Martin MALVY est ancien ministre du Budget, Président du Conseil régional de Midi-Pyrénées, Président de l’Association des petites villes de France
Aucun élu local ne méconnait et ne sous-estime la gravité de la situation des finances publiques de notre pays et l’impérieuse nécessité de s’attaquer au problème posé par l’explosion la dette depuis quatre ans. Mais les élus sont également bien placés pour évaluer les effets de la situation économique et sociale de la France sur nombre de leurs concitoyens : chômage en hausse, précarisation, logement, difficultés à « boucler » les fins de mois, il n’est qu’à voir le « succès » des boutiques alimentaires dans certaines communes pour observer que ce « mal vivre » touche tous les âges, des jeunes aux personnes âgées.
La situation de notre pays est périlleuse : les prévisions de croissance pour 2011 ne seront pas atteintes. Elles ont été revues sensiblement à la baisse pour 2012. Cela n’est pas irréversible. La croissance doit être recherchée par trois moyens. Dynamiser nos exportations, mais le tassement général de l’activité économique en rend l’exercice complexe. Renforcer la consommation intérieure, mais la rigueur imposée aux ménages et la crainte devant l’avenir rendent improbable une reprise sensible. Seul demeure donc l’investissement public et tout particulièrement l’investissement public local. Il représentait encore 75% de l’investissement public civil, il y a encore deux ans, c’est dire l’importance du rôle des collectivités locales en matière de développement économique et de soutien à la croissance.
Or, la réforme fiscale, le gel des compensations d’Etat ont déjà conduit les collectivités à en diminuer le volume.
Selon les chiffres du rapport annuel de l’observatoire des finances locales, l’investissement des collectivités territoriales s’est réduit de plus de 8% en 2010. Il s’était élevé à 52 milliards en 2009. Les entreprises locales savent que cela se traduit par des carnets de commande moins remplis. En 2011, au vue des budgets déjà adoptés, départements et régions ont continué à réduire leurs investissements à hauteur respectivement de 6,3% et de 1,6%. Ces deux collectivités anticipant l’application de la réforme des collectivités locales ont été amenées à restreindre les concours qu’elles accordent aux communes pour la réalisation de leurs investissements. L’application stricte du gel en valeur des dotations d’Etat aux collectivités décidé par le gouvernement jusqu’en 2014 et l’absence de visibilité sur les futures ressources locales après la suppression de la taxe professionnelle, qui aura coûté plus de 8 milliards d’euros à l’Etat en 2010, accentuent ce phénomène régressif. Celui-ci risque fort de s’amplifier, les collectivités honorant des engagements passés mais faisant maintenant porter la contraction sur les projets à venir qu’elles ne pourront pas supporter.
Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques publié au mois de juin, la Cour des comptes adresse un satisfecit aux collectivités locales pour la qualité de leur gestion, pour la maitrise de la gestion de leurs effectifs et pour la diminution des dépenses publiques locales de 1,9% observée en 2010. On aurait donc pu légitimement penser que les critiques sur la gestion de ces collectivités s’arrêteraient là et que des propositions concrètes pour soutenir l’investissement public local seraient faites, il n’en est malheureusement rien.
Alors même que la part de l’endettement public local dans la dette publique de notre pays n’a cessé de diminuer et que les collectivités locales respectent, elles, « la règle d’or » leur interdisant de voter leur budget de fonctionnement en déficit, il s’est néanmoins trouvé au cours de l’été, des dirigeants politiques et des commentateurs pour affirmer que c’était au tour de ces collectivités de faire des efforts supplémentaires et qu’il fallait « mettre fin aux subventions avec un droit de tirage illimité » comme a pu le dire récemment Monsieur Jean-François Copé.
Alors que l’on attendrait du gouvernement une initiative forte comme la tenue d’une Conférence publique Etat – Collectivités locales visant à trouver ensemble les moyens de soutenir la croissance économique et donc l’emploi, le Premier ministre vient d’annoncer qu’elles seraient à nouveau mises à contribution dans le cadre du milliard d’euros d’économies supplémentaires qu’il veut dégager en 2011. Envisage-t-on, après le gel des dotations, une diminution de leur montant global, comme Margaret Thatcher l’avait fait en Angleterre dans les années quatre vingt ? Cela aurait des conséquences particulièrement néfastes pour notre économie, pour nos services publics déjà fortement impactés par la Révision générale des politiques publiques, et tout simplement pour nos concitoyens. L’un des principaux leviers de la croissance économique, celui que portent les collectivités territoriales serait durablement cassé. Madame Lagarde, Directrice générale du FMI, vient d’inviter les gouvernements à ne pas entraver la croissance économique par des politiques trop restrictives, il convient en France de méditer ce propos.
Martin MALVY