Table ronde sur la réforme territoriale

26 juin 2015

Présents :

Marylise LEBRANCHU, Ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique

Romain PASQUIER, Directeur de recherches au CNRS

Nathalie APPERE Députée d’Ille-et-Vilaine, Maire de Rennes

Loïc CAURET, Maire de Lamballe, Président de Lamballe Communauté, Président délégué de l’ADCF

Pierre JARLIER, Maire de Saint-Flour, 1er Vice-président délégué de l’APVF

François GOULARD Ancien ministre, Président du Conseil départemental du Morbihan

Philippe LAURENT Maire de Sceaux, Vice-président de l’APVF, Secrétaire général de l’AMF

Martin MALVY Ancien ministre, Président de la région Midi-Pyrénées, Président d’honneur de l’APVF

 

Animateur :

Xavier BRIVET, Directeur du Pôle Collectivités territoriale, Groupe Le Moniteur

 

 

Romain Pasquier constate des reculs du Gouvernement par rapport au projet initial de réforme territoriale et pointe notamment le rôle joué par le Sénat dans cette régression. Selon lui, seul Gaston Defferre a réussi à réformer en profondeur les territoires.

La philosophie originelle de la réforme territoriale,  « faire confiance à l’intelligence des territoires », a permis l’émergence d’initiatives territoriales intéressantes, comme la Métropole de Lyon, mais on peut regretter que celle-ci se soit érodée dans le flot des débats parlementaires, comme en témoigne le recul sur le droit à l’expérimentation des collectivités.

Romain Pasquier dénonce par ailleurs le manque d’ambition de ce projet de loi quant à la problématique des structures et de leur rationalisation, même si selon lui, le développement des communes nouvelles en parallèle de la réforme territoriale va dans le bon sens. A son sens, il convient de faire évoluer davantage la carte communale : il y a encore trop de doublons et trop de structures. Et cette réforme n’est pas porteuse de suffisamment de simplification.

 

Xavier Brivet résume la position de Romain Pasquier et parle d’un « sentiment partagé. »

 

Nathalie Appéré introduit son propos en soulignant à quel point l’exercice de s’exprimer sur la réforme territoriale est compliqué pour elle étant donné son statut et l’actualité brûlante du sujet. Elle rappelle les deux objectifs du projet de loi NOTRe que sont la lisibilité et la clarification. A l’aune du projet de loi, les régions récupèrent les compétences stratégiques en termes d’aménagement et d’économie. Le département est repositionné sur des compétences dédiées à la solidarité. Le bloc local, de façon générale, monte également en compétence. Selon la députée-maire, il convient d’ailleurs de ne pas opposer les communes et les intercommunalités – qui composent ensemble le bloc local – car la capacité à agir des maires dépend de la mutualisation des moyens à l’échelle intercommunale. C’est pourquoi, à son sens, la métropole ne constitue pas une menace pour le périmètre de compétence des maires. Le renforcement des intercommunalités est une avancée majeure de la loi NOTRe : l’intercommunalité est une opportunité d’agir aux échelles qui sont les bonnes.

Sur la question des seuils, il peut y avoir une dimension arbitraire : le seuil à 20 000 habitants va permettre d’organiser, lorsqu’on regarde le territoire, des regroupements pertinents. Mais l’uniformisation n’est pas forcément efficace. Il faut, comme l’a fait la Commission des lois de l’Assemblée nationale, prendre en compte les spécificités géographiques et les contrastes en termes de densité, tout en conservant un plancher minimal à 5 000 habitants.

Autre élément à souligner : le caractère prescriptif des schémas régionaux a également fait débat mais on s’oriente vers une rédaction un peu plus équilibrée et vers des schémas simplifiés.

Il faut continuer à réfléchir à l’élection au suffrage universel des conseillers communautaires. L’Assemblée a rétabli le transfert de la compétence obligatoire « eau et assainissement » aux EPCI. A terme, il convient de développer les PLUI. Ce texte entérine une montée en puissance de l’échelon intercommunal.

 

Loïc Cauret prend la parole pour expliquer que l’ADCF a regretté la version du texte sortie du Sénat. Cependant, de façon générale, l’ADCF se réjouit globalement de ce projet de loi et de l’enrichissement apporté par l’examen de l’Assemblée nationale. Selon Loïc Cauret, la loi NOTRe donne une vision sur ce que doit être l’organisation des territoires pour les prochaines années. Il convient toutefois d’accorder une attention particulière à la mise en place d’un seuil minimal à 20 000 habitants pour les intercommunalités, car il faut le temps de la mise en œuvre pour les collectivités et ne pas précipiter les choses.

Loïc Cauret insiste sur l’idée Il ne faut pas qu’il y ait de confusion, ni de contradiction entre les périmètres d’action des collectivités et les périmètres d’action de l’Etat.

Enfin, les associations d’élus doivent développer leur coopération, se fédérer pour éviter d’orienter les débats tous les sens et « casser » les dynamiques de la réforme territoriale.

 

Francois Goulard se réjouit de l’évolution du gouvernement sur le texte par rapport à il y a un an – allusion à l’objectif initial de suppression des départements. Ce qui est problématique, c’est la perspective financière des collectivités et surtout des départements – en raison de leur rôle par rapport au revenu de solidarité active. L’aide qu’apporte le département aux communes va diminuer, au moment même où l’Etat verse moins d’argent aux petites communes proportionnellement au nombre d’habitants. Le département, comme celui présidé par François Goulard, corrige les inégalités des communes face aux dotations d’Etat. Il a le sentiment qu’au regard des bouleversements actuels, on revient sur l’autonomie des collectivités et sur les avancées apportées par la loi Defferre.

 

Xavier Brivet propose de laisser la parole à Philippe Laurent qui va aborder la question des finances locales.

 

Philippe Laurent tient d’abord à préciser qu’il est d’accord avec ce qui a été dit précédemment : Gaston Defferre est le seul à avoir réussi à bouleverser l’organisation territoriale en profondeur. Philippe Laurent commence son intervention en pointant du doigt les doublons existants entre Etat et collectivités et qui sont les plus problématiques. Selon lui, l’Etat doit opérer une révolution culturelle pour accepter de vraiment déléguer, de se retirer de certains périmètres de politiques publiques au profit des collectivités locales. Il regrette que la réforme ne propose ce véritable « saut décentralisateur. »

D’autre part, Philippe Laurent tient à alerter sur les conséquences de l’effondrement de l’investissement public : il cite l’exemple des transports en Ile-de-France qui connait aujourd’hui des situations difficiles et un certain retard dans les infrastructures à cause d’investissements insuffisants.

 

Martin Malvy juge que les associations d’élus se sont montrées très conservatrices à l’égard de la réforme territoriale. Il rappelle le conseil que prodiguait Gaston Defferre : en matière de décentralisation, les réformes doivent aller vite. Toujours en matière de bouleversements territoriaux, il convient de ne pas modifier les règles tous les ans comme ce qui se fait pour le FPIC. Malgré la montée en compétence des régions, Martin Malvy réfute la comparaison des régions françaises avec des Länder ou des provinces espagnoles.

Il rappelle que la France n’est pas une république fédérale mais une république décentralisée. Concernant l’intercommunalité, celle-ci représente une opportunité pour le maire d’une petite commune de participer au débat sur son territoire et d’être acteur de l’animation du bassin de vie. Il appelle de ses vœux une meilleure collaboration du couple région-intercommunalité.

 

Pierre Jarlier fait le constat d’une attente des élus concernant le renforcement du poids des petites villes bourg-centres. L’avenir des petites villes, c’est une commune forte dans une intercommunalité. Pierre Jarlier plaide pour davantage de souplesse et de confiance à plusieurs égards : pour les maires, il faut pouvoir mettre plus facilement en commun les moyens à l’échelle intercommunale mais également avoir davantage de souplesse dans la fixation des contours de l’intercommunalité en fonction du territoire où l’on se trouve. Selon lui, la dynamique sur les PLUI existe, mais pour assurer leur développement, il faut donc absolument maintenir les dispositions de la loi ALUR inchangées – soit la « minorité de blocage ». Concernant la loi NOTRe, il convient de faire émerger un compromis entre les deux Assemblées ; en parallèle, il faut également une réforme de la DGF pour que celle-ci soit répartie de façon plus juste entre les collectivités et pour éviter des effets de seuil criants.

 

Marylise Lebranchu rappelle que le texte déposé par le Gouvernement a beaucoup changé. Les 28 associations d’élus ont participé à la co-construction du projet de loi. Elle a constaté qu’il n’y a pas, de la part des associations d’élus, de demande de décentralisation supplémentaire mais plutôt une demande de clarification des compétences.

Selon elle, pour construire les territoires de demain, il faut penser et favoriser l’échelle du bassin de vie des citoyens (travail, école, loisirs) et surpasser les tentations de replis sur soi et les mécanismes de conservation. Pour la Ministre, le salut des communes passe par la création d’intercommunalités fortes.