« Le chômage des jeunes de 15 à 24 ans est en France au moins deux fois plus élevé que celui de l’ensemble de la population. » La faiblesse des dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes avait été pointée du doigt par la Cour des comptes en 2016. Dans son rapport public annuel 2022, la Cour évalue le plan « #1jeune1solution » annoncé par le Gouvernement en juillet 2020.
La Cour a examiné les conditions de déploiement, les premiers résultats et le coût de ce plan, dont le montant total pourrait avoisiner 10 Md€. Pour elle, la crise sanitaire a justifié une telle intervention des pouvoirs publics, mais « celle-ci a été parfois mal proportionnée » et malgré une « forte mobilisation » pour la mise en œuvre du plan, « son succès est à relativiser ».
Le lancement du plan « #1jeune1solution », initialement doté pour 2020 et 2021 de 6,5 Md€, dont 5,3Md€ de mesures gérées par le ministère chargé du travail, a été annoncé le 23 juillet 2020.
- Les objectifs du plan rappelés par la Cour :
Le plan devait augmenter le nombre d’entrées en formation de jeunes de moins de 30 ans, en les faisant passer de 345 000 en 2020 à 415 000 en 2021, puis 375 000 en 2022.
Dans le domaine de l’accompagnement, il a été prévu 80 000 entrées supplémentaires en Pacea en 2021, soit 420 000 au lieu de 340 000. A été annoncée, en outre, une hausse de 50 % du nombre de places en Garantie jeunes pour atteindre 150 000 entrées en 2021, objectif par la suite porté à 200 000. Des places supplémentaires (+ 70 000 places en 2020 et + 140 000 places en 2021) ont aussi été ouvertes dans le dispositif d’accompagnement intensif jeunes (AIJ) instauré par Pôle emploi et qui avait bénéficié à 100 000 jeunes en 2019. S’y ajoutent l’expérimentation d’un parcours d’accompagnement destiné à 35 000 « décrocheurs », qui doit être mis en œuvre par l’Afpa (objectif ramené ensuite à 30000), ainsi qu’une nouvelle prestation, offerte par l’Apec, d’accompagnement renforcé des jeunes diplômés en recherche d’emploi.
Des objectifs ont également été fixés pour la signature de nouveaux contrats aidés. Dans le secteur non-marchand, l’objectif de 20 000 jeunes en parcours emploi compétences (PEC) a été fixé pour 2020 et il est de 80 000 pour 2021, alors que ces contrats n’étaient plus ciblés prioritairement sur les jeunes. Dans le secteur marchand, 10 000 jeunes peuvent bénéficier de contrats initiative emploi (CIE) en 2020 et 50 000 en 2021, alors que ces contrats avaient disparu (sauf en outre-mer).
L’aide allouée pour l’embauche en CDI ou en CDD pour au moins six mois d’un résident d’un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), dite « emploi franc », a été majorée pour le recrutement d’un jeune de moins de 26 ans, entre le 15 octobre 2020 et le 31 mai 2021155.
Le plan « #1jeune1solution » comporte aussi l’introduction de nouvelles mesures favorisant l’accès à une expérience professionnelle, avec deux aides exceptionnelles à l’embauche : l’une pour les jeunes, quel que soit leur profil, d’un montant de 4000 €, l’autre pour le recrutement d’alternants, d’un montant de 5000 € ou 8000 € selon l’âge des bénéficiaires. Cette aide, « plus avantageuse », remplace pendant la crise l’aide unique à l’apprentissage versée aux employeurs d’apprentis.
Enfin, les jeunes bénéficient des dispositifs de droit commun, et en particulier de l’activité partielle, ainsi que de mesures spécifiques, notamment l’augmentation des places en service civique, dont le nombre est passé de 145 000 à 245 000, auxquels s’ajoute l’objectif de 26 500 places supplémentaires pour permettre la poursuite d’études.
- L’insuffisante prise en compte des besoins et des capacités des territoires
Les objectifs en volume de contrats aidés et d’entrées en Garantie jeunes ont été déclinés à l’échelon départemental, voire au niveau du bassin d’emploi (contrats aidés) ou à celui de chaque mission locale (Garantie jeunes). Or, selon la Cour des comptes, « ces objectifs de volumes à atteindre localement n’ont qu’à la marge tenu compte des disparités territoriales ».
En pratique, les valeurs cibles pour la Garantie jeunes fixées ont été presque systématiquement doublées, alors que la demande d’emploi locale des jeunes était très différente d’une région à l’autre, notamment en raison de la spécialisation sectorielle de chacune d’entre elles et de l’impact variable de la crise selon les secteurs. Par exemple, alors que la demande d’emploi en Île-de-France avait augmenté de 17 % de septembre 2019 à septembre 2020, contre 3 % en Normandie, une cible identique a été fixée à ces deux régions.
De même, fin juillet 2020, la Cour souligne que l’objectif de 100 000 formations supplémentaires a donné lieu à une répartition entre régions, sans distinction entre les bassins d’emploi les plus touchés par la crise et ceux qui l’étaient le moins.
- Malgré une forte mobilisation pour la mise en œuvre du plan, un succès à relativiser
Alors que les moyens mis en œuvre pour accompagner le plan ont été importants, le succès est très inégal.
Si l’inclusion d’un volet consacré à la formation pouvait paraître légitime, puisqu’il s’agit d’une composante fondamentale des politiques de l’emploi, elles ne constituent pas forcément une réponse adéquate à une dégradation conjoncturelle, car il s’agit de politiques qui demandent une mise en œuvre allant de 18 mois à deux ans.
Aussi, pour la Cour des comptes, la réactivation des contrats aidés après leur forte diminution (ils sont passés de 110 000 en 2016 à 17 500 en 2019) ne va pas de soi comme réponse à une crise conjoncturelle.
Enfin, en amplifiant l’existant, le plan n’a pas proposé de réponse à la question des « invisibles », c’est-à-dire celle des jeunes inconnus des services de l’emploi, trop éloignés des institutions pour pouvoir intégrer les dispositifs d’accompagnement usuels.