Colloque sur la Santé

3 mai 2011
Colloque sur l’avenir hospitalier dans les petites villes – 3 mai 2011 – APVF

«Quel avenir hospitalier dans les petites villes ? »

Le Colloque du 3 mai 2011 organisé par l’Association des Petites Villes de France au Palais du Luxembourg a réuni près de 50 personnes autour de la question «Quel avenir hospitalier dans les petites villes ? ». Les débats ont été animés par Hélène Delnotte, rédactrice en chef adjointe de la gazette Santé-Social.


Après les allocutions d’ouverture de Monsieur Jean-Paul NUNZI , Maire de Moissac, Vice-président de l’APVF, président de la Conférence de Territoire du Tarn-et-Garonne (que vous pouvez retrouver ici) et de Claude EVIN, ancien Ministre, directeur général de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France, accueillant les participants, le colloque s’est ouvert la 1ère table ronde.

• La 1ere table ronde a été intitulée : «Quel intérêt pour les petites villes à s’engager dans les projets hospitaliers ? ».

Fabrice MARCHIOL, Maire de La Mure, Conseiller régional de Rhône-Alpes, ancien membre de la Commission de concertation Larcher sur les missions de l’hôpital a présenté la situation de la commune de la Mure et son hôpital, en précisant que le 1er critère en matière de santé devait être, non pas la proximité mais la qualité. C’est cette qualité qui, en étant garantie, permettait de conserver la proximité.

La restructuration de l’Hôpital de la Mure s’est faite en trois étapes après négociation avec l’ARS : création d’un partenariat avec le CHU  de Grenoble pour garantir la politique de travail de réseau avec la signature d’une convention de direction commune permettant l’autonomie juridique de l’établissement. La chirurgie a été supprimé avec la création d’un service de soin de suite, puis ri y a eu un redéploiement des emplois sur site avec un renforcement des urgences, une augmentation du nombre de lit en médecine active, la création d’un  service de SSR (soins de suite et de réadaptation), avec une filière de soin qui répond également à la médecine de ville.

Enfin, la création d’un nouveau projet d’établissement avec un site de mammographie, l’ouverture d’un centre de planning familiale et la construction d’un nouvel EPAD de 120 lits ont complété le dispositif. Il reste aujourd’hui à renforcer la question des transports médicaux, avoir des coopérations médicales avec le grand frère plus abouties. La survie de l’hôpital dans les petites villes passe par des coopérations pour Monsieur MARCHIOL.

Pour Fabrice MILLEREAU, Maire de Beaumont-sur-Oise, Vice-président de l’APVF, Président du Conseil de surveillance du Centre hospitalier intercommunal des Portes de l’Oise, l’essentiel pour les maires des petites villes est de donner (ou permettre de conserver) à nos citoyens un service public de santé qui soit à même de répondre à leur besoins et à leurs souhaits. A son sens, la loi HPST est une caisse à outils mise à disposition de l’Etat et donc des ARS. Elle leur permet de serrer la « vis financière » aux hôpitaux mais également, et c’est un des points positifs, de développer les coopérations inter-hospitalières et la mutualisation des services.

Mais sans actions directes sur le corps médical et donc sur l’activité et les ressources, il sera très difficile d’influer sur la stratégie hospitalière globale. L’hôpital est un recours pour toutes les populations qui ne peuvent se faire soigner dans les cliniques, avec sur-honoraires. L’hôpital de proximité a un rôle humain à jouer, il doit rester le symbole de l’égalité de traitement entre tous.


Patrick FAUGEROLAS, Directeur du Centre Hospitalier du Chinonais a présenté le cas de son hôpital, de la création du regroupement de l’hôpital du Chinonais, de la clinique de Chinon et d’une alliance avec le CHU de Tours.

Il y a eu pour son hôpital le passage d’une logique de concurrence à une logique de complémentarité. Malgré les visions, les cultures, les pratiques différentes, l’alliance a pu se faire, et ont été regroupés sur un même site l’hôpital et la clinique, ce que faisant l’un, l’autre ne le fait plus.

Un “grand frère” a été ajouté dans l’alliance : le CHU de Tours avec le développement de services particuliers fonctionnant avec des praticiens des deux hôpitaux (cancérologie) et la mise en place d’une direction commune. Cette opération a dynamisé l’hôpital et a permis de proposer un véritable service de soins, complémentaires, coordonnés pour la population.

Il faut être pragmatique et ainsi, la logique de concurrence, mortifère à court terme et catastrophique en terme de besoin de santé et d’emploi, a été remplacée par une logique privilégiant une offre de soins complémentaires, tenant la route, basés sur la double alliance (hôpital/Clinique, hôpital/CHU).

Claude LAVIGNE, maître de conférences à Sciences Po, membre de l’Inspection Générale des Affaires Sociales et Directeur du centre hospitalier du Val d’Ariège, a insisté quant à lui, sur le rôle à donner au T de la loi HPST, c’est à dire le mot Territoire.

En Ariège, un euro sur deux dépensé en santé par les Ariégeois se fait à l’extérieur du département. La question du Territoire est une question importante : il faut avoir, pour les élus, l’honnête de se dire que par rapport à une situation donnée, il est nécessaire de s’entendre pour reconnaitre que la prise en charge de la population doit s’exprimer au niveau d’un territoire précis : au niveau du département, d’un bassin de vie, ou d’une commune. Il semblerait que la réflexion doive se tenir au niveau du département.

Les élus locaux ont évidement intérêt à intervenir dans les projets de santé. Mais en échange de quoi ?

Il faut renoncer à l’évolution par le versant administratif, c’est par le projet médical d’un territoire que dépend le succès de la loi HPST. II y a une réflexion à conduire en terme d’arbres de pertinences médicales. Les hôpitaux sont les lieux dans les territoires dans lesquels doivent se conduire les logiques de filières. Et il est nécessaire de revenir aux fondamentaux, de façon à ce que personne ne puisse dire qu’il ignore ce qu’il se passe dans les hôpitaux.

Il faut arriver à démontrer qu’il y a une notion de confort médical dans l’adressage mutuel. Les élus locaux peuvent au moins vérifier que dans leurs établissements, un certain nombre de levier de changement sont mis en œuvre (télémédecine, trie efficace des patients).

Dans la dimension de revalorisation du Territoire, il faut respecter la taille du territoire défini, il faut donc savoir pousser les acteurs et les professionnels, les convaincre de la richesse collective du système de soin territorial et de l’importance de sa consolidation.

La 2ème table ronde a porté sur «Comment concilier pertinence médicale et continuité de service public hospitalier ?»

Elisabeth HUBERT, ancienne Ministre, Docteur, auteur d’un rapport sur la médecine de proximité, a réaffirmer la nécessaire prise de conscience en tant qu’élu, sur l’impossibilité de transiger sur la qualité des soins. L’iniquité, c’est de ne pas avoir accès à des soins de qualité. Et toutes les autorités, élus locaux ou autorités de tutelle doivent en être conscientes et doivent réfléchir aux moyens de rendre accessible ces soins de qualité.

Aujourd’hui, il faut se demander comment convaincre les jeunes médecins d’exercer une médecine de proximité, dans des conditions bien différents d’il y a 20 ans. Les médecins sont mal répartis et l’activité médicale est mal définie.

De plus, les médecins se destinent de moins en moins à la médecine générale. Les jeunes étudiants en médecine sont aujourd’hui de jeunes urbains, sans difficultés sociales, ce qui explique pourquoi les bourses d’études n’auront jamais l’effet attendu pour favoriser l’implantation en zone médicale désertée. Aujourd’hui, les médecins ne veulent plus exercer dans les conditions du passé, isolés, sans filet. Ils ont besoin d’un environnement médical, avec un plateau technique de proximité (même si l’interprétation des données ne se fait pas sur place). Le poids de l’administratif doit également moins importante.

Mais la principale réforme doit se faire dans les études médicales. L’exercice médical doit être conforme au besoin. Le seul modèle médical ne doit plus être d’exercer dans un CHU. Il est donc urgent d’ouvrir les capacités de stages tout au long des études médicales dans d’autres lieux que les CHU, mais chez des généralistes, des spécialistes, ou au sein d’hôpitaux de proximité. Mais hélas, aucune décision n’a encore été prise. Or il est nécessaire de bouger très vite pour modifier l’organisation d’études déjà très longues.

Il est nécessaire d’inciter au regroupement des professionnels. Les mesures prises en faveur des maisons de santé sont insuffisantes et manquent d’ambition. Il s’agit de créer, même dans une période transitoire, des pôles de santé, pour organiser la disponibilité, la permanence, les systèmes d’information et le partage des compétences. Une dégradation des fonctions des différents échelles de responsabilité a pu être constatée dans la santé, aussi bien dans l’organisation des grands hôpitaux, des petits, ou dans l’activité des praticiens, spécialistes, généralistes, infirmières. Il y a une dégradation de l’ensemble de la chaine de santé médicale et para-médicale. Il faut  donc repositionner les uns et les autres sur leur valeur ajoutée. Pour Madame Hubert, le paiement à l’acte doit rester le socle de la rémunération, avec le développement d’autres rémunérations, un mix, hélas aujourd’hui trop embryonnaire et complexe.

Un certain nombre de mesures d’urgence doivent être prise, notamment en télémédecine. Mais il faudra également pallier la désertification médicale. Les transports médicaux doivent être développés en priorité par les collectivités territoriales. Alors que les maisons de santé peuvent être portées par des projets libéraux à condition qu’un fonds de garantie puisse permettre de récupérer l’investissement des praticiens. Ce fonds pourrait être un levier puissant pour les dynamiser. La problématique hospitalière de proximité et la problématique médecine de proximité sont très proches. Pour les deux, les conditions de qualités et de sécurité doivent être garanties pour toute la population.


Félix FAUCON, chef de service à la direction générale de l’Offre de Soins au Ministère du travail, de l’emploi et de la Santé, a rappelé les très fortes inerties du système de santé, avec des cycles de 20 ans en recherche, de 30-40 ans pour les réformes hospitalières, et de 10-15 ans pour les études et pratiques médicales.

Le 1er bilan de la loi HPST ne peut donc que se faire sur les schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), qui sont en capacité de donner une cohérence globale au système de santé. Il ne faut pas “zapper” les réformes les une après les autres, sans voir leur effets, ni les évaluer. Monsieur Faucon a souhaité rétablir quelques vérités : l’amélioration de la prise en charge des patients passe par l’externalisation, et il ne s’agit pas de regarder les effectifs de la fonction publique hospitalière, mais de regarder l’ensemble des effectifs qui participent à la notion de soin.

Pour ce qui est des Missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation (MIGAC) et des marges de manœuvres récemment gelées : sur les 72 milliards de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), plus de 1.5 milliards sont des marges de manœuvres mises à la disposition des directeurs d’ARH et Le gel n’est pas  une réduction. Il s’agit de s’assurer du respecter l’ONDAM. Il n’y a pas eu soustraction, mais une forme de distribution autre que celle prévue.

Les hôpitaux publics ont connu par ailleurs une amélioration de leur situation économique globale. La tarification à l’activité est, quant à elle, un gage d’équité, avec un tarif qui est le même pour tous les établissements. Elle permet de mettre fin aux sur dotations et au sous dotations.

L’accessibilité de tous les citoyens à des soins de qualité est un des principes fondamentaux et cela reste au cœur des préoccupations politiques. Mais les effets du vieillissement sont devant nous. Dans les 20 prochaines années, la population des plus de 65 ans va augmenter de 60% pour une population active constante en volume. Tout hôpital va d’abord être un hôpital gériatrique, cela impactant lourdement l’organisation des soins. Il faut que les compétences présentent sur les plateaux techniques puissent être disponible au plus grand nombre : d’où le développement de la télémédecine, de l’hospitalisation a domicile, des parcours de soins coordonnés.

Ces sujets doivent être vus avec pragmatisme et modestie. Le rôle des directeurs des ARS est d’autant plus fondamental.

Frédéric VALLETOUX, Maire de Fontainebleau, Président de la Fédération Hospitalière Régionale d’Ile-de-France a noté l’importance du développement des réseaux de soins. La planification sanitaire doit être suivie par les élus. L’avenir de la politique de santé se discute aujourd’hui de façon de plus en plus ouverte, avec les usagers, les médecins et les élus.

Il est également nécessaire de garantir l’inventivité et les souplesses d’adaptation. La voie de la coopération est la principale voie à envisager, entre public / privé, gros hôpitaux / plus petits. Le gouvernement doit montrer également plus d’entrain dans les nouvelles techniques, et pratiques médicales. Le débat de la réalité des actes pratiqués doit également être abordé, notamment sur l’utilité des actes prescrits et pratiqués. La Fédération Hospitalière de France souhaite ainsi ouvrir largement ce débat des actes. Le financement des établissements passe également par la pertinence de leurs activités.

Jean-Paul NUNZI, Maire de Moissac, Vice-président de l’APVF, président de la Conférence de Territoire du Tarn-et-Garonne, souhaite adresser trois critiques majeures vis-à-vis des ARS : la politique de l’urgence, tout le monde voulant attendre les mêmes but, mais pas au même rythme. L’ARS a des impératifs, des délais. Mais les élus constatent que les réalités du terrain ne permettent pas de bousculer trop brutalement, sans concertation les professionnels.

Sa deuxième remarque fût pour le refus de la gouvernance unique. Dans la période de coopération, tout doit se faire donnant/gagnant. Or les perspectives des ARS sont une gouvernance unique, au détriment de la concertation, et de l’établissement le plus petit. Des discutions réelles sur les coopérations doivent et peuvent être montées.

Enfin, les établissements de proximité ont un réel rôle social, qui devrait être reconnu et qui aujourd’hui est trop négligé. Il faut donc être très prudent dans les modifications imposés aux hôpitaux pour permettre une véritable coopération entre les hôpitaux, et éviter les fermetures.


Le président Martin MALVY, ancien Ministre, Président du conseil régional Midi-Pyrénées, Président de l’APVF, a clôturé les débats en insistant sur trois défis majeurs : la lutte contre l’isolement, l’investissement et le soutien financier aux petites structures hospitalières, et la concertation et rôle des élus.