Projet de loi NOTRe: les détails de la version définitive

16 juillet 2015

Introduction générale 

 

 

La région consacrée, le département conforté et pas de dérive supracommunale

Malgré de fortes oppositions entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur l’économie générale du texte et sur certains points en particulier (élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, seuil pour l’achèvement de la carte intercommunale, etc.),  députés et sénateurs sont parvenus, jeudi 9 juillet 2015, à un accord lors de la tenue d’une commission mixte paritaire (CMP).

A l’issue de cette CMP, le projet de loi NOTRe renforce les compétences des régions, préserve celles des départements et permet également une clarification des compétences et un achèvement de la carte intercommunale avec l’instauration d’un nouveau seuil minimal à 15 000 habitants pour les EPCI à fiscalité propre – avec dérogations possibles. Concernant le transfert de la compétence PLUi, le compromis trouvé lors de la loi ALUR est conservé. La redéfinition de ces compétences s’est effectuée dans le cadre de la suppression de la clause générale de compétences des régions et des départements.

 

Intercommunalité

Le projet de loi prévoit la définition d’une nouvelle carte des intercommunalités, qui s’appuierait sur des EPCI de taille plus importante (seuil minimal fixé à 15 000 habitants). Le texte prévoit également la réduction du nombre de syndicats mixtes et intercommunaux d’ici 2017.

De nouveaux transferts obligatoires de compétences aux communautés de communes et d’agglomération sont aussi prévus d’ici 2020.

 

Suppression de la clause générale de compétence

L’article 1 du projet de loi supprime la clause générale de compétence générale pour les départements et les régions. Chaque niveau de collectivité se voit par conséquent confier des compétences et des domaines d’intervention reprécisés. A partir de cette suppression, le projet de loi distingue :

– les « compétences exclusives » : il s’agit de compétences placées sous la tutelle unique d’une collectivité précise ;

– les « compétences partagées » : il s’agit des domaines de compétence dans lesquelles plusieurs collectivités peuvent intervenir conjointement.

Les communes et intercommunalités conservent en revanche leur capacité à agir de manière volontaire sur tous sujets d’intérêt public local.

 

Utilité des Conférences territoriale de l’Action Publique (CTAP)

Suite à la suppression de la clause générale de compétences pour les régions et les départements, les CTAP pourraient conserver trois intérêts :

– Compétences partagées : elles permettent aux collectivités un exercice conjoint et harmonieux des compétences dites partagées.

– Compétences strictes : possibilités de délégation d’une collectivité compétente

– Guichets uniques : par le biais des CTAP, les collectivités peuvent s’accorder sur la création d’un guichet unique dans la perspective d’une simplification de l’action publique.

 

I. La Région 

 

Conformément à ce qui a été la philosophie générale du texte dès son élaboration, le rôle de la Région a été renforcé en matière d’aménagement du territoire et de développement économique et durable.

 

Les compétences exclusives de la région : le SRDEII et le SRADDET

– Conformément à la volonté de l’exécutif, les régions sont destinées, en tandem avec les métropoles, à devenir les moteurs essentiels de l’activité économique territoriale. La Région est ainsi chargée par l’article 2 d’élaborer un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) à valeur prescriptive. Il définira pour cinq ans les orientations en matière d’aides aux entreprises,  de  soutien  à l’internationalisation et d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, ainsi que les orientations relatives à l’attractivité du territoire régional. L’élaboration de ce schéma se fera en concertation avec la Conférence territoriale pour l’action publique (CTAP) et non en co-élaboration. A préciser également : une procédure de révision est possible après chaque renouvellement des conseils régionaux. L’article 3 confère également à la Région la compétence en matière d’octroi des aides directes aux entreprises.

En revanche, la région ne disposera pas du chef de filât sur la compétence tourisme, puisque l’article 4 qui le prévoyait a été supprimé. Le schéma régional des crématoriums a également été supprimé.

 

– Selon l’article 6, la Région se voit également confiée la charge de l’aménagement du territoire. Elle rédigera ainsi un schéma régional d’aménagement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) dans lequel figureront les orientations stratégiques en matière d’aménagement du territoire, de mobilité, de lutte contre la pollution de l’air, de maîtrise et de valorisation de l’énergie, du logement et de la gestion des déchets. Ce schéma peut faire l’objet d’une révision après chaque renouvellement des conseils régionaux. L’article 6 prévoit la possibilité pour la Région d’assumer – si elle en fait le vœu – la compétence relative à l’« animation et concertation dans le domaine de la gestion et de la protection de la ressource en eau et des milieux aquatiques » si elle en fait la demande. Cette compétence ne doit pas être confondue avec la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) qui elle, reviendra aux communes et à leurs groupements en 2018.

Enfin, l’article 8 confère à la Région la compétence concernant la gestion de l’ensemble des transports (transports scolaires, à la demande, interurbains, lignes capillaires, lignes ferroviaires d’intérêt local), à l’exception des transports à l’intérieur des agglomérations.

 

Les compétences partagées

Les compétences partagées qui devront faire l’objet d’un exercice concerté entre la Région et les différents niveaux de collectivités se trouvent énumérées à l’article 28. Les collectivités agiront de manière coordonnée et concomitante dans les domaines relevant de la culture, du sport, du tourisme, de la promotion des langues régionales et d’éducation populaire.

 

 

II. Le département 

 

Contrairement à ce que les premières discussions et ébauches du projet de loi avaient pu laisser entendre, le département n’est pas affaibli. Positionné comme la collectivité disposant des « compétences de solidarité sociale et territoriale », il n’est totalement délesté de ses compétences qu’en matière de transports et d’aides aux entreprises.

En matière de gestion des ports, l’article 11 prévoit la capacité des EPCI, des départements et des régions à candidater à l’attribution de leur gestion. En cas de pluralité de candidatures, le préfet aura, dans ce cadre, l’obligation de proposer, par priorité, la constitution d’un syndicat mixte aux collectivités territoriales et aux groupements intéressés.

Le Département conserve enfin ses compétences en matière de gestion des collèges et de voirie.

Le département s’impose également comme « la collectivité des solidarités » : il continuera à gérer les collèges, la voirie, l’intégralité de l’action sociale, mais aura aussi la charge de piloter l’action sociale de proximité : aide à l’enfance et aides aux familles. Le projet de loi va plus loin et renforce le caractère solidaire de l’action des départements en l’élargissant à la « solidarité territoriale ».

L’article 24 fait de l’aide aux communes et à leurs regroupements une compétence obligatoire des départements en matière de soutien à l’investissement de soutien technique et aide à l’ingénierie. Cet article permet également le maintien de l’action départementale sur les filiales agricoles et forestières.

Les départements seront mieux associés et directement à la décision concernant l’implantation des services publics, puisque l’article 25 dispose qu’il collaborera avec l’Etat à produire le schéma départemental des services publics.

 

 

III. Le bloc local 

 

Devenir des syndicats mixtes et des syndicats intercommunaux

L’article 14 met en place les conditions d’une réduction du nombre de syndicats mixtes. Il prévoit « la réduction du nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes, en particulier par la suppression des doubles emplois entre des établissements publics de coopération intercommunale ou entre ceux-ci et des syndicats mixtes ». Cette réduction du nombre de syndicats concernera, selon les situations, les syndicats mixtes ayant une taille identique à celle de l’EPCI ou ceux ne regroupant pas toutes les communes de l’EPCI.  Elle ne devrait pas concerner les syndicats mixtes de taille supérieure qui sont déjà les fruits de mutualisations.

 

EPCI : vers de nouveaux regroupements

Dans le cadre de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, le seuil minimal sera finalement fixé à 15 000 habitants pour les EPCI à fiscalité propre – avec quatre dérogations, sans toutefois que ces dérogations ne permettent de laisser subsister des EPCI de moins de 5000 habitants :

1 – Un aménagement est prévu lorsque la densité démographique du projet d’EPCI est inférieure à la moitié de la densité nationale dans un département caractérisé lui-même par une densité inférieure à la moyenne nationale. Dans ce cas, le seuil applicable est de 15 000 habitants pondéré par le rapport entre la densité démographique du département et la densité moyenne nationale.

2 – Une seconde dérogation au seuil de 15.000 habitants est prévue pour les EPCI dont la densité démographique est inférieure à 30% de la densité moyenne nationale

3 – Les EPCI dits « de montagne » c.-à-d. les EPCI qui comportent au moins 50% de communes situées en zone de montagne, pourront aussi prétendre à déroger au seuil de 15.000 habitants.

4 – Le quatrième aménagement est prévu pour les EPCI incluant un EPCI à fiscalité propre comprenant plus de 12 000 habitants et issu d’une fusion depuis le 1er janvier 2012.

A préciser enfin, que ce calcul démographique s’appuie sur la prise en compte de la « population municipale » en place et lieu de la « population totale. »

 

Les nouvelles compétences obligatoires

Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, deux compétences supplémentaires deviennent obligatoires : l’aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage et les collecte et traitement des déchets des ménages et déchets assimilés. De plus, la compétence d’actions de développement économique ne peut plus faire l’objet d’un partage entre l’intercommunalité et les communes membres à la faveur de la définition d’un intérêt communautaire, sauf en matière de « soutien aux activités commerciales ».

Dans les communautés de communes, les compétences eau et assainissement seront désormais au nombre des compétences optionnelles entre lesquelles ces communautés doivent retenir, avant le 1er janvier 2018, trois compétences.

Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, ces compétences eau et assainissement deviendront obligatoires le 1er janvier 2020.

D’autre part, la loi oblige à la création d’un conseil de développement dans les EPCI de plus de 20 000 habitants (Article 22 nonies.)

En ce qui concerne le transfert de la compétence relative au Plan Local d’Urbanisme (PLU) au niveau intercommunal, le principe d’une minorité de blocage issu de la loi ALUR est maintenu.

 

Suppression du principe de l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires

Après des débats houleux, le principe de l’élection au suffrage universel direct pour toutes les intercommunalités n’a finalement pas été intégré au projet de loi.

 

Violations du droit communautaire : la note aux EPCI ?

L’article 33 prévoit la participation des collectivités au paiement des liées aux violations du droit communautaire dans le cadre de l’exercice d’une compétence décentralisée.

 

Réaction de l’APVF sur le texte :

Comme l’APVF l’avait demandé, la fixation du seuil à 15 000 habitants pour les intercommunalités, accompagnée de dérogations qui prennent en compte les spécificités du territoire, permettra de tenir compte de particularités locales et les nouveaux pouvoirs conférés à la CDCI en cas de refus majoritaire, par les communes concernées, du projet d’évolution de la carte intercommunale, permettent de s’assurer que les élus locaux conservent le dernier mot en matière d’évolution du périmètre des groupements.

L’APVF s’est réjouie que le principe de l’élection au suffrage universel direct pour les conseillers communautaires n’ait pas été retenu, l’association s’étant toujours opposée au passage de l’intercommunalité à la supracommunalité.

Enfin, l’APVF a estimé que le rallongement des délais à 2020 pour les transferts des compétences « eau » et « assainissement » aux intercommunalités permettra une adaptation sereine et efficace du cadre renouvelé de leurs missions. De plus, l’APVF a approuvé le maintien du compromis trouvé lors des débats sur la loi ALUR sur le transfert du PLU aux EPCI à fiscalité propre.

L’APVF n’a eu de cesse de rappeler l’importance du maire comme l’incarnation de l’autorité la plus proche de la population. Cette proximité le rend indispensable et est d’autant plus impérative aujourd’hui que notre cohésion sociale est mise à l’épreuve.

Elle restera attentive à l’application du texte et rappelle que désormais les élus locaux ont, plus que jamais, besoin de règles stables et claires afin de mener à bien leurs politiques locales.