Les élus des petites villes européennes prennent position sur le projet de Partenariat Transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP)

1 juillet 2015

Représentés par la CPVME, les élus de petites villes estiment que les objectifs recherchés en termes d’accroissement des opportunités de développement économique sont certes louables mais souhaitent cependant appeler à la plus grande vigilance sur certains points. Parmi ces points, figurent le nécessaire respect des principes de l’autonomie des autorités locales et la liberté d’organisation dans la mise en œuvre des services publics locaux. Le manque de transparence des négociations et l’instauration de tribunaux d’arbitrage se supplantant aux juridictions nationales inquiètent aussi vivement les élus locaux.

Le besoin d’une transparence accrue

Pour la CPVME, les craintes que suscitent les négociations sont accentuées par le relatif secret dans lesquelles les négociations sont conduites. Au regard de leur incidences potentielles, la CVPME estime que ces négociations devraient faire l’objet d’une consultation et d’une information régulière des collectivités territoriales et de leurs réseaux. Dans la mesure où l’ensemble des dispositions s’appliquera tant aux acteurs nationaux que locaux, la CPVME, en accord avec le Comité des Régions, exige que tous les documents essentiels soient publiés et que les directives de négociation soient présentées de manière compréhensible et sans restrictions aux collectivités locales et à tous les citoyens de l’Union européenne.

La nécessité de préserver l’autonomie des collectivités locales et la libre organisation des services publics locaux

La CVPME rappelle que la liberté d’organisation dans la mise en œuvre des services publics est pleinement reconnue à l’échelle de l’Union Européenne et ne doit aucunement être remis en question. Si, à l’heure actuelle, le TTIP ne semble pas interdire le retour en régie d’un service public local, il prévoit qu’une entreprise délégataire pourrait contester, devant un tribunal arbitral privé, la rupture de son contrat par la collectivité pour cause de remunicipalisation du service. La présence de clauses figeant le degré de libéralisation n’est pas acceptable pour les élus de petites villes européennes qui considèrent qu’une telle mesure porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités. Les élus locaux doivent demeurer libres d’organiser, soutenir, financer et fournir les services publics locaux comme ils le souhaitent.

La volonté de conserver des marges de manœuvre politique 

Le Traité prévoit que les investisseurs privés pourraient contester les règles adoptées par les autorités nationales devant un autre juge que celui de droit commun. Les décisions des collectivités territoriales ne sont pas exclues de ce mécanisme d’arbitrage privé : les collectivités pourraient être attaquées par des entreprises, en dehors du juge de droit commun, si elles étaient considérées comme des « entraves » au libre-marché.

Les collectivités territoriales pourront-elles encore, demain, faire des choix politiques sans risques judiciaires ? Bien que prises au nom de l’intérêt général, des décisions publiques contrevenant à des intérêts privés, telles que la mise en œuvre d’une politique de soutien aux entreprises locales participants à la transition énergétique, seraient potentiellement menacées et contestées par des entreprises privées américaines pour « entrave à la concurrence ». La CPVME estime qu’une mesure protégeant un objectif légitime d’intérêt public ne doit pas pouvoir donner lieu à une compensation au nom de son impact économique sur un investisseur. Des choix politiques locaux doivent pouvoir être faits sans risque judiciaires.

D’autre part, même si « la préférence locale » est déjà interdite au niveau européen au nom du principe de non-discrimination (jurisprudence de la Cour européenne de justice), la CVPME considère indispensable de conserver la possibilité d’insérer dans les cahiers des charges des marchés publics des clauses de durabilité (environnementale, sociale et, à travers elle, locale) afin de privilégier par exemple l’approvisionnement via des circuits courts aussi bien dans la restauration collective des communes que dans la fourniture d’énergies. Ces clauses permettent en effet à de nombreuses collectivités de ne pas être contraintes de recourir au prestataire le moins disant.

En conclusion, la CVPME estime que le cadre légal européen en vigueur concernant les services publics (directive Concessions, règles sur les aides d’Etat…) doit être conservé et respecté par le TTIP qui devrait prévoir la possibilité de déroger  aux  règles  du  marché  intérieur  et  de  libre-concurrence  communautaires  pour  des  raisons d’intérêt public général.