Un maire refuse la publication de la tribune de l’opposition dans le journal municipal. En effet celle-ci porte sur un sujet de politique nationale sans rapport avec les affaires communales et contient, en outre, des assertions que l’élu juge diffamatoires.
Sur recours des élus de l’opposition, les juridictions administratives invalident la décision du maire, ce que confirme le Conseil d’Etat. L’occasion pour la plus haute juridiction de rappeller certains principes :
1° les communes de plus de 3 499 habitants sont tenue de réserver dans leur bulletin d’information municipale, lorsqu’elle diffuse un tel bulletin, un espace d’expression réservé à l’opposition municipale ;
2° ni le conseil municipal ni le maire de la commune ne sauraient, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace ;
3° « il en va toutefois autrement lorsqu’il ressort à l’évidence de son contenu qu’un tel article est de nature à engager la responsabilité pénale du directeur de la publication, notamment s’il présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux de nature à engager la responsabilité du maire, directeur de publication du bulletin municipal, sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 29 juillet 1881 ».
Voilà pour les principes. Appliqués au cas d’espèce, le Conseil d’Etat approuve les juges d’appel d’avoir considéré que c’est à tort que le maire a censuré la tribune de l’opposition :
la circonstance que la tribune de l’opposition n’était pas en rapport direct avec les affaires de la commune mais avait trait à un problème de politique nationale n’est pas au nombre des motifs qui peuvent légalement justifier la décision du maire de s’opposer à sa publication dans l’espace d’expression réservé à l’opposition municipale ;
si cette tribune est rédigée sur un ton vif et polémique [1], elle ne saurait pour autant être regardée comme présentant manifestement un caractère diffamatoire ou outrageant de nature à justifier qu’il soit fait obstacle au droit d’expression d’élus n’appartenant pas à la majorité municipale.
Conseil d’Etat, 20 mai 2016, N° 387144
[1] Les auteurs de la tribune en cause y dénonçaient les conditions dans lesquelles le maire aurait obtenu sa réélection à l’Assemblée nationale et faisaient part de leur crainte de voir des élus appartenant au Front national intégrer la prochaine équipe municipale.
Ce qu’il faut en retenir :
Les communes de plus de 3 499 habitants qui diffusent un bulletin d’information municipale, sont tenues de réserver un espace d’expression réservé à l’opposition municipale.
Ni le conseil municipal ni le maire de la commune ne peuvent, en principe, contrôler le contenu des articles publiés, sous la responsabilité de leurs auteurs, dans cet espace.
Seules peuvent être censurées les tribunes dont il ressort à l’évidence que leur contenu présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux de nature à engager la responsabilité du maire, directeur de publication du bulletin municipal. Bref il faut que l’infraction « saute aux yeux » pour que le maire puisse censurer les propos. Un ton vif et polémique ne suffit pas.
En aucun cas le maire ne peut censurer la tribune au motif qu’elle porte sur un sujet de politique nationale sans rapport avec les affaires communales.