Le Général Christian Rodriguez, Directeur général de la Gendarmerie nationale, revient pour notre lettre hebdomadaire sur la présence et l’action de la gendarmerie dans nos petites villes.
1 – Mon Général, dans les petites villes, comment la gendarmerie marque-t-elle sa présence ?
Trois mots me viennent à l’esprit spontanément pour caractériser l’action de la gendarmerie dans les petites villes : ce sont ceux de brigade, de maillage et de proximité.
La brigade, premièrement. La brigade de gendarmerie est le premier pilier de cette présence concrète de notre institution dans les territoires, et plus particulièrement dans les petites villes. Les élus le savent bien lorsqu’ils parlent du couple formé par le maire et le gendarme. Dans les territoires, la zone de compétence de la gendarmerie s’étend sur près de 33.400 des 34.900 communes françaises, sur 95 % du territoire national. La gendarmerie est la force de sécurité de 34,5 millions d’habitants, soit plus d’un Français sur deux. C’est dire si nous sommes présents dans les petites villes.
Le maillage, deuxièmement. En effet, pour assurer la sécurité des espaces et des voies de communication, le système d’arme de notre institution repose sur un maillage territorial fort aujourd’hui de 3.053 brigades. Ce maillage peut s’appuyer sur l’insertion des gendarmes et de leurs familles au cœur des territoires, en raison du logement obligatoire en caserne imposé aux militaires de la gendarmerie par leur statut. Ceci est une garantie de leur disponibilité et c’est aussi la garantie de gendarmes intégrés dans leur territoire au sein et au profit de la population qu’ils protègent. Forte d’environ 100.000 personnels d’active, militaires et civils (5.000), la gendarmerie peut compter sur le renfort, indispensable et permanent, de 34.000 réservistes.
La proximité, troisièmement. Forte de son maillage et de la nécessité de vivre en caserne, la gendarmerie est ancrée dans les territoires. Elle a fait de la proximité son credo. La proximité se concrétise par le renforcement du contact avec la population et les élus. Ce contact permanent et itératif avec les élus est essentiel pour préciser les besoins de sécurité sur le territoire afin d’adapter nos modes d’action et assurer la sécurité en partenariat avec l’ensemble des acteurs de la sécurité.
Je dirais également que la gendarmerie est une force armée. Elle est territorialisée, vertébrée, commandée. Elle exerce des missions de sécurité publique, d’ordre public, de police administrative et judiciaire. Il me semble important de préciser également que ce ne sont pas nos missions qui sont militaires. C’est la manière dont nous les remplissons. Cette force militaire agit sous l’autorité des préfets et des magistrats. Je dirais donc que le mot de proximité définit le mieux ce que nous sommes : Nous sommes une force de proximité, au service de nos concitoyens. Et, naturellement, nous prenons en permanence des initiatives pour renforcer toujours davantage cette proximité.
2 – Comment la gendarmerie s’est elle appropriée le programme « Petites villes de demain » ?
La gendarmerie s’est appropriée le programme « Petites villes de demain » de trois manières : en y participant, en proposant du « sur mesure » et en accompagnant l’engagement des communes.
Tout d’abord, la gendarmerie s’est portée candidate pour participer au programme petites villes de demain (PVD). Destiné à accompagner les projets de revitalisation des villes de moins de 20.000 habitants, ce programme s’inscrit dans la continuité du programme Action Cœur de Ville et de la volonté du Gouvernement de revitaliser les centre-bourg. Plus de 1.600 communes ont été retenues par les préfets, dont plus de 96% sont en ZGN. Par ailleurs, s’agissant fréquemment d’anciens chefs- lieux de canton, ces communes sont souvent le siège même d’une brigade territoriale. La direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) s’est donc mobilisée afin de développer le volet « sécurité » du programme Petites Villes de Demain (PVD) piloté par l’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) sur les années de mandat des maires, de 2021 à 2026. L’offre de protection développée par le ministère de l’intérieur nécessite en effet de renforcer l’ancrage local du service public de sécurité. L’objectif est clair : améliorer la sécurité du quotidien. Dans ce contexte, la DGGN a présenté au ministre de l’intérieur une offre d’accompagnement global et modulable, dans l’esprit souple et partenarial de la démarche du programme PVD.
Ensuite, notre démarche a reposé sur le « sur-mesure ». Nous partons toujours des besoins du terrain et des diagnostics de sécurité réalisés, pour proposer puis développer pour chaque commune ce dont elle a besoin. Ainsi, il s’agit d’appuyer cette démarche de développement territorial par la signature d’un contrat de sécurité. Celui-ci décline localement l’ensemble de l’offre de protection de la gendarmerie. Il se traduit notamment par une relation directe avec les élus et la population. Notre action se construit sur un principe essentiel, celui de la redevabilité. Très
simplement, il s’agit de recueillir et de mesurer la satisfaction des usagers. Comment ? Grâce à un dispositif de consultation et d’amélioration du service (DCAS). Ce dispositif repose sur un échange constructif et itératif entre les élus municipaux et les échelons de commandement de la gendarmerie afin de recueillir les attentes des élus, mesurer qualitativement « l’empreinte au sol » des unités de la gendarmerie, mettre en œuvre une aide à la décision pour optimiser la programmation du service des unités territoriales. Nous renforçons aussi la fonction contact.
Comment ? L’analyse permanente des besoins de la population nous permet d’interroger nos modes d’organisation et de les ajuster si nécessaire pour dégager des mages de manœuvre opérationnelle afin de renforcer la présence. Ce nouveau mode d’organisation permet de dégager des marges de manœuvre opérationnelle qui renforcent la présence des gendarmes sur tous les territoires pour investir davantage le champ de la sécurité du quotidien et particulièrement le contact, et répondre aux attentes de la population par une présence plus visible et une réelle proximité.
Enfin, pour ce qui est d’accompagner l’engagement des communes, nous répondons « présent » à la« sécurité dès la conception » des maires. Lorsque les communes s’engagent dans un processus de développement intégrant les enjeux de sécurité, la gendarmerie contribue aux grands projets d’urbanisme et d’aménagement. Comment ? Par des diagnostics de rénovation urbaine associant le groupement de gendarmerie et notamment la mise à disposition de nos référents sûreté. Par ailleurs, nous attachons beaucoup d’importance à la rénovation immobilière de l’infrastructure gendarmerie, au bénéfice de la collectivité. Nous prenons pleinement en compte la transition écologique, avec la rénovation thermique, l’autonomie énergétique (panneaux photovoltaïques), bornes de recharge électriques. »
3 – Qu’est ce que le plan des « 200 brigades nouvelles » ?
Le 10 janvier 2022, dans la continuité de la réflexion initiée dans le cadre du Beauvau de la sécurité, le président de la République a annoncé la création de 200 brigades nouvelles de Gendarmerie dans tous les départements. Pour les élus et pour l’État, ces créations vont contribuer, concrètement, à réduire la fracture territoriale. En effet, depuis une cinquantaine d’années, l’État s’est rétracté et la présence des services publics s’est raréfiée. La gendarmerie nationale elle-même n’a pas échappé à cette contraction puisque 500 brigades territoriales ont été fermées dans les premières années du XXI° siècle. Or, les populations sont, plus que jamais, en attente d’État, de proximité, de confiance, de services publics et de solidarité.
C’est pourquoi la création des 200 brigades nouvelles est un acte fort de retour dans les territoires. Cette ambition est également porteuse d’un effort de transformation amplifié, avec un effet d’entraînement sur toute la gendarmerie. Une partie de ces brigades nouvelles favorisera l’itinérance, l’action ciblée. Ces créations, dans tous les départements, des 200 brigades nouvelles demandent un changement de paradigme : l’approche opérationnelle de nos gendarmes va privilégier le « aller vers », en passant d’une logique d’accueil « au guichet » des unités à une logique de service de sécurité proposé directement sur le « pas de porte » des citoyens. C’est l’occasion pour la gendarmerie de renouveler l’offre de service de sécurité en lien avec les élus et la population, pour une meilleure prise en compte des préoccupations de la population, des victimes, des plus vulnérables, des jeunes et des élus.
Le but de ces brigades nouvelles, une fois déployées, est de renforcer et d’optimiser notre présence de voie publique et la proximité, notamment par des outils offrant aux gendarmes la possibilité d’utiliser tous leurs outils professionnels, en mobilité, pour une plus grande proximité avec les usagers. Le gendarme sera ainsi en mesure d’apporter en tout lieu l’ensemble des services actuellement proposés au sein des unités. Les services numériques diversifiés compléteront cette offre de sécurité sur mesure, tout en veillant à simplifier l’interface d’accès pour l’usager, en vue de développer un véritable « parcours victime » ou « parcours usager ».
Par une organisation plus souple visant à répondre aux logiques des territoires, la création de brigades nouvelles sera également valorisée par la création de brigades concentrées sur des thématiques spécifiques, incluant des modes opératoires appropriés aux attentes des usagers. Elles favoriseront l’itinérance, l’action ciblée ou la permanence sur des lieux à haute visibilité dans une logique d’offre de service au plus près des usagers.
Pour réussir, ce projet ambitieux va s’appuyer étroitement sur les élus, notamment les maires. Car nous savons que l’offre de sécurité, aujourd’hui, se co-construit avec les élus de terrain, contribuant ainsi au réarmement des services publics dans les territoires et au profit de tous.