Le 16 mai dernier, Christophe Bouillon, ancien-député de Seine-Maritime, maire de Barentin et président de l’APVF a été auditionné à l’Assemblée nationale par Barbara Pompili, députée de la Somme (Renaissance) et ancienne ministre de la Transition écologique. A l’ordre du jour : l’acceptabilité sociale du déploiement des Zones à Faibles Emissions (ZFE) pour les habitants des Petites Villes. Reste à charge trop élevé pour les ménages, système Crit’Air à améliorer ou encore manque d’accès à l’information : retour sur les échanges de cette audition qui a eu lieu dans le cadre de la mission temporaire confiée par la Première Ministre à Barbara Pompili le 24 mars dernier.
Le déploiement des ZFE n’est pas un sujet limité aux métropoles : tel est le message que le Président de l’APVF a souhaité faire passer durant cette audition. Ce dernier a en effet souligné à plusieurs reprises que les habitants des Petites Villes étaient fortement concernés par ce sujet. Ainsi, selon la consultation menée par l’APVF auprès ses adhérents, plus de 50% des Petites Villes sont concernées par le déploiement des ZFE, soit directement (22%) car elles sont situées dans un périmètre de ZFE, soit indirectement (32%) car leurs habitants sont obligés de se rendre régulièrement dans une ZFE pour accéder à des besoins essentiels (emploi, soins, achats, etc.).
Christophe Bouillon a tenu à rappeler que si la mise en place de mesures en faveur de la qualité de l’air apparaissait nécessaire pour les élus locaux, ces derniers étaient inquiets face aux risques d’amplification des fractures sociales et territoriales générées par les ZFE. Selon la classification, ce sont les véhicules thermiques les plus anciens qui sont le plus rapidement interdits à la circulation et au stationnement. Or, bien souvent, ces véhicules anciens sont possédés par les populations les plus modestes qui, face à l’étalement urbain, résident principalement dans des communes rurales et périurbaines. Ces territoires sont aussi ceux où la dépendance à la voiture est la plus élevée car les possibilités de reports modaux pour accéder aux centres urbains y sont plus faibles.
Le président de l’APVF est ainsi revenu sur les trois inquiétudes principales des Maires des Petites Villes concernant les ZFE, à savoir :
- L’insuffisance et le manque d’accessibilité des aides pour les habitants des Petites Villes car le reste à charge moyen des ménages demeure supérieur à 20 000€ et atteint jusqu’à 40 500€ en moyenne pour l’achat d’un véhicule hybride rechargeable neuf[1].
- Le système Crit’Air qui, en plus d’être souvent considéré comme une démarche administrative fastidieuse, s’avère peu lisible et incomplet (ex : non prise en compte du poids des véhicules).
- Le manque de sensibilisation et d’information de la part de l’Etat alors même que ce dernier prévoit des contrôles sanctions automatisés pour 2024.
Ainsi, selon la consultation menée par l’APVF, seulement 6% des Petites Villes estiment que leurs habitants ont une opinion plutôt favorable au déploiement des ZFE. En cause : le manque d’accompagnement des pouvoirs publics et d’alternatives au tout-voiture pour les habitants des zones périurbaines et rurales qui se sentent « pris au piège » selon Christophe Bouillon.
Par conséquent, l’APVF souhaite notamment une augmentation des aides financières en faveur des ménages résidant dans les zones périphériques ainsi que le lancement d’une campagne nationale d’information (ex : via la mise en place d’une plateforme d’information unique et facilement accessible). L’APVF a également proposé que les futures recettes des verbalisations pour non-respect des ZFE permettent de contribuer au financement d’alternatives au tout-voiture dans les zones périurbaines et rurales.
Au-delà des mesures visant à accompagner davantage les habitants des Petites Villes, l’APVF a aussi appelé à s’attaquer davantage aux défis de la mobilité du quotidien et de maintenir les petites lignes ferroviaires, leviers clefs d’aménagement du territoire, d’accès aux services publics et de décarbonation des mobilités. En plus des investissements en faveur des petites lignes ferroviaires, il semble aussi essentiel de développer davantage les lignes d’autocar qui s’avèrent être des modes de transports collectifs efficaces, économiques et facilement déployables dans les zones moins denses. Leur développement ne pourra cependant se faire sans la mise en place de liaisons, de parcs de rabattement et de parkings-relais à proximité des gares de transports collectifs.
A l’heure où 25% à 30% des emplois des agglomérations sont occupés par des personnes qui n’y habitent pas5, Christophe Bouillon a par ailleurs précisé qu’il ne s’agissait pas d’opposer Métropole et périphérie mais, au contraire, de renforcer les complémentarités. Il a notamment illustré son propos en évoquant l’Entente Territoriale sur les mobilités signée en juillet 2021 entre l’intercommunalité de Caux Austreberthe et la Métropole de Rouen. Objectif : que la métropole rouennaise puisse aider, de manière souple, au développement des alternatives de transports sur le territoire intercommunal.
Ces derniers mois l’APVF s’est activement mobilisée sur ce sujet : contribution fin 2022 à la « Charte des décideurs publics en faveur de l’acceptabilité sociale des ZFE-m », intégration en mars 2023 du comité national de concertation sur les ZFE, réunion en avril 2023 d’une commission mobilité sur ce sujet ou encore rencontre avec le ministre chargé des Transports, Clément Beaune. L’APVF continuera de se mobiliser sur ce sujet en contribuant notamment aux travaux de la mission d’information sénatoriale sur l’acceptabilité des ZFE.
[1] Rapport de la « mission flash » sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des ZFE-m, G. Leseul et B. Millienne, octobre 2022