Le ralentissement de la croissance pour les années 2018 et 2019 mal anticipé par le gouvernement (en 2019, la croissance serait de 1,7 % et non de 1,9 %) altère, de manière quasi mathématique, la trajectoire de résorption du déficit public préalablement fixée : en 2019, le déficit atteindrait 2,6 % au lieu de 2,3 %. Face à ce constat, « rien de dramatique » selon l’exécutif, « tant que le pays, sorti cette année de la procédure pour déficit excessif, reste en dessous du seuil maastrichtien des 3 % ». Mais, alors, pourquoi ces nouvelles annonces de coups de rabots ? Sur qui pèseraient-ils ? L’APVF fait le point.
Le gouvernement accepte de laisser « un peu filer » le déficit public
Edouard Philippe a annoncé le 26 août dans le JDD que le prochain budget serait établi sur une nouvelle hypothèse de croissance de 1,7 %.
Or, il convient de rappeler qu’à législation inchangée, la croissance des recettes et de certaines dépenses publiques dépendent fortement de celle du PIB et, tout ralentissement de la croissance entraine des conséquences sur le déficit public.
Sur ce plan, le gouvernement a accepté le laisser « un peu filer » le déficit pour ne pas étouffer encore plus l’activité économique déjà fragilisée.
Mais, si le déficit public, que la France s’est engagée, auprès de Bruxelles, à maintenir à 2,3 % du PIB en 2018 et 2019 (Programme de stabilité 2018-2022, avril 2018), sera très certainement, pour ces deux années, semblable à celui de 2017 – à 2,6 % – il restera « en dessous des 3 %, ce qui n’avait pas été atteint depuis 14 ans », comme l’a précisé Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, lors d’une interview, le 29 août dernier.
Le gouvernement dépensera plus que prévu, mais toujours « très en deçà » de 2017
Dans ce contexte, et sauf à ce que le gouvernement serre un peu plus la vis sur les économies, la progression des dépenses hors inflation sera ramenée de 0,4 % à environ 0,7 % en 2019. Cette progression serait non seulement inférieure à l’inflation (1,7 % au dernier semestre 2018), mais également à ce qui a été fait précédemment. Depuis dix ans, en effet, seules les années 2011 (0,1 %) et 2014 (0,3 %) ont connu une hausse des dépenses aussi réduites. En 2017, l’augmentation des dépenses a atteint 1,5 % (ce dérapage, pointé du doigt par la Cour des comptes, avait entrainé des annulations de crédits d’investissement à destination des collectivités territoriales).
A noter qu’il pèsera sur l’année 2019 une dépense exceptionnelle programmée, estimée à 20 milliards d’euros (soit 0,9 % du déficit public) : la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises (CICE) en baisse pérenne de cotisations patronales.
Certains voient dans cette nouvelle trajectoire de dépenses (0,9 % en 2019) un affaiblissement du discours du gouvernement. Pour l’APVF, il s’agit surtout d’un bon argument contre toute nouvelle mesure, non programmée, qui contraindrait – au-delà de l’acceptable – les budgets locaux.
Réduction des dépenses de l’Etat en faveur des collectivités territoriales, entre autres
Si l’Etat dépense davantage l’an prochain, cela ne sera pas en faveur de l’emploi (- 15,8 % de crédits consacrés au travail et à l’emploi par rapport à la LFI 2018), ni en faveur des collectivités (- 8,5 % de crédits pour les relations avec les collectivités territoriales), ni en faveur du logement et de la cohésion des territoires (- 8,9 %) – enjeu primordial pour les petites villes.
L’Etat prévoit une nouvelle baisse drastique des emplois aidés : leur nombre devrait passer à 100 000 en 2019, contre 200 000 budgétés en 2018, soit une baisse de 50 % de ces contrats.
De même, en matière d’aides au logement, à l’instar des pensions de retraite et des allocations familiales, les aides publiques au logement (APL) n’augmenteront en 2019 et 2020 que de 0,3 % soit bien en dessous de l’inflation attendue, à 1,7 %, en fin d’année. Bercy a estimé que ces mesures pourraient rapporter 3,5 milliards d’euros d’économie.
Parallèlement, les objectifs d’économie de l’Etat ne seront pas tenus
Emmanuel Macron a prévu une réduction de 50 000 postes dans la fonction publique d’Etat et de 70 000 postes dans les collectivités territoriales. Sur les 50 000 postes censés être supprimés, seuls 4 500 postes le seraient en 2019, après 1 600 en 2018.
Ainsi, côté freinage des dépenses de l’Etat, « le compte n’y est pas ».
Ce double discours du gouvernement – de dédramatisation du contexte budgétaire et du renforcement de l’austérité sur les acteurs de la dépense publique autres que l’Etat – est de moins en moins audible pour les élus locaux. L’APVF appelle des clarifications.