Impact de la crise du Covid19 sur les finances locales : les conclusions de la mission Cazeneuve

finances locales
12 juin 2020

Le rapport très attendu de la Mission de l’Assemblée nationale, pilotée par Jean-René Cazeneuve, Député du Gers, a été publié aujourd’hui. Il recense les impacts de la crise du Covid-19 sur les recettes et les dépenses des collectivités locales en 2020 et en 2021.

 

  1. L’intervention des collectivités locales en temps de crise
  •  Les collectivités sont intervenues en matière de santé au-delà de leurs compétences strictes pour répondre aux besoins urgents :

Les collectivités territoriales disposent de compétences limitées en matière sanitaire et d’organisation de l’accès aux soins. En effet, la santé reste largement une compétence de l’État, les Agences régionales de santé (ARS) étant responsables dans les territoires de l’offre de soins, tandis que la sécurité sociale est chargée du financement des soins et, avec les départements, d’une part importante du budget des établissements médico-sociaux. Mais, en raison de la gravité de l’épidémie, les collectivités locales sont intervenues, en allant au-delà de leurs compétences strictes et pour répondre aux besoins urgents : commandes de masques pour protéger les professionnels de santé et les personnes vulnérables.

D’ailleurs, les réquisitions de masques par les préfets ont révélé des difficultés de coopération entre l’État et les collectivités locales en situation d’urgence.

  • Les régions ont tenté de réaffirmer leur rôle de chef de file pour le soutien aux activités économiques :

La Loi NOTRe a consacré la Région comme la collectivité chef de file pour l’intervention économique et l’aménagement du territoire. Elles sont nombreuses à avoir participé au Fonds national de Solidarité (FNS) mis en place par l’État voire, à avoir créé un 3ème volet au FNS afin de mieux territorialiser leur intervention économique.

Les Régions ont également amplifié les mécanismes d’aide économiques préexistants en cherchant à inciter certains entrepreneurs à réorienter leurs productions pour contribuer à la fourniture d’équipement médicaux.

Enfin, le dernier levier pour conforter l’activité a été la commande publique. Les régions et les autres collectivités territoriales soutiennent les entreprises par les commandes publiques avec des règles juridiques assouplies. Pour ne pas pénaliser les entreprises déjà très fragilisées, les collectivités ont décidé de ne pas appliquer de pénalités en cas de retard dans le cadre des marchés publics, lorsque les prestations n’ont pu être effectuées normalement.

  • Les communes, premier acteur de la solidarité de proximité :

La gravité de la crise sanitaire a conduit les collectivités à limiter au maximum les lieux d’accueil au public, des dispositions spécifiques ont toutefois été trouvées pour permettre de poursuivre l’accompagnement social des personnes en situation de précarité, notamment via l’action des centres communaux d’action sociale (CCAS). Ces derniers ont organisé des plans de continuité particuliers pour coordonner l’action des travailleurs sociaux ou des personnels communaux volontaires avec le réseau des associations qui interviennent habituellement dans le champ de l’aide alimentaire ou de l’accompagnement social.

Plusieurs actions ont pu être recensées :

– mise à disposition d’équipements municipaux pouvant servir de lieux d’accueil en collaboration avec les principaux acteurs de l’urgence sociale pour héberger ou permettre la restauration de personnes en grande précarité ;

– maintien de l’assistance aux plus démunis (distribution du courrier aux domicilié, secours d’urgence sous forme de chèques d’accompagnement personnalisé (CAP)…)

– appels téléphoniques réguliers pour garder le contact avec les personnes déjà suivies ;

– développement de maraudes ;

– maintien des services essentiels proposés aux personnes âgées (portage de repas, soins infirmiers à domicile et sous forme réduite les services d’aide-ménagère) ;

– attention particulière à la problématique des violences intrafamiliales avec mise à disposition d’hébergements d’urgence pour mettre à l’abri des femmes et leurs enfants en danger.

  • En matière scolaire et périscolaire, une adaptation rapide des collectivités à la fermeture des classes, mais une gestion de la réouverture après le 11 mai, plus délicate

Pour permettre aux hôpitaux de continuer à accueillir et à soigner les malades du Covid-19, un service minimum a été mis en place par l’éducation nationale en lien avec le maire ou le Président de l’intercommunalité (école maternelle et élémentaire), le président du conseil départemental (collège) et le président du conseil régional (lycées).

Les dispositifs mis en œuvre ont tous fonctionné sur la base du volontariat des personnels de l’Éducation nationale. Les communes et intercommunalités compétentes ont étendu le plus souvent possible cet accueil sur le temps périscolaire et extrascolaire, selon les besoins identifiés et les moyens disponibles localement. Dans certaines communes, des accueils ont également été organisés le week-end pour répondre à l’investissement des personnels soignants. Selon les besoins et leurs moyens, certaines collectivités ont également étendu ce service d’accueil minimum aux enfants des agents assurant la sécurité publique.

La décision de rouvrir les écoles et les établissements scolaires à compter du 11 mai a entraîné de nombreuses adaptations pour les collectivités territoriales. Face à la complexité de la réouverture des classes dans les écoles maternelles et élémentaires, les modalités d’accueil proposées par les communes ont été très diverses, par exemple, concernant les dates d’ouverture des écoles. A noter que ces mesures ont engendré des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales (extension des horaires d’ouverture de la restauration scolaire, doublement du nombre de bus scolaire dans l’hypothèse assez rare ou plus de 50 % des élèves ont repris (CDC), heures supplémentaires pour les agents d’entretien, matériel de désinfection).

  1. L’impact de la crise sur les finances locales
  •  Les recettes fiscales baisseront surtout en 2021, mais les départements et certaines communes touchées dès 2020 :

Le rapport note que les recettes fiscales seront principalement touchées par des baisses en 2021, mais que des impacts seront subis, dès 2020, pour les départements et certaines communes.

Les communes perçoivent des ressources issues du foncier, une part importante de la taxe d’habitation (15,1 Mds€) jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme de la fiscalité locale, de la TFPB (16,7 Mds€) et une part des DMTO (2,8 Mds€). L’essentiel de leurs ressources est donc préservé selon les conclusions de la Mission. Les EPCI à FPU perçoivent les taxes économiques, soit 26,5 % de la CVAE (4,7 Mds€), la CFE (7,3 Mds€) et les IFER (0,6 Md€). Les autres recettes du bloc communal sont la taxe de séjour (450 M€), la TEOM (7 Mds€), le versement mobilité (6,7 Mds€) et la TASCOM (0,9 Md€).

En 2020, des baisses de recettes pourraient concerner les DMTO (de -15 à – 30 % selon les estimations), la taxe de séjour qui est inégalement répartie (15 % pour la ville de Paris) et la CFE.

  • Des hausses de dépenses en 2020 :

Les communes ont dû procéder à des achats de masques pour leurs administrés, ainsi qu’à des prestations sociales en direction des personnes défavorisées. La réouverture des écoles sera également génératrice de coûts supplémentaires en raison de l’extension des horaires d’ouverture de la restauration scolaire, des heures supplémentaires pour les agents d’entretien et de l’acquisition de matériel de désinfection.

Répondant aux demandes des collectivités de voir prises en charge par l’État tout ou partie des dépenses engagées par les collectivités pour l’acquisition de masques grand public, il a été acté que l’État prendrait à sa charge 50 % du coût d’achat à compter du 13 avril. Plusieurs scénarios sont à l’étude pour étendre la mesure de soutien aux dépenses, parmi lesquels celui d’isoler ces dépenses, pour chaque collectivité, dans un compte annexe « spécial Covid » au budget général, assorti d’une possibilité d’étalement de charges (une circulaire doit paraître prochainement).

Téléchargez l’intégralité du rapport en cliquant ici.