Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « PJL 3DS » à l’Assemblée nationale, l’APVF représentée par Harold Huwart, Maire de Nogent le Rotrou, et par Sébastien Eugène, Maire de Château-Thierry, ont été entendus respectivement par les rapporteurs de la commission des lois de l’Assemblée nationale et par le rapporteur de la commission sur les affaires économiques.
A cette occasion, l’APVF a rappelé que le texte initial, déposé par le gouvernement, bien que souhaitable, est encore insuffisant. Cette insuffisance vient du fait qu’il ne tire pas suffisamment les leçons des crises qui ont émaillé cette législature, de la crise des Gilets Jaunes jusqu’à celle de la Covid-19. L’APVF, si elle ne demande pas un Grand Soir de la Décentralisation – en effet, la stabilité institutionnelle est désormais bien nécessaire – appelle néanmoins à un texte ambitieux. Ce n’est pas parce que ce texte est examiné en fin de législature qu’il faut en sous-estimer la potentielle portée. Comme l’a indiqué Harold Huwart, « il faut prolonger la décentralisation sans entrer dans le débat du grand soir », en supprimant un certains nombres d’irritants persistants. Des progrès significatifs ont été obtenus au Sénat. L’APVF forme le vœu que ces progrès soient approfondis à l’Assemblée nationale.
Dans le cadre de la première audition sur l’ensemble du texte, l’APVF a concentré ses propos sur deux grands enjeux pour l’APVF : le pouvoir réglementaire local et le domaine de la santé. Elle a rappelé que l’extension du pouvoir réglementaire local, plutôt que des correctifs à la marge, impose une réflexion de plus grande ampleur, avec la prise d’une ordonnance visant à cibler l’ensemble des blocages, particulièrement dans les domaines urbanistique et environnemental, justifiant un élargissement des compétences des élus locaux. Ainsi, si les quelques avancées au Sénat sont intéressantes, il faut aller plus loin :
- Transférer les déclarations d’utilité publique et les autorisations environnementales au bloc local (communes et EPCI) par voie d’ordonnance,
- Doter le bloc local d’une compétence d’aide directe aux entreprises en cas de crise.
Dans le domaine de la santé, le Sénat a répondu à une demande de l’APVF visant à consolider l’ancrage territorial des politiques de santé en confiant la coprésidence de l’ARS au président de région. Nous pourrions, là aussi, aller plus loin en élargissant les missions du conseil d’administration des ARS à toutes les décisions concernant les offres de soins et en étendant le pouvoir de saisine aux Maires. Aussi, l’APVF préconise de transformer le conseil de surveillance en conseil d’administration des hôpitaux et associer directement les maires aux décisions d’implantation de lignes de soins ou d’urgence sur leur territoire.
Sur les volets logement et urbanisme, les avancées les plus significatives ont été obtenues sur les opérations de revitalisation de territoire (ORT), les grandes opérations d’urbanisme (GOU) et PPA.
Les ORT : un levier pour l’ensemble des villes dont les centres anciens sont en souffrance
Dès l’origine (loi Elan), l’APVF partage les objectifs poursuivis par le dispositif des opérations de revitalisation de territoire (ORT). Ce dispositif – matérialisé par le Plan « Action cœur de ville » et le « Programme Petites villes de demain » – apporte une réponse adéquate aux enjeux de redynamisation des centres-villes : lutte contre la vacance des logements (qui est bien supérieure dans les petites villes que dans les métropoles) et des commerces (qui peut atteindre les 20 % dans les petites villes les plus sinistrées), adaptation de l’offre par des actions de modernisation et de rénovation du parc de logement ainsi que par des mesures favorisant la mixité sociale, lutte contre l’habit indigne, facilitation de l’accessibilité et de la desserte des commerces de centres-villes.
Sur le champ d’application, l’APVF a demandé que les ORT soient un outil généraliste qui puisse être un levier pour l’ensemble des villes dont les centres anciens sont en souffrance.
Or, en l’état du droit, si la ville principale d’un EPCI ne rencontre pas de problématique particulière de dévitalisation de son centre-ville, et que la mise en place d’une ORT sur son périmètre ne se justifie pas, les autres communes-membres de l’EPCI ne peuvent bénéficier de ce dispositif, alors même qu’elles font face à des enjeux de vacance commerciale ou d’habitat indigne
L’APVF se félicite donc de l’évolution apportée par le projet de loi « 3DS » qui vise à permettre au sein d’intercommunalités comprenant plusieurs pôles de centralité, de conclure une ORT avec d’autres communes que celle la plus peuplée.
Les ORT : des éléments de souplesse et une boîte à outils efficace
Des dérogations en matière d’urbanisme peuvent être accordées dans le périmètre des ORT : pas besoin d’autorisation d’exploitation commerciale pour les commerces qui souhaiteraient s’implanter en centre-ville par exemple.
Le PJL « 3DS » étend ces éléments de souplesse (pour les ORT, mais également pour les GOU) :
– avec une réduction de 30 à 10 ans du délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître, dans le cadre d’une ORT ou d’une grande opération d’urbanisme (GOU) ;
– et un élargissement de la procédure d’expropriation des biens en état d’abandon manifeste à l’ensemble du territoire de la commune et la possibilité de recourir à l’expropriation pour créer des réserves foncières dans le périmètre d’une ORT ou d’une GOU. Le Sénat ouvre cette possibilité aux intercommunalités.
Pour l’APVF, ces éléments de souplesse, en plus de contribuer à la lutte contre la hausse du prix du foncier, renforcent la capacité des Maires à rénover ou construire dans le respect de l’objectif « zéro artificialisation nette des sols ».
Des dispositions du PJL « 3DS » facilitent le recours au permis d’aménager multisites au-delà des ORT
Avant la loi Elan, un permis d’aménager ne pouvait être délivré que pour des terrains contigus. Cette situation était préjudiciable aux projets situés en cœur de ville et entrait en contradiction directe avec les enjeux de revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs. Les élus locaux ne disposaient alors pas d’outil d’intervention adapté pour avoir une vision globale sur l’aménagement de plusieurs parcelles proches mais non contiguës en centre-ville. La zone d’aménagement concerté peut certes permettre de construire un projet d’ensemble, mais la procédure est trop lourde, trop compliquée.
La mise en place du permis d’aménager multisites au sein des ORT, dans le cadre de la loi Elan, a donné un outil de souplesse aux élus locaux.
Mais, la plupart des sénateurs lors l’examen du PJL « 3DS » ont indiqué que celui-ci n’avait pas été encore utilisé à la hauteur de son potentiel en raison d’un trop grand formalisme lié à l’imprécision du dispositif : dans les faits, la délivrance des permis multisites a été subordonnée à une révision du PLU l’autorisant explicitement.
Afin de faciliter le recours au permis d’aménager multisites dans les ORT, mais également dans les GOU et les PPA, le Sénat a voté plusieurs amendements pour clarifier le dispositif et préciser qu’il n’est pas conditionné par une modification préalable du PLU.
Pour l’APVF, cette évolution, qui doit être préservée par l’Assemblée, apporte une simplification supplémentaire au bénéfice de la réhabilitation des centres-villes.
Renforcement des grandes opérations d’urbanisme (GOU) avec un transfert automatique du droit de préemption à l’intercommunalité
Pour renforcer les GOU, le PJL « 3DS » modifié au Sénat prévoit que l’autorité compétente pour délivrer les autorisations d’urbanisme accorde des dérogations aux règles de gabarit, de stationnement et de densité. L’exercice du droit de préemption et du droit de préemption renforcé est transféré automatiquement à l’intercommunalité, avec possibilité de le déléguer à l’aménageur, sous réserve de l’avis conforme exprimé par les communes concernées. Le recours à la procédure de vente d’immeuble à rénover et le dispositif d’intervention immobilière et foncière seraient également rendus possibles.
L’APVF est opposée au transfert du droit de préemption de manière automatique, à l’exclusion et sans l’accord du Maire, au président d’intercommunalité à l’initiative de la grande opération d’urbanisme.
Les communes ont des compétences structurantes en matière d’aménagement des équipements publics relatifs à leurs compétences (voirie, aménagement des espaces publics, circulation piétonne, équipements scolaires, culturels et sportifs, etc.). Par conséquent, elles doivent conserver, à l’intérieur du périmètre de la grande opération d’urbanisme, leur compétence pour délivrer le permis de construire, d’aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l’objet d’une déclaration préalable.
Renforcement de la place des Maires dans les PLU intercommunaux
Pour rappel, la loi ALUR de 2014 a transféré la compétence « urbanisme » aux intercommunalités. L’ensemble des maires de petites villes considère unanimement l’urbanisme comme le cœur de l’action communale et beaucoup ont craint que le transfert de cette compétence historique du maire ne soit le signe de la disparition de la commune, ou à tout le moins de sa dilution dans l’intercommunalité. Pour les maires de petite ville, le PLU intercommunal ne peut être imposé, mais doit être un outil choisi et partagé.
Le PJL 3DS a, dans ce sens, été étoffé dans la bonne direction par le Sénat qui a adopté de nouvelles dispositions visant à « empêcher tout transfert intempestif de la compétence du plan local d’urbanisme (PLU) » :
– D’une part, en inversant le mécanisme de transfert de la compétence plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), en indiquant que ce n’est pas aux communes de délibérer pour empêcher le transfert de compétence mais que c’est ce transfert qui est conditionné à une délibération.
Actuellement, seule une minorité de blocage composée d’au minimum 25% des communes représentant au moins 20% de la population peut s’opposer au transfert automatique de la compétence PLU à la communauté. Dans ces conditions, le transfert de la compétence « urbanisme » aux intercommunalités est largement conditionné par le degré d’intégration des communes sur le territoire.
Pour l’APVF, en conditionnant le transfert à une délibération, la mesure proposée par le Sénat s’émancipe de la dimension politique de la répartition des compétences entre communes et intercommunalités pour en donner une vision plus stratégique et conforme aux enjeux territoriaux d’aménagement du territoire.
– Et d’autre part, en faisant en sorte d’éviter que la modification du projet d’aménagement et de développement durable n’entraîne une procédure de PLUi couvrant l’intégralité du territoire de l’EPCI.
Sans remettre en cause l’utilité des PLU intercommunaux, qui constituent une vraie chance pour nos territoires et un moyen efficace pour rationaliser l’utilisation des sols, cet outil ne doit pas être imposé. Il doit être le fruit d’un projet commun entre maires d’un même territoire. C’est pourquoi, pour l’APVF, ces assouplissements bienvenus mériteraient d’être confortés à l’Assemblée, malgré l’avis défavorable du Gouvernement.