Journée Finances locales : risques majeurs pour les services publics

24 octobre 2024

La traditionnelle Journée des Finances Locales organisée par l’APVF s’est tenue le 23 octobre dans les locaux de la Caisse d’Epargne, partenaire de l’association. Après être revenus sur le Projet Loi de Finances, les élus ont lancé un signal d’alerte : la dégradation de la situation financière des collectivités territoriales et de leurs moyens de financement devient globale. Elle en met en péril le service public de proximité rendu à la population. Retour sur des échanges nourris.

Edouard Noel, Responsable Partenariats et Expertise Marchés Institutionnels du groupe BPCE et Antoine Homé, Maire de Wittenheim (68), Vice-président de Mulhouse Alsace agglomération, Premier Vice-président de l’APVF, ont introduit cette journée.

Edouard Noel a présenté en introduction le contexte financier et macro-économique. Alors que Bercy pointe du doigt les collectivités territoriales, les banquiers les considèrent comme de bonnes emprunteuses, avec un risque limité. Mais, cette année n’est pas une bonne année car pour la première fois, elles sont en épargne nette négative. Il faut travailler sur les moyens de sortir la dette verte des critères de Maastricht pour que cette dégradation de la situation financière des collectivités ne pénalise pas les investissements dans les domaines de la transition écologique.

Antoine Homé a insisté sur la manière dont les élus ressentent la réfaction de leurs moyens d’action sur le terrain : alors qu’elles sont chargées par la Constitution, mais aussi par l’Etat, qui a tendance depuis la décentralisation à se décharger de cette responsabilité, de rendre des services à la population dans leur domaine de compétences, elles subissent la réduction à peau de chagrin de la dotation globale de fonctionnement et la perte du levier fiscal, l’encadrement de leurs dépenses, l’inflation normative inefficace et coûteuse (1,6 milliards d’euros en 2024). Une part importante de l’augmentation des charges des collectivités est en effet liée à des décisions de l’Etat, comme la revalorisation des agents de catégorie C alors qu’ils sont très nombreux dans les petites villes, la hausse du point d’indice, et désormais la hausse des cotisations à la CNRACL qui représentera par exemple à Wittenheim un coût de près de 200 000 euros par an, non compensé. Dans le domaine de l’urbanisme et du code de l’environnement, de nombreuses normes de l’Etat dont l’efficacité reste à démontrer, pèsent également beaucoup, en argent mais aussi en temps, sans efficacité. C’est ainsi que l’APVF demande un moratoire sur le décret tertiaire et le décret Ad’AP.

On se trouve au milieu du gué, avec un risque réel de désertification des services sur l’ensemble du territoire et donc, de montée de la crise démocratique dans notre pays.

C’est pourquoi l’APVF demande de la mise en place d’une contribution locale de sauvegarde des services publics pour rétablir le lien citoyen dans les territoires : « moins de dotations fléchées, et plus de responsabilité ».

Après ces propos introductifs, Hadrien Camatte, expert Natixis, et Jean-Pierre Coblentz, Consultant expert en finances et fiscalité locales, chez Stratorial, ont respectivement présenté leurs données macrofinancières et les principales dispositions du projet de loi de finances qui concernent les collectivités. Ce budget, s’il n’évolue pas au Parlement, aura un impact indirect, mais non négligeable, sur les petites villes. Il aura des effets délétères sur les partenaires financiers historiques des petites communes.

La table ronde finale, animé par Antoine Homé, était consacrée au grand débat des Petites Villes : Quelles marges de manœuvres financières reste-t-il pour investir, pour financer la transition écologique et répondre aux besoins de la population ?

Pour Charlotte Blandiot-Faride, Maire de Mitry-Mory (77), Vice-présidente de l’APVF, il sera de plus en plus difficile à moyen et long terme de tenir les engagements, à mesure que les mauvais coups tombent, y compris en cours d’année (hausse du point d’indice). Or, c’est la partie du mandat où l’on a envie de mener à bien les projets. A Mitry Mory, les équipes municipales se sont démenées pour dégager des économies financières par des économies d’énergie, obtenues grâce aux baisses de température dans les services, au regroupement des centres de loisir, aux fermetures des gymnases une semaine sur deux pendant les vacances scolaires. « Nous sommes sur le banc des accusés, mais dans mon travail au quotidien, je n’ai pas la sensation de faire de mauvaises dépenses, on pallie souvent le désengagement de l’Etat, sans les recettes en face ». Dans cette situation, pourquoi l’Etat ne récupèrerait-il pas certaines de ses compétences, et notamment la Sécurité, qui coûte aussi extrêmement chère au budget de la commune ?

Igor Semo, Maire de Saint-Maurice (94), Vice-président de l’APVF, a évoqué la difficulté qu’il aura à financer la rénovation énergétique de ses trois équipements programmés, en raison de la baisse des remboursements de FCTVA et de l’impact de la hausse de cotisation à la CNRACL (200 000 euros par an, là aussi, sur le budget de la Ville). Le coût total des rénovations est de 10 millions d’euros pour la rénovation énergétique. Cela équivaut à la perte de la DGF subie entre 2017 et 2024 : 12 millions d’euros. Sans cette perte de financement, Saint-Maurice aurait pu mieux financer la transition écologique dans sa Ville. Sur les différents leviers de financement disponible, il ne reste plus grand-chose : ni l’autofinancement, ni les dotations. Même l’emprunt et les économies sont incertains. Les prêts sont accordés à la condition d’avoir une épargne nette positive et les économies dégagées par la transition sont très inférieures au coût des rénovations.

Jean-Baptiste Hamonic, Maire de Villepreux (78), Membre du bureau de l’APVF, Vice-président de Saint-Quentin-en-Yvelines, a insisté sur le mur d’investissement en matière écologiques et les injonctions contradictoires de l’Etat. Le Fonds vert a subi un immense coup de rabot, alors qu’elle était la dotation pour faire la transition écologique. La Ville a réalisé un audit patrimonial récemment pour aider à prioriser les investissements. Le mur d’investissement est de 10 millions d’euros. Cela équivaut au montant initial, avant rabot, de l’enveloppe totale du Fonds vert dans les Yvelines, à répartir entre 159 communes. En outre, il y a une vraie inquiétude sur l’avenir de nos partenariats financiers historiques avec les autres strates de collectivités avec ce PLF 2025. Pour preuve, Villepreux vient de recevoir les « annule et remplace » des lettres de cadrage de l’agglomération : en raison de la perte de 800 000 euros au titre des Droits de Mutation à Titre Onéreux (DMTO), annulation de la rénovation d’une quinzaine de collèges, idem dans la voirie et les transports scolaire.

Nicolas Paget, Maire de Courthézon (84), Premier Vice-président du pays d’Orange, craint quant à lui que toute cette situation mène à une « métropolisation des services publics ». Selon lui, « quand on ne pourra plus assumer nos services de proximité, les habitants se tourneront vers la métropole ». Ensuite, il a évoqué les leviers actionnés dans sa Ville, les bonnes pratiques qui permettent de dégager quelques marges de manœuvre financières. Investir sur les Ressources Humaines, améliorer les achats en recrutant de vrais experts en négociation. Sur les finances, on devrait passer d’une gestion a posteriori à une gestion a priori basée sur les objectifs. On doit aller chercher des contrôleurs de gestion en plus du comptable public. Il y a aussi le levier de la mutualisation, au niveau non seulement de l’EPCI, mais également de celui des communes. Il ne faut pas oublier la dématérialisation et le numérique. A Courthézon, les inscriptions en crèche ont été dématérialisées pour une économie de 10 % sur les dépenses. Enfin, il faut co-construire des plans de résilience entre élus et agents qui ont énormément de bonnes propositions à formuler.

L’après-midi a été consacré à la réunion du réseau des DGS de petites villes, avec Igor Semo qui a présenté les travaux de la Coordination des employeurs territoriaux, et Cindy Laborie, responsable des affaires juridiques et institutionnelles de la Fédération nationale des Centres de gestion. Elle a fait le point sur tous les sujets brûlants de la fonction publique territoriale, et notamment la mise en œuvre de la protection sociale complémentaire et la réforme des secrétaires de mairie qui concerne désormais les communes de moins de 3 500 habitants.