lesquelles il est difficile de bénéficier d’échanges d’expérience ou d’évaluer les progrès réalisés. Aujourd’hui, les données sont fragmentées et mal exploitées. Pour une évaluation plus précise que sur la seule base du PIB, il conviendrait qu’Eurostat compile et mette à disposition des données locales plus détaillées.
Nous souhaitons également la mise en place d’indicateurs de résultats, de suivis permettant de mesurer concrètement l’impact des politiques urbaines. Il s’agit de pouvoir mettre en avant les avancées concrètes et faire progresser a culture du résultat afin de faire taire les critiques. Dans ce domaine, il importe cependant que les indicateurs, données, normes, etc. ne soient pas stricts ou limitatifs, et ne créent pas des contraintes supplémentaires de gestion.
Pour une assistance technique renforcée
Afin de mettre en œuvre efficacement le nouveau programme urbain de l’UE, il est nécessaire de tenir compte des besoins des partenaires concernés et de prêter attention au renforcement de leurs capacités. Cela est particulièrement vrai pour les petites villes. Pour ce faire, l’APVF recommande d’utiliser les ressources prévues par les Fonds structurels et d’investissement européens au titre de l’«Assistance technique». C’est une exigence absolue afin qu’aucune collectivités, notamment les petites villes, ne soient exclues.
L’APVF plaide également en faveur de la mise en place des dispositifs de formation technique à destination des élus et techniciens, pouvant reprendre la forme d’un dispositif de type Erasmus.
En conclusion, le Pacte d’Amsterdam représente une opportunité nouvelle pour nos territoires. En apportant une plus grande cohérence dans les politiques de l’UE qui concernent les espaces urbains au pluriel, en prenant en considération les villes de toutes tailles, et en impliquant davantage les communes dans la préparation de la législation européenne, nous sommes convaincus que l’Agenda urbain européen jouera un rôle pour rapprocher davantage l’Europe des territoires. C’est un premier pas important que nous saluons sans réserve mais qui n’aura de sens que s’il est suivi de beaucoup d’autres tant la route est encore longue pour que l’action européenne soit reconnue dans tous nos territoires.