Le projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été discuté mercredi à l’Assemblée nationale. Selon le texte, le déficit public devrait plonger à 3,9 % du PIB cette année, au lieu des 2,2 % prévus initialement. Mais, les réponses sanitaires et les mesures de soutien seront onéreuses aussi bien pour l’Etat que pour les collectivités. La Commission européenne s’est engagée, vendredi 13 mars, à soutenir les Etats-membres de l’Union européenne dans la lutte contre l’épidémie.
Face au recul de 1% du PIB attendu – et avant le déploiement du plan de soutien aux entreprises de 45 milliards d’euros annoncé –, l’objectif de Bercy est d’éviter les faillites de petites entreprises, particulièrement vulnérables, et leurs effets sur l’emploi et de permettre à l’économie de redémarrer une fois l’épidémie endiguée.
A cette fin, le projet de loi de finances rectificative pour 2020 prévoit notamment 6,3 milliards d’euros de dépenses nouvelles et une perte de recettes fiscales de 10,7 milliards. Le plan de relance sera, quant-à-lui, mis en place au sortir de la crise sanitaire. Parmi elles, la garantie de l’Etat aux prêts octroyés entre le 16 mars et le 31 décembre 2020 pour répondre aux besoins de financement des entreprises dont l’activité subit un choc brutal. Les prêts garantis doivent remplir certaines conditions qui seront précisées par arrêté (différé d’amortissement d’un an minimum…).
Mais, l’ensemble de ces dépenses exceptionnelles ne doit pas, selon Bercy, remettre en cause le maintien d’une certaine discipline budgétaire. C’est pourquoi, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a précisé avoir « écarté un nombre de mesures trop coûteuses au regard de leur efficacité », comme la suspension du paiement de la TVA et de l’ensemble des impôts indirects.
En outre, les comptes de la Sécurité sociale vont être confrontés à une baisse de ressources et une hausse des arrêts maladie. Pour soutenir le secteur de la santé, Bercy prévoit « une provision supplémentaire de 2 milliards d’euros de dépenses de santé, pour couvrir les achats de matériel (masques), les indemnités journalières et la reconnaissance de l’engagement des personnels hospitaliers ».
- Quel coût pour les collectivités territoriales ?
Si le moment n’est pas à la comptabilité des dépenses chez les élus locaux – impliqués et particulièrement mobilisés pour lutter contre le coronavirus – certains spécialistes, comme Michel Klopfer et Jean-Pisani-Ferry, ancien conseiller d’Emmanuel Macron, estiment que l’impact financier de la crise sanitaire sera conséquent pour les collectivités locales. Les conséquences seront néanmoins très hétérogènes sur l’ensemble du territoire.
Un article très intéressant de la Gazette des communes, paru le 17 mars, a recensé l’ensemble des dépenses exceptionnelles qui pèseront inévitablement sur les budgets locaux.
Il y a d’abord les dépenses immédiates et notamment les mesures d’hygiène drastiques prises pour la tenue du 1er tour des élections municipales le 15 mars. D’autres coûts sont induits pour la gestion de l’épidémie, et notamment les mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie sur le territoire : l’accueil des enfants du personnel soignant dans les écoles par les ATSEM, le portage des repas pour les personnes âgées ne pouvant pas faire leurs courses, une hausse probable des dépenses des CCAS, les fermetures de services publics locaux financés par les usagers…
Au nom de la solidarité nationale, l’ensemble des collectivités territoriales participeront à la prise en charge les plus précaires avec l’aide des associations.
Pour Michel Klopfer, la crise pourrait aussi avoir un impact sur la fiscalité locale : baisse des recettes liées aux DMTO résultant de la mise au chômage technique des salariés des agences immobilières ; taxe de séjour avec la fermeture des frontières européennes, les droits de place et dès 2021 la CVAE. Bien que non concernée par les mesures de report, les régions subiront inévitablement une perte de recettes de TVA, la consommation et les investissements étant berne pour une durée, à ce jour, indéterminée.
- Le soutien de la commission européenne :
La Commission européenne a présenté, vendredi 13 mars, ses mesures de soutien aux systèmes de santé des Etats membres de l’Union européenne mais aussi aux entreprises pour limiter l’impact socio-économique de l’épidémie de Covid-19.
Flexibilité du cadre en matière d’aides d’État
La principale réponse budgétaire au coronavirus proviendra des budgets nationaux des États membres. Les règles de l’UE en matière d’aides d’État permettent aux États membres de prendre des mesures rapides et efficaces pour aider les citoyens et les entreprises (en particulier les PME) qui sont confrontés à des difficultés économiques en raison de l’épidémie de COVID‑19.
Ils peuvent décider de prendre des mesures telles que des subventions salariales, la suspension des paiements de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ou des cotisations sociales. Ils peuvent également accorder un soutien financier direct aux consommateurs, par exemple en cas d’annulation de services ou de billets non remboursés par les opérateurs concernés. Les États membres peuvent aider les entreprises qui font face à des pénuries de liquidités et ont besoin d’une aide au sauvetage urgente ou indemniser les entreprises pour les dommages directement causés par des événements extraordinaires, y compris des mesures dans des secteurs tels que l’aviation et le tourisme.
Flexibilité du cadre budgétaire européen
La Commission proposera au Conseil d’appliquer la pleine flexibilité prévue par le cadre budgétaire de l’UE (les 3%) afin que les mesures nécessaires puissent être mises en place pour contenir l’épidémie du coronavirus et en atténuer les effets socio-économiques négatifs.
La Commission se tient prête à proposer au Conseil d’activer la clause dérogatoire générale pour permettre une politique de soutien budgétaire plus générale. Cette clause permettrait – en coopération avec le Conseil – de suspendre l’ajustement budgétaire recommandé par le Conseil en cas de grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’UE.
Garantir la solidarité dans le marché unique
Il est essentiel les Etats membres garantissent ensemble la production, le stockage, la disponibilité et l’utilisation rationnelle des équipements de protection médicale et des médicaments dans l’UE, de manière ouverte et transparente (« plutôt que de prendre des mesures unilatérales qui restreignent la libre circulation des produits de santé essentiels »).
Par conséquent, la Commission a annoncé prendre toutes les mesures nécessaires à cette fin, notamment en fournissant aux États membres des orientations sur la manière de mettre en place des mécanismes de contrôle adéquats pour garantir la sécurité de l’approvisionnement, en lançant une procédure conjointe accélérée de passation de marché pour ces produits et en émettant une recommandation sur les équipements de protection ne portant pas le marquage CE.
Mobilisation du budget de l’Union
Afin de soulager immédiatement les PME durement touchées, le budget de l’UE déploiera ses instruments existants pour apporter à ces entreprises un soutien en liquidités, en complétant les mesures prises au niveau national. Dans les semaines à venir, un milliard d’euros provenant du budget de l’UE sera réaffecté en garantie au Fonds européen d’investissement pour encourager les banques à octroyer des liquidités aux PME et aux petites entreprises de taille intermédiaire.
Un montant d’environ 8 milliards d’euros permettra de venir en aide à au moins 100 000 PME et petites entreprises de taille intermédiaire européennes.
Atténuer l’impact sur l’emploi
Nous devons pour éviter tout effet permanent. La Commission est disposée à soutenir les États membres pour protéger les travailleurs contre le chômage et la perte de revenus, en promouvant notamment des régimes de chômage partiel, des programmes de mise à niveau des compétences et de reconversion professionnelle qui se sont avérés efficaces par le passé.
La Commission accélérera en outre la préparation de la proposition législative relative à un régime européen de réassurance chômage visant à soutenir les politiques des États membres qui préservent l’emploi et les compétences.
En outre, l’initiative d’investissement en réaction au coronavirus facilitera le déploiement du Fonds social européen, un fonds destiné à soutenir les travailleurs et les soins de santé.
Le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation pourrait également être mobilisé pour soutenir les travailleurs licenciés et les travailleurs indépendants dans les conditions prévues par le règlement actuel et futur. Un montant maximal de 179 millions d’euros est disponible pour 2020.
Initiative d’investissement en réaction au coronavirus
Dans le cadre de cette nouvelle initiative, la Commission propose d’allouer 37 milliards d’euros au titre de la politique de cohésion pour lutter contre la crise provoquée par le coronavirus.
À cet effet, la Commission propose de renoncer cette année à l’obligation qu’il lui incombe de demander aux États membres le remboursement des préfinancements non utilisés pour les Fonds structurels. Ce montant s’élève à environ 8 milliards d’euros provenant du budget de l’UE, que les États membres pourront utiliser pour compléter le financement structurel de 29 milliards d’euros dans l’ensemble de l’UE. Cela augmentera effectivement le montant des investissements en 2020 et contribuera à faire face à l’utilisation des 28 milliards d’euros non encore alloués au titre de la politique de cohésion dans le cadre des programmes relevant de la politique de cohésion pour la période 2014-2020. La Commission invite le Parlement européen et le Conseil à approuver rapidement cette proposition, afin qu’elle puisse être adoptée dans les deux semaines qui suivent.
En outre, la Commission propose d’étendre le champ d’application du Fonds de solidarité de l’UE en incluant également une crise de santé publique dans son champ d’application, en vue de le mobiliser si nécessaire pour les États membres les plus durement touchés. Un montant maximal de 800 millions d’euros est disponible pour 2020.