L’article L. 52-1 du code électoral prévoit, dans son deuxième alinéa, qu’”à compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin”.
Ainsi, dans le cadre des élections municipales de mars 2020, la règle s’applique depuis le 1er septembre 2019.
Compte tenu de l’esprit de cette règle – éviter que l’électeur soit influencé dans son vote par la valorisation des réalisations des élus sortants – la date du 1er septembre 2019 est celle après laquelle aucune campagne de promotion ne doit être portée à la connaissance de l’électeur. C’est bien la date à laquelle l’électeur reçoit le message qui compte, peu importe que la campagne de promotion ait été conçue, commandée, imprimée ou réglée par la commune avant le 1er septembre 2019 : elle sera illégale si elle est rendue publique après cette date.
De plus, toutes les formes d’expression publique, quelle que soit leur nature, sont susceptibles d’être appréhendées par le juge de l’élection et qualifiées de campagne de promotion publicitaire interdite : les publications sur les réseaux sociaux, les bulletins périodiques, plaquettes et brochures jusqu’aux sites Internet et blogs, en passant par les cartons d’invitations à des manifestations et les cartes de voeux, les insertions dans la presse, les discours prononcés, sans oublier les classiques affiches ” 4 par 3 “, les vidéos de présentation de la collectivité ou les reportages diffusés par un média public local.
L’analyse de la jurisprudence permet de dégager les deux conditions qui permettront d’écarter tout risque de mener une ” campagne de promotion publicitaire ” interdite.
La première condition tient à la forme du message ; la seconde concerne le fond du propos.
Pendant les six derniers mois précédant l’élection, tout changement dans la forme des supports de communication de la collectivité pourra trahir la volonté de l’élu d’améliorer l’image de l’action de son équipe. Sans suffire à identifier, de ce seul fait, une campagne de promotion publicitaire interdite, la rupture avec la pratique traditionnelle sera un critère, toujours couplé au fond du propos, amenant le juge de l’élection à la conviction de la commission de l’irrégularité.
De nombreuses décisions, identifiant une campagne de promotion publicitaire, mentionne expressément le critère de la rupture avec la pratique traditionnelle.
Cette rupture peut prendre forme dans l’accélération d’une fréquence de parution, ou dans la diffusion de numéros spéciaux dans les six derniers mois. Elle peut également être identifiée dans la réactivation d’un support délaissé depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Enfin, la rupture peut être révélée par l’augmentation du volume du bulletin municipal et le bouleversement de sa composition interne.
Pour autant, il faut garder en tête que les deux critères de forme et de fond sont cumulatifs : le seul respect de la pratique traditionnelle ne permet pas de justifier du respect de la loi.
En effet, le juge peut identifier une campagne de promotion publicitaire interdite malgré le respect de la pratique traditionnelle, comme en atteste l’arrêt du Conseil d’Etat rendu en juillet 2011 à l’occasion des élections régionales d’Ile-de-France : “eu égard à la nature et à l’ampleur de ces opérations, la circonstance qu’elles ont été précédées de campagnes similaires les années antérieures et présentent ainsi un caractère récurrent n’est pas de nature, en l’espèce, à leur retirer le caractère de campagnes de promotion publicitaire prohibées”.
En effet, sur le fond, pour éviter la violation de la loi, la communication publique devra toujours être guidée par le souci de délivrer une information utile aux habitants : il est permis de faire savoir, il est interdit de faire valoir.
Le franchissement du périmètre de l’information (autorisée) et l’entrée dans la zone de la valorisation (interdite) seront constatés par l’emploi de certains termes, principalement des adjectifs ou de certaines tournures de phrases laudatives ou polémiques.
Ainsi, le juge de l’élection permet la présentation d’un bilan “dépourvu de toute polémique électorale et qui se limite en termes mesurés, à dresser le bilan financier de la mandature et à faire état de certaines des réalisations de la commune” , mais sanctionne la présentation d’un “bilan avantageux” . De même, si une brochure exposant “les réalisations et la gestion de l’équipe municipale sortante” a été qualifiée de campagne de promotion publicitaire interdite, c’est seulement parce que ce bilan était présenté “sous un angle particulièrement favorable” .
Enfin et contrairement à une idée répandue, il pourra y avoir violation de l’article L.52-1 du code électoral même dans le cas où aucune référence à l’élection, aucun nom d’élu sortant ni aucune photographie ne figure dans le support de communication. C’est bien la présentation d’une action municipale collective, dès lors qu’elle est présentée de manière inutilement valorisante, qui est interdite par ce texte.
Me Philippe BLUTEAU, avocat associé, Cabinet Oppidum Avocats.