Après l’adoption du texte par le Sénat en mars dernier, c’est au tour de l’Assemblée nationale d’étudier la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Alors que les débats en séance publique commencent aujourd’hui, retour sur ce texte pour lequel plus de 600 amendements ont déjà été déposés. Plusieurs modifications adoptées en commission par les députés pourraient remettre en cause des dispositions pourtant souhaitées par les élus locaux et les sénateurs.
Le texte du Sénat raboté par les Députés en commission et une légifération par décrets
Les débats s’annoncent âpres dans l’hémicycle. Le Ministre Christophe Béchu souhaite en effet une adoption définitive du texte avant le 14 juillet en raison de la pause estivale qui s’approche et des élections sénatoriales prévues à la rentrée. Face à ce calendrier parlementaire contraint, le gouvernement a donc décidé qu’une partie des dispositions du texte du Sénat feraient l’objet de décrets. Ainsi, les articles ayant vocation à être traités par décrets ont été supprimés lors des travaux de commission par les députés. Afin de rassurer, le Ministre Christophe Béchu a toutefois précisé que les projets de décrets étaient déjà rendus publics.
De plus, si certaines propositions semblent faire consensus comme la prise en compte du recul du trait de côte, certaines dispositions rabotées par les députés lors des travaux en commission risquent de décevoir les élus locaux.
Parmi les potentielles déceptions à venir : les délais de mise en conformité des Sraddet avec les objectifs du ZAN. Alors que le délai actuel fixé par la loi laisse jusqu’à février 2024 (soit 30 mois à partir de la loi Climat et Résilience de 2021), le texte voté par le Sénat permettait de rallonger d’un an cette durée, soit jusqu’à février 2025. Une modification qui était accueillie très favorablement par les Maires des petites villes. Toutefois après passage en commission à l’Assemblée nationale, ce répit n’a été fixé qu’à six mois, soit jusqu’à août 2024. Un délai difficilement tenable pour les élus locaux. De multiples amendements ont été déposés afin de rallonger cette durée jugée trop courte.
Autre sujet de tension : les délais de mise en conformité des SCoT (2026) et des PLU (2027). Alors que ces délais avaient été prolongés d’un an par le Sénat, comme le souhaitait l’APVF, le texte voté par les Députés en commission a supprimé cette marge de manœuvre, pourtant essentielle pour les élus locaux. Plusieurs amendements ont été déposés afin de remédier à cette situation.
L’extension du droit de préemption également en danger
Autre modification qui n’est guère au goût des élus locaux : l’article 12 voté par le Sénat qui permettait d’étendre le droit de préemption pour les communes et les EPCI dans les espaces favorables à la renaturation et/ou au recyclage foncier. En commission, les occupants du Palais Bourbon ont supprimé cette disposition, que l’APVF appelait pourtant de ses vœux au profit simplement d’un « sursis à statuer sur les demandes d’autorisation d’urbanisme». Une fois encore, des amendements tenteront de rétablir cette disposition.
Restriction de la « garantie rurale » aux communes peu denses et très peu denses
Concernant la « garantie rurale » visant à assurer aux communes une enveloppe minimale de surface artificialisable : là encore, les modalités ont été modifiées par les Députés. Les Sénateurs souhaitaient garantir un hectare d’artificialisation par commune, et ce, pour toutes les communes. Une proposition qui n’a pas totalement convaincu une majorité de députés. En commission, ces derniers ont en effet préféré réserver cette « garantie » aux communes «peu » ou « très peu » denses en termes de peuplement et couvertes par un document d’urbanisme (PLU, PLUi, carte communale) en cours ou prescrit.
Bras de fer concernant les grands projets d’ampleur nationale
Quid des grands projets d’ampleur nationale que le Sénat avait prévu de ne pas comptabiliser dans les enveloppes d’artificialisation allouées aux Régions d’ici à 2031 ? Les députés ont conservé, en commission le principe de décompter les projets d’ampleur nationale dans les enveloppes régionales. Cependant, ils ont précisé que ce principe serait soumis à un « forfait » de 15 000 hectares. qui serait soustrait de l’enveloppe de 125 000 hectares artificialisables fixés pour le pays. Cela permettra à l’objectif global pour 2031 de demeurer inchangé. Il resterait donc un solde de 110 000 hectares à ventiler entre les Régions selon un « coefficient de péréquation ». En outre, un amendement de l’exécutif a fortement diminué en commission la liste des projets nationaux éligibles, en y incluant cependant les projets estampillés « industrie verte » que Bercy souhaitait pourtant dispenser des objectifs du ZAN.
Une fois adoptée en séance publique à l’Assemblée nationale, le texte devrait probablement être étudié en commission mixte paritaire (CMP) le 6 juillet prochain afin de trouver un compromis entre députés et sénateurs. Des échanges que l’APVF suivra avec attention…