Face à l’accroissement des charges des collectivités locales, la plupart des élus locaux souligne les difficultés de mobiliser des ressources stables et suffisantes. Dans un contexte d’augmentation des dépenses de fonctionnement et de baisse inquiétante de l’investissement, les collectivités locales regrettent le remplacement de ressources fiscales propres par des dotations ou des compensations de l’État. Elles revendiquent des impôts locaux plus en adéquation avec leurs compétences, tout en étant dynamiques et réparties équitablement sur le territoire.
S’appuyant sur la réalisation d’auditions, le CESE a formulé un certain nombre de recommandations centrées sur un objectif : « contribuer à la réflexion collective qui vise à se donner les moyens collectifs pour financer les services et les politiques publiques locales dont notre pays a absolument besoin ».
Préconisation 1 : Engager rapidement une réforme globale et ambitieuse de la fiscalité locale en cohérence avec les besoins
Pour le CESE, les successions accélérées des réformes partielles, la multiplication des correctifs (péréquation, compensation.) et la part croissante des dotations de l’État dans les ressources des collectivités territoriales, réduisent leur autonomie fiscale sans leur garantir, pour autant l’autonomie financière, corollaire indispensable à l’exercice de la démocratie locale. Il faut donc réformer en profondeur et de manière concertée, en s’appuyant sur une évaluation complète et contradictoire du système actuel, seule à même de produire une appréciation partagée.
Le CESE préconise que soit organisé sans retard les États généraux de la fiscalité locale permettant au Parlement de construire un nouveau cadre. Ils poursuivront le triple objectif de simplifier, rendre plus lisible et stabiliser le financement des politiques et services publics déployés par les collectivités locales.
Préconisation 2 : Simplifier et clarifier l’architecture du système
L’imbrication des impôts dits « nationaux » et « locaux » est, aux termes de l’avis du CESE, aujourd’hui telle que la réforme de la fiscalité locale est indissociable de celle à mener sur la fiscalité nationale. Elle rend plus complexe la compréhension du système, en particulier pour le contribuable et diminue de fait l’autonomie fiscale des collectivités locales. Ainsi, la responsabilité républicaine des élus locaux qui s’est longtemps incarnée dans le lien établi entre un programme choisi par les citoyens et son financement assumé par la levée de l’impôt, s’est dans les faits déplacée vers la capacité à porter un projet qui intègre dès sa conception, le montant de recettes fiscales déjà connu.
Le CESE, sans pour autant se prononcer aujourd’hui sur l’organisation territoriale des collectivités, préconise dans le cadre d’une réforme globale de la fiscalité nationale de simplifier l’architecture du système de la fiscalité locale en concentrant les ressources fiscales sur deux des quatre strates de collectivités locales actuelles (Région, Département, Interco et Communes).
Préconisation 3 : Financer plus justement l’action des collectivités locales
La baisse de la part de l’impôt direct dans les recettes des collectivités locales, et par conséquent l’augmentation de la proportion de la contribution de l’État, rend l’évolution des recettes beaucoup moins dynamique.
Le CESE préconise d’affecter aux collectivités locales, en fonction de leurs principales compétences, une part de la collecte d’impôts nationaux dits dynamiques. Il propose que soient étudiées les bases élargissant la composition de leur panier fiscal.
Préconisation 4 : sécuriser ce nouveau cadre en renforçant la solidarité entre les territoires
Depuis plusieurs décennies, les inégalités entre territoires se creusent. La concentration urbaine, l’émergence de métropoles, accélèrent cette situation en concentrant les richesses, le potentiel fiscal mais aussi les services publics d’éducation, de formation, de santé… En plus d’être inacceptable, la fracture entre les territoires et notamment entre la ruralité et le monde urbain, fait peser un réel danger sur l’équilibre sociétal et démocratique de la République.
Le CESE préconise que la future loi-cadre sur la fiscalité locale, intègre une réforme complète du système actuel de péréquation : en insistant sur sa nécessaire simplification ; en privilégiant le recours à la péréquation verticale compte tenu de l’affectation d’une part de recettes fiscales nationales aux collectivités locales ; en instaurant une gouvernance partagée entre l’État et les associations représentatives des collectivités locales ; en prévoyant un dispositif d’évaluation permanente de son fonctionnement et de son efficacité.
Préconisation 5 : Faire évoluer les rapports entre l’État et les collectivités locales
« Parce que personne n’imagine une TVA ou un impôt sur le revenu dont le taux serait différent d’Albi à Saint-Lô, le fléchage d’une partie du volume de la collecte d’impôts nationaux nécessite un double accord entre l’État et les collectivités locales » : d’abord sur l’approche de la situation économique et sociale, nationale et internationale, et donc sur le positionnement de la France en termes d’affectation des dépenses et de recettes publiques ; mais aussi, en fonction de cette position partagée, sur le montant de la part de la collecte nationale qui serait affecté aux collectivités et sur sa répartition entre elles.
Le CESE préconise d’élargir le rôle de la Conférence Nationale des territoires au dialogue sur la répartition des recettes fiscales. Elle aurait la charge d’arrêter d’un accord triennal révisable annuellement dans la limite d’une fourchette d’évolution fixée pour la durée de l’accord, et d’examiner la mesure dans laquelle des critères sociaux et environnementaux pourraient être mieux pris en compte.
Préconisation 6 : Faire évoluer le rapport entre les collectivités locales et les habitants
D’un côté les habitants, confrontés aux difficultés de la vie quotidienne accentuées par la crise économique, demandent le maintien, voire l’accroissement régulier de la qualité et de la quantité des services et politiques publics, de l’autre, les élus, confrontés aux difficultés budgétaires, pointent souvent une progression des comportements individualistes et rappellent l’incohérence qu’il peut y avoir à exiger plus et de meilleurs services et politiques publics, tout en demandant une maîtrise voire une baisse de la pression fiscale. Enfin, les habitants regrettent de ne pas disposer de l’information nécessaire et expriment le sentiment de ne pas être suffisamment associés aux grands choix budgétaires. Cette situation préoccupante n’est pas un simple malentendu : c’est une fracture démocratique dangereuse.
Le CESE préconise l’organisation de « Conférences citoyennes triennales sur le budget » de chaque collectivité en charge de lever l’impôt. Elles se tiendraient l’année 1 et l’année 3 de chaque mandat. Sans caractère décisionnel, elles auraient pour objectif d’informer les habitants, entreprises, syndicats, associations, de les faire participer à la réflexion et de s’exprimer sur les grandes hypothèses d’orientation présentées par la collectivité. Son organisation complèterait la nécessaire mobilisation permanente des outils numériques pour permettre à chaque citoyen d’accéder, en temps réel, aux données nécessaires à sa bonne compréhension de la fiscalité locale et de son utilisation.