Dans le cadre d’une audition à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances ce jour, l’APVF, représentée par Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps et vice-présidente de l’APVF, a dénoncé, encore, le financement par les collectivités locales, elles-mêmes, de la péréquation verticale par écrêtement de la dotation forfaitaire des communes, ainsi que des mesures nouvelles décidées par l’Etat en faveur des collectivités par la minoration des variables d’ajustement.
Mme Christine Pires-Beaune, Rapporteure spéciale sur les Remboursements et dégrèvements (programme 201 du PLF), a auditionné, dans le cadre d’une table ronde, l’ensemble des représentants des associations d’élus aujourd’hui sur le thème : « fiscalité locale » : dégrèvements et compensations d’impôts locaux, évolution et prévisions 2019.
A cette occasion, l’APVF a pu aborder un certain nombre de points fondamentaux, dont les principaux sont les suivants.
I. Evolution des dégrèvements d’impôts locaux :
Selon les estimations de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL), le poids des dégrèvements est passé de 13 % des ressources fiscales directes des collectivités en 2017 à 17 % en 2018. Cela est principalement à la mise en œuvre du « dégrèvement des 80 % ».
Ils représentent ainsi 30 % des recettes de taxe d’habitation, 3 % du montant des taxes foncières sur le bâti ou non bâti, et 25 % de la contribution économique territoriale.
De manière générale, les dégrèvements de TH sont en augmentation continue depuis 2013 (sauf en 2017), à tel point que, selon une formule désormais classique, « l’Etat est devenu le premier contribuable local ».
Pour l’APVF, la hausse des dégrèvements et notamment celle qui résulte du « dégrèvement des 80 % » pose plusieurs questions majeures et notamment :
- des Inégalités territoriales et sociales figées, voire accentuées, par la mesure de dégrèvement: les montants acquittés au titre de la taxe d’habitation sont répartis de manière très inégalitaires au sein du bloc local. La mesure de dégrèvement va accroître ces disparités : « dans plus de 7 300 communes, moins de cinq contribuables supporteront cet impôt ».
- un affaiblissement du pouvoir fiscal des communes et des EPCI : les communes comptant une proportion élevée de bénéficiaires du dégrèvement ne disposeront plus d’aucune marge de manœuvre, ni sur les taux, ni sur l’assiette de la TH.
II. De côté des compensations d’exonération d’impôts locaux :
Selon les estimations de l’OFGL, les compensations d’exonérations (allocations ou dotations) versées par l’Etat devraient atteindre, en 2018, 5,8 Mds€, soit l’équivalent de 7% des ressources fiscales directes.
Les compensations d’exonérations ont diminué de 1,2 Mds € en 6 ans, soit -17%.
Cette baisse est due à l’utilisation d’une partie de ces compensations comme variables d’ajustement. A titre d’exemple, les compensations ayant intégré les variables d’ajustement en 2009 ont été minorées de 77,6 % en 2016.
Pour l’APVF, la problématique des compensations d’exonérations s’illustre à plusieurs points de vue :
- La baisse des compensations d’exonération d’impôt pénalise les communes les plus fragiles : le plus souvent, en effet, les exonérations ciblent les populations ou zones économiques les plus en difficulté. Sans remettre en cause la légitimité de ces mesures d’allègement, les collectivités les plus défavorisées au regard de ces critères sont donc aussi les plus directement touchées par la réduction des compensations.
- Le financement par l’Etat des mesures nouvelles sur le dos des collectivités les plus fragiles: La plupart des mesures nouvelles décidées par l’Etat, chaque année, en faveur des collectivités territoriales sont financées sur les budgets locaux, via la l’élargissement et minoration des variables d’ajustement. En 2019, le montant de la minoration sur les variables d’ajustement atteint ainsi 145 M€. Ce prélèvement est motivé par les trois « mesures nouvelles » que sont : la dotation exceptionnelle pour Saint-Martin (50 M€), l’apurement des restes à payer au titre de la dotation globale d’équipement des départements (84 M€) et l’augmentation de la dotation générale de décentralisation bibliothèque (8 M€).
- La répartition de la minoration des variables d’ajustement est inéquitable : elle pèse prioritairement sur les communes (le cas de la DCRTP): les communes supportent la majeure partie des minorations : – 55 M€ (contre – 9 M€ pour les EPCI ; – 40 M€ pour les régions ; – 40 M€ pour les départements). En 2019, les communes portent la quasi intégralité des minorations – et précisément, la minoration de la DCRTP : les communes les plus fragiles, et notamment les territoires industriels, vont, une fois de plus, être pénalisées. L’APVF porte un amendement visant à revenir sur la diminution de la DCRTP des communes et rétablir ainsi l’équilibre de la répartition de la minoration des variables d’ajustement.
III. Taux de compensation des exonérations d’impôts locaux :
Le taux de compensation correspond, pour une exonération donnée, au rapport entre le montant de l’allocation compensatrice (après minoration éventuelle) et la perte de recette fiscale de la collectivité.
Selon l’OFGL, l’Etat compense en moyenne aux communes 43% des pertes de recettes dues aux exonérations législatives, soit 1,2 Md€ en 2016. Mais, si l’on retire les compensations de taxe d’habitation, le taux de compensation de l’Etat aux communes chute à 26%.
Les exonérations législatives sur le foncier bâti présentent un taux de compensation particulièrement faible : 16 % en moyenne.
La faiblesse du taux de compensation du foncier bâti résulte, en majeur partie, des exonérations « longue durée » qui ne sont compensées qu’à partir du moment où elles entrainent une perte « substantielle » de recettes – supérieure à 10% – du produit de TFPB perçu par la collectivité. Ainsi, selon le rapport d’évaluation du coût des exonérations pour les collectivités locales de septembre 2017, sur un montant total d’exonération de 404 M€, les collectivités ne sont compensées (après application d’un coefficient de minoration), en 2016, qu’à hauteur de 39,5 M€. Cela représente une perte de recette de près de 369 M€.
A l’aune des réflexions engagées sur le transfert du foncier bâti des départements au bloc communal pour compenser la perte de TH, l’APVF avait suggéré à la mission Bur-Richard d’envisager la suppression de l’exonération longue durée de TFPB pour les propriétaires bailleurs. Comme l’a d’ailleurs souligné la Cour des comptes, cette exonération de TFPB pénalise les collectivités « vertueuses » : en effet, pour une collectivité, la perte de recettes fiscales est en effet d’autant plus forte qu’elle compte un nombre élevé de logements sociaux sur son territoire et, parmi ceux-ci, davantage de logements récemment construits ou rénovés. Les petites villes disposent entre 25% et 50% de logements sociaux.
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