Le rapport annuel de la Cour des comptes sur « la situation et les perspectives des finances publiques » a été rendu public le 22 juin. Partant du constat d’un redressement inachevé des finances publiques en 2019 auquel s’ajoute le choc inédit en 2020 et en 2021 du fait de la crise sanitaire, la Cour appelle à un véritable effort d’ajustement et de réduction de la dette.
La situation en 2019 : un redressement inachevé des finances publiques
Selon le rapport, la crise sanitaire et économique va engendrer une crise des finances publiques d’ampleur, avec une perte massive de recettes publiques, une forte hausse des dépenses liée aux mesures de soutien aux secteurs les plus touchés et, par conséquent, un déficit « à un niveau sans précédent en 2020 ».
Ces difficultés seraient accrues par l’inachèvement du redressement des finances publiques engagé à l’issue de la crise financière de 2008. Pour la Cour des comptes, la stratégie ayant consisté à augmenter les prélèvements obligatoires sans réduire les dépenses publiques n’a pas porté ses fruits.
En 2019, le déficit public s’est établi à 3 points de PIB, dont 0,9 point d’effet ponctuel lié au cumul du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et des allégements de cotisations sociales qui le remplacent. Le déficit structurel n’a pas non plus été réduit : 2,2 points de PIB, comme en 2018. La dette publique est, quant à elle, restée stable à 98,1 points de PIB.
2020 : un choc de nature et d’ampleur inédites pour les finances publiques
La Cour des comptes rappelle la dernière prévision du Gouvernement : le déficit public s’établirait à 250 milliards d’euros, soit 11,4 points de PIB. Cette explosion du déficit résulterait principalement de l’effet sur les recettes publiques du recul du PIB (-11 % en volume sur l’année) : la perte de recettes publiques serait de près de 135 milliards d’euros, expliquant environ les deux tiers du relèvement du déficit. Une petite partie de l’augmentation des dépenses publiques serait aussi imputable à un effet mécanique de la récession, s’agissant notamment des prestations de chômage, mais également aux dispositifs de soutien mis en place dans les trois lois de finances rectificatives entre mars et juin 2020. Leur impact direct sur le déficit public serait de 57,5 milliards d’euros, soit 2,6 points de PIB. Au-delà de ces mesures, l’État a accordé, comme la plupart des Etats de l’Union européenne, sa garantie à un très important programme de prêts aux entreprises (jusqu’à 300 milliards d’euros) et entrepris des opérations de sauvetage d’entreprises par des prises de participations ou des prêts.
La dette publique augmenterait quant à elle de près de 270 milliards d’euros en 2020 et dépasserait 120 points de PIB (l’équivalent « de presque 40 000 € par Français »).
Les perspectives après 2020 : l’enjeu de la soutenabilité de la dette
Pour la Cour des comptes, la soutenabilité de la dette publique constitue un enjeu central. Or, selon elle, l’hypothèse imaginée par le Gouvernement d’un net rebond de l’économie et de la réduction mécanique du déficit public (scénario « de rattrapage ») apparait optimiste : « il est plus vraisemblable, malgré l’origine sanitaire et non économique ou financière de la crise, qu’elle laissera des séquelles durables sur les capacités économiques, ainsi que l’illustrent d’autres scénarios (dits de « perte limitée » et de « faiblesse persistante ») ».
Même dans le scénario le plus favorable, « elle serait encore en 2030 supérieure au niveau d’avant crise ». Pour cette raison, la Cour appelle à un véritable effort d’ajustement et de réduction de la dette.
D’une part, elle préconise de rationaliser les mesures complémentaires de l’Etat pour soutenir l’emploi et accompagner les transitions, en les ciblant et en prévoyant des clauses d’extinction claires. En tout état de cause, elles ne devraient pas, selon le rapport, être financées par de l’endettement national, mais par une initiative européenne.
D’autre part, elle recommande un effort de redressement structurel des finances publiques dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques. La maîtrise des dépenses devrait intervenir à l’issue d’une revue des dépenses, plus large que celles opérées par le passé. Et, toute baisse des prélèvements obligatoires devrait s’accompagner d’une hausse des autres impôts ou par la suppression des niches fiscales.
A noter que le rapport de la Cour des comptes sur la sortie de crise des finances publiques et la réduction de la dette covid publié le 15 juin, reprenant les préconisations du rapport de Jean Arthuis, suggérait de mettre à contribution les collectivités locales dans le cadre d’une réforme de la gouvernance des finances publiques passant par la définition de « trajectoires de moyen terme comportant des enveloppes pluriannuelles de dépenses et de mesures nouvelles en recettes.
Téléchargez le rapport de la Cour des comptes en cliquant ici.