Un certain nombre d’amendements concernant les collectivités territoriales ont été adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale. Proposés par le Gouvernement ou ayant reçu son avis favorable, ils devraient figurer dans la version finale du texte.
- Dotation biodiversité : extension du périmètre, ciblage et hausse de l’enveloppe
Pour contribuer au verdissement des concours de l’État aux collectivités, le PLF 2022 créé une quatrième fraction de la dotation pour la protection de la biodiversité au bénéfice des communes rurales situées dans un parc naturel régional et étend le périmètre de la fraction « Natura 2000 ». Face à l’extension du périmètre de la dotation pour la protection de la biodiversité, un amendement du Secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité, Joël Giraud, double le montant de l’enveloppe initialement prévue, de 10 à 20 millions d’euros.
Un autre amendement du même auteur adopté d’une part, augmente le nombre de communes éligibles à la part Natura 2000 (en abaissant à 50 % le taux de couverture du territoire par la zone protégée, contre 60 % initialement) et, d’autre part, fixe un plancher pour la part Cœur de parc national (avec la mise en place d’une dotation minimale de 3 000 euros au bénéfice des plus petites communes).
Le coût de ces deux dernières mesures s’élève à 4,3 millions d’euros. Elles seront financées par une diminution à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement. Si le coût est neutre pour l’ensemble des communes éligibles à la dotation biodiversité (dont une cinquantaine de petites villes comprises entre 5 000 et 10 000 habitants percevant 2,3 millions d’euros à ce titre), l’APVF regrette que cette mesure même bienvenue soit financée par les collectivités locales elles-mêmes, à travers l’écrêtement de leur dotation forfaitaire.
- DETR/ DSIL : avancement de la date de notification
Deux amendements défendus par Christine Pires Beaune, et adoptés avec l’avis favorable du Gouvernement, concernent le calendrier de notification de la DETR et de la DSIL et les modalités de publication sur le site internet des préfectures. Le premier prévoit que 80 % de l’enveloppe départementale ou régionale pour la DSIL puisse être notifiée avant la fin du premier semestre de l’année civile et la publication des subventions sur le site internet des préfectures. Le second propose de substituer au format PDF, un format Excel, plus ouvert et aisément réutilisable.
Comme l’a indiqué Christophe Jerretie, rapporteur spécial de la mission RCT, ces amendements répondent à un besoin de transparence et de clarification et évoquent la nécessité pour les élus de disposer de dates précises.
En revanche, la proposition de Christine Pires Beaune de confier aux préfets de département la responsabilité d’attribuer les subventions au titre de la DSIL, comme ils le font déjà pour la DETR, a été rejetée. A noter que cette mesure, défendue par l’APVF, figure désormais dans le projet de loi 3DS.
- La DSR des communes nouvelles rurales préservée
Un amendement de la Ministre Jacqueline Gourault prévoit que les communes nouvelles, rurales au sens de la grille de densité de l’INSEE, continuent à être éligibles aux trois fractions de la DSR ; elles ne le seraient plus à la DSU.
Cette mesure, qui concerne aujourd’hui précisément treize communes notamment du Maine-et-Loire, de la Manche, de la Savoie et de Seine-Maritime, part du constat suivant : de grandes communes nouvelles, qui comptent jusqu’à 25 000 habitants, ne sont constituées que de villages ou de bourgades de 2 000 à 3 000 habitants. Elles doivent donc continuer à pouvoir percevoir la DSR.
Certains députés ont émis des réserves sur cet amendement, considérant qu’il manque des simulations pour connaître le coût de la mesure et les conséquences sur les autres communes.
- La dotation d’amorçage des communes nouvelles réhaussée
Un amendement de Jean-René Cazeneuve, rapporteur, adopté également, propose de faire passer la dotation d’amorçage des communes nouvelles de 6 à 10 euros par habitant lorsque les communes qui se regroupent comptent moins de 3 500 habitants. Pour lui, les communes nouvelles sont un outil intéressant car, dans certains territoires, les communes de 50 à 200 habitants ont du mal à travailler isolément pour faire aboutir leurs projets.
- La dotation forfaitaire des communes dont les revenus fiscaux sont les plus faibles
Pour protéger certaines communes d’une baisse de leur dotation forfaitaire, Jean-René Cazeneuve a présenté un amendement portant le seuil d’éligibilité à l’écrêtement de la dotation forfaitaire de 0,75 à 0,85 fois le potentiel fiscal moyen par habitant. Cette mesure devrait « exclure automatiquement de l’écrêtement environ 3 000 communes – celles dont les revenus fiscaux sont les plus faibles ».
Christine Pires Beaune a tout de même indiqué que « les choses se jouent vraiment à la marge ». Dans sa circonscription, seules dix-huit communes seront gagnantes « mais ce gain sera de 200 ou 300 euros, pas davantage ».
Encore une fois, cette mesure même bienvenue, sera financée par les autres collectivités dont il n’est pas évident qu’elles soient celles dont le potentiel fiscal relatif est le plus élevé. Une mesure de justice, oui, mais dont le financement ne l’est pas forcément.
- Protection des communes forestières dont la situation financière a été dégradée par la crise engendrée par les scolytes
Joël Giraud, rappelant qu’un insecte, le scolyte, cause actuellement des ravages dans les forêts de l’Est de la France, a proposé un amendement pour apporter un soutien exceptionnel aux communes forestières dont la situation financière a été dégradée par la crise engendrée par les scolytes.
Les communes ayant une épargne négative seront éligibles à ce dispositif qui représentera 1 million d’euros en 2022. Les critères seront affinés au fur et à mesure de la consommation de l’enveloppe.
- Réforme des indicateurs financiers suite à la suppression de la taxe d’habitation
Suite à la suppression de la taxe d’habitation (TH) et pour assurer la stabilité des indicateurs dans les années à venir, Jean-René Cazeneuve propose trois nouvelles dispositions “oubliées” par le PLF 2022.
Le premier élément a trait au calcul du potentiel financier des communes et du potentiel financier agrégé : l’amendement étend la prise en compte des montants perçus au titre du prélèvement sur recettes (PSR) de l’État compensant les pertes de recettes liées à la réforme de l’assiette des locaux industriels.
Quant au deuxième, il concerne également le calcul du potentiel fiscal pour la répartition de la DNP en reprenant la même méthode.
Enfin, l’amendement modifie la prise en compte de l’imposition forfaitaire sur les pylônes supportant des lignes électriques dans ces mêmes indicateurs. Il s’agit donc bien d’ajustements techniques.
Comme certains députés, l’APVF se méfie des ajustements techniques que l’on dit marginaux et sans importance, alors qu’ils auront nécessairement des conséquences sur les autres communes. Il est important donc que la direction générale des collectivités locales (DGCL) évalue précisément l’impact de la modification des critères.
- Péréquation régionale
Un amendement du Gouvernement propose un nouveau système de péréquation régionale qui s’appuierait sur deux mécanismes.
En premier lieu, la fraction de TVA attribuée à chaque région serait modifiée à compter de 2022. Il est ainsi proposé qu’elle soit majorée des reversements ou minorée des prélèvements subis en 2021 au titre du FNGIR, le Fonds national de garantie individuelle des ressources. Cela permettra de rééquilibrer les montants de TVA perçus par chaque conseil régional, aujourd’hui très inégaux, et de limiter l’accroissement des inégalités de recettes fiscales entre régions.
En second lieu, un fonds de solidarité assis sur la dynamique de la fiscalité régionale sera constitué au profit des régions dont les ressources héritées de la suppression de la taxe professionnelle sont les plus faibles. Il sera réparti en fonction des critères de ressources et de charges représentatives des compétences des régions.
Deux sous amendements proposent que le montant de ce fonds soit égal à 0,1 % de la TVA en 2022, soit 19,5 millions, puis complété chaque année par 1,5 % de dynamique de TVA.
Ce dispositif aurait pour effet d’augmenter de 35,6 millions en 2022 le montant de la péréquation entre régions. La progression serait donc un peu plus rapide qu’entre 2020 et 2021 – elle n’avait alors augmenté que de 28 millions –, sans que l’on puisse parler d’un bouleversement majeur. Au total, si on additionne ce nouvel étage de péréquation, les régions se redistribueront 260 millions de recettes fiscales et 225 millions de péréquation acquise, auxquels s’ajoutent ces 35,6 millions, soit environ 1 % des recettes de fonctionnement.
- Compensation de la baisse des impôts de production aux régions
Un amendement du Gouvernement défendu par Madame la Ministre Jacqueline Gourault propose de compenser, via la création d’une dotation, les conséquences de la baisse des impôts de production sur les frais de gestion perçus par les régions, pour un montant de 107 millions d’euros. Bien qu’en deçà des attentes de l’Association des régions de France, cette mesure a été adoptée.
- Encadrement des baisses d’attributions de compensation
Cet amendement de Jean-René Cazeneuve vise à définir trois grands principes applicables à toutes les procédures de réduction des attributions de compensation (AC), qui interviennent en cas de baisse de la base imposable, notamment lorsque la fermeture d’une entreprise à des conséquences fiscales significatives.
Selon le premier principe, la baisse de l’attribution de compensation ne peut être supérieure à la perte de recettes fiscales subie par l’intercommunalité.
Deuxièmement, l’EPCI à fiscalité propre peut décider de répercuter la baisse des attributions de compensation sur tout ou partie de ses communes, ou sur la seule commune à l’origine de la perte de recettes, à condition que cela repose sur des données objectives.
Troisièmement, la baisse de l’attribution de compensation ne peut être supérieure au montant le plus élevé entre, d’une part, 5 % des recettes réelles de fonctionnement de la commune concernée pendant l’année précédant la révision et, d’autre part, le montant éventuellement perçu par la commune au titre du prélèvement sur recettes – PSR – relatif au FNGIR institué en loi de finances pour 2020.
Par ailleurs, un cadre spécifique est prévu pour les EPCI à fiscalité propre qui bénéficient d’un mécanisme de compensation de la perte de bases provoquant la diminution conséquente du produit de la contribution économique territoriale – CET – ou de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau – IFER –, ainsi que pour les EPCI qui bénéficient du fonds de compensation horizontal destiné à accompagner la fermeture des centrales de production d’électricité d’origine nucléaire ou thermique.
Enfin, le présent amendement prend en compte le PSR qui vient compenser la diminution de moitié des bases de la cotisation foncière des entreprises. En effet, certaines dispositions concernant les calculs relatifs à la dotation de solidarité communautaire – DSC – nécessitent d’intégrer ce prélèvement sur recettes en complément du produit de la CFE.
Cet amendement qui vise à encadrer les conditions dans lesquelles les EPCI peuvent baisser les attributions de compensation a reçu un avis favorable du Gouvernement.
- Compensation de l’exonération longue durée de foncier bâti dont bénéficient les bailleurs sociaux
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une mesure propre de la mission RCT, la compensation intégrale pendant 10 ans, aux collectivités des exonérations de taxe foncière (TFPB) sur les futures constructions de logements sociaux faisant l’objet d’un agrément entre janvier 2021 et juin 2026, figure bien dans ce PLF 2022. Cette demande formulée depuis longtemps par l’APVF constitue un très grand progrès pour les communes.