André Laignel, Premier Vice-Président délégué de l’AMF, Président du Comité des Finances Locales (CFL), membre du bureau de l’APVF et maire d’Issoudun, revient cette semaine dans la newsletter des Petites Villes sur la présentation du Projet de Loi de Finances (PLF) pour l’année 2024.
1. Quelle est votre réaction à la suite de la présentation du PLF 2024 pour la partie collectivités territoriales ?
Avec la présentation du PLF 2024, le supplice du garrot continue. La baisse des moyens et une recentralisation rampante actent un recul des libertés des collectivités territoriales. Car, la pire des tutelles, c’est la tutelle financière. Au global, sur les recettes prélevées sur l’Etat, la baisse est de plus de 700 millions d’euros. A euros constants, ce sont 2,2 milliards d’euros de ressources qui sont retirés aux collectivités.
S’agissant du “pseudo-redressement” des comptes publics des collectivités territoriales, il faut rappeler que les collectivités locales ne représentent que 8% de la dette. Par ailleurs, elles participent déjà à la réduction des déficits : depuis 2010 et l’abandon de l’indexation de la DGF, ce sont en 62 milliards d’euros qui ont été retirés. Et l’année dernière, elles ont dégagé un excédent de 4,8 milliards d’euros en 2022. Mais ces excédents sont, pour certains, le signe que nous irions trop bien.
La position commune des élus locaux est la suivante : le refus de la mise sous tutelle via la baisse des dépenses de fonctionnement (-0,5% demandés par rapport à l’inflation). C’est irréaliste et il n’existe pas une semaine sans que l’Etat ne demande aux collectivités de contracter de nouvelles dépenses : plan chaleur, plan handicap, plan petite enfance… Toutes ces dépenses sont certes justifiées, mais elles sont mises à la charge des collectivités sans compensation. De plus en plus de dépenses sont imposées aux collectivités sans n’en pouvoir mais : rien que les nouvelles normes ont coûté, pour la seule année 2022, 2,5 milliards d’euros d’après le CNEN.
Nous sommes encore une fois dans les injonctions contradictoires.
Il nous est dit qu’il n’y aura pas de sanctions, à l’image de ce qui pouvait exister avec les contrats de Cahors, si les trajectoires ne sont pas respectées. Encore heureux ! Que resterait-il alors de la libre administration des collectivités territoriales ? C’est la méthode d’ensemble qui est à revoir.
2. Quel est votre sentiment suite à l’annonce de l’augmentation de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) de 220 millions d’euros ?
Pour ce qui est de la DGF, il y a un affichage de tête de gondole : 220 millions d’euros supplémentaires sont mis sur la table. Si l’on traduit cela en pourcentage, cela équivaut à une hausse de 0,8%. Si on prend en compte l’inflation, à euros constants, il aurait fallu près d’1,3 milliards d’euros supplémentaires. Nous sommes donc très en-deçà du compte pour préserver les capacités d’action des collectivités territoriales.
Certains affirment que la DGF n’a pas vocation a être indexée sur l’inflation. Mais la DGF n’est pas une libéralité. C’est un dû. Et ce dû est dû en euros constants. Il doit donc prendre en compte l’inflation.
Cette position est d’ailleurs partagée par la quasi-totalité des associations d’élus.
3. Un enjeu important pour les petites villes est leur préservation de leurs capacités d’investissement, notamment pour assurer la transition écologique. Cet aspect est-il suffisamment pris en compte dans le PLF 2024 ?
Les dotations d’investissement sont stables. Cela signifie donc qu’en euros constants elles sont en recul.
On observe par ailleurs un rétrécissement de la liberté d’emploi de ces dotations, du fait du « verdissement » d’un certain nombre d’entre elles. 30% de la DSIL ou 20% de la DETR sont ainsi fléchés, c’est-à-dire retranchés dans leur liberté d’emploi aux collectivités territoriales. Cette tendance laisse à craindre une liberté des collectivités réduite aux acquêts.
Pour le fonds vert, on passe en 2024 à 2,5 milliards d’euros d’autorisation d’engagement. Je tiens toutefois à souligner qu’il n’y a pas 2 milliards d’euros de crédits de paiement, comme certaines communications pourraient le laisser entendre, mais bien 500 millions d’euros pour 2024. Si on fait le lien avec la suppression de la CVAE sous-compensée, ce que l’on nous présente comme des “ressources nouvelles”, sont en fait des ressources recyclées de CVAE repeintes en vert.
Enfin, un aspect qui pourrait venir contraindre les capacités d’investissement des collectivités est un rebond de leurs charges de fonctionnement. En effet, le Gouvernement supprime cette année l’amortisseur électricité, avec un soutien qui passe de 1,5 milliards d’euros en 2023 à 400 millions d’euros en 2024. Les modalités de ce soutien résiduel sont encore inconnues. Le ministre des comptes publics, M. Cazenave, a indiqué qu’un soutien pour les communes les plus en difficulté persisterait “au cas par cas”. Si l’on prend l’exemple de ma commune, Issoudun, sans amortisseur, la hausse atteint +430% ; avec l’amortisseur elle n’est “que” de +298%. Je ne sais donc pas si je dois être conforté ou dépité par l’annonce du ministre. Car quels seront les critères du soutien au cas par cas ?