Lors de sa campagne, Emmanuel Macron a annoncé un effort de 10 milliards d’euros pour les collectivités territoriales sur la durée du prochain quinquennat. A l’heure où les collectivités territoriales sont appelées à participer à la relance de leur territoire, à mener des actions fortes en faveur de la transition écologique, le tout dans un contexte inflationniste, leurs craintes sont palpables.
Laurent Saint-Martin, rapporteur général du budget (LREM) à l’Assemblée nationale, lors de son audition devant les élus de France urbaine et Intercommunalités de France, le 22 mars dernier, indiquait que l’inflexion à la baisse des dépenses publiques serait de de l’ordre de 20 milliards d’euros sur le prochain quinquennat et que la contribution des collectivités à cet effort serait de 10 milliards d’euros sur 5 ans, soit 50 % de l’effort total alors même que le poids de la dette des collectivités est de 8 % seulement et que leur part dans la dépense publique est de 20 %. Pour le député Jean René Cazeneuve, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, tout le monde doit nécessairement contribuer au redressement des finances publiques si l’on veut atteindre l’objectif des 3% de déficit public annuel d’ici à la fin du prochain mandat. Enfin, Christophe Béchu a récemment réitéré la nécessaire association des collectivités locales au redressement des comptes publics tout en rappelant que ce chiffre est moins important que celui qui avait été annoncé il y a 5 ans. Entre 2017 et 2022, la trajectoire était fixée à 13 milliards d’euros sur 5 ans correspondant à une norme de plafonnement de l’évolution des dépenses de fonctionnement de 1,2 % par an (pour les communes, une norme plus sévère a été définie : 1,1 %). Cette trajectoire était plus ou moins contraignante selon la taille des collectivités territoriales. Une autre méthode, plus souple, devrait être privilégiée pour le prochain quinquennat.
Une méthode de participation qui reste à définir :
Durant la campagne électorale, Olivier Dussopt, ministre chargé des Comptes publics assurait que « le chantier de la contractualisation sera rouvert par le prochain gouvernement si le président de la République est réélu », conformément aux recommandations établies dans le rapport Arthuis du 18 mars 2021. Dans une lettre ouverte adressée le 26 mars aux élus locaux, Emmanuel Macron évoquait simplement « des engagements réciproques […] établis, sur des bases concertées pour contribuer à l’indispensable maîtrise de la dépense publique ». Mais, le niveau de l’inflation, actuellement à 5,2 % sur un an selon les dernières estimations de l’Insee, a fait reculer l’exécutif nouvellement nommé. Invité de la matinale « Bonjour chez vous » de Public Sénat, mercredi 1er juin 2022, le ministre délégué aux Collectivités, Christophe Béchu, a écarté le retour en l’état des contrats de Cahors : « Il est certain qu’on ne repartira pas sur les bases d’un contrat de Cahors qui consisterait à dire qu’il y a un pourcentage d’inflation à ne pas dépasser. Il faudra trouver un autre mécanisme ». La question reste entière. Un indice toutefois dans la lettre du 26 mars. Emmanuel Macron promettant une « sanctuarisation » des dotations, l’effort d’économie de 10 milliards d’euros annoncé ne devrait pas se matérialiser par une baisse des recettes de l’Etat aux collectivités territoriales (comme ce fût le cas entre 2014 et 2017 avec la baisse unilatérale des dotations), mais bien par une nouvelle trajectoire de maîtrise de la dépense locale.
Pour l’APVF, une mise à contribution des collectivités territoriales à hauteur de 10 milliards d’euros pourrait être très préjudiciable, de même qu’une éventuelle suppression de la CVAE. D’une part, les collectivités ne disposent plus de marges suffisantes pour réduire encore leurs dépenses de fonctionnement sauf à remettre en cause le bon fonctionnement des services publics et, d’autre part, parce que ces décisions ne permettraient pas aux collectivités territoriales de participer efficacement au plan de relance et au soutien de l’activité économique, alors même que la croissance est en train de fléchir très nettement. Pour l’APVF, si un effort est consenti, il doit s’intégrer à une trajectoire d’évolution de la dépense indicative, être proportionnel au poids de la dépense locale dans le total de la dépense publique et tenir compte des efforts déjà fournis et des difficultés particulières de certaines collectivités. En outre, il doit être en priorité fléché sur la réduction du poids des normes de l’Etat qui coûtent près de 550 millions d’euros aux collectivités territoriales. A noter que la revalorisation du point d’indice d’ici l’été, dont l’APVF ne remet nullement en cause la nécessité, risque de peser lourdement sur les budgets locaux.
Face à la gravité des enjeux qui nécessitent plus que jamais l’établissement de relations d’étroite confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales, l’APVF suggère au nouveau Gouvernement de réunir à l’issue du second tour des élections législatives une Conférence des exécutifs locaux avec les principales associations d’élus afin d’établir, pour la législature, les conditions d’un véritable pacte de confiance et définir les grands objectifs des politiques d’avenir comme la santé, le grand âge et la transition écologique, ces défis ne pouvant pas être relevés sans la forte implication des collectivités territoriales.