Dans le prolongement des positions qu’elle a prises depuis vingt ans sur les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des élus, l’APVF est intervenue ces dernières semaines dans le débat qui s’est ouvert sur la nécessité d’adapter la loi pénale aux risques particuliers qu’engendre, pour les maires, le déconfinement décidé par l’Etat.
En effet, en l’état actuel du droit, certes, la responsabilité première dans l’accueil des élèves sur le temps scolaire incombe à l’Etat, la commune n’étant en charge que de l’entretien des locaux et de l’accueil dans le cadre de la pause méridienne et des activités périscolaires.
Pour autant le risque n’est pas nul de voir la responsabilité pénale personnelle d’un maire mise en cause au motif qu’il aurait contribué à la propagation du covid-19 dans l’enceinte scolaire, en ne prenant pas les mesures qui auraient permis de l’éviter.
Depuis de nombreuses années, l’APVF souligne que la loi Fauchon du 10 juillet 2000 doit être précisée, car la pratique a démontré qu’elle permettait des condamnations excessivement sévères, au motif qu’une « faute caractérisée » – que rien ne définit a priori – aurait été commise par le maire. Les mesures qui sont reprochées aux maires de ne pas avoir prises sont trop souvent redéfinies a posteriori, en perdant de vue les limites des connaissances et les contraintes rencontrées au moment des faits. Cette notion de « faute caractérisée » doit donc être supprimée, car elle est incompatible avec la nécessaire prévisibilité de la loi pénale, qui doit être précise et claire.
Le contexte nouveau de l’épidémie de covid-19 ne rend que plus impérieuse et plus urgente la nécessité de procéder à cette réforme.
L’APVF a donc proposé aux sénateurs un amendement en ce sens au projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, et appelé les parlementaires à adopter tout amendement prévoyant que la responsabilité pénale de l’auteur indirect du délit de blessures involontaires ou d’homicides involontaires ne puisse être engagée, dans le cas où ces blessures ou ce décès résulterait de la transmission du covid-19, qu’en cas de violation volontaire d’une norme préexistante (précisément, pour reprendre une formule connue du droit pénal, en cas de violation manifestement délibéré d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement).
Le Sénat a adopté le projet de loi en prévoyant une telle disposition et l’APVF émet le vœu que ce progrès soit conservé, sous une forme ou une autre, par l’Assemblée nationale, en vue d’une adoption rapide.
Les procès en « amnistie » ou en « immunité politique » menés contre ce texte, sur les réseaux sociaux, sont infondés, dès lors que :
- non seulement le texte adopté par le Sénat préserve le droit des victimes de poursuivre devant les juridictions pénales les auteurs de négligence délibérée et ne fait pas obstacle à ce qu’elles obtiennent l’engagement devant les juridictions administratives de la responsabilité de l’administration pour toute faute qui serait commise dans l’organisation ou le fonctionnement des services publics à l’occasion desquels un usager contracterait la maladie,
- mais de surcroît ce texte s’applique non pas aux seuls élus, mais à toute personne susceptible d’être inquiétée au motif qu’elle n’aurait pas pris toutes les mesures pour éviter la propagation du virus, qu’il s’agisse d’un maire, d’un directeur d’école, d’un chef de service d’urgences ou, par exemple, d’un chauffeur de taxi.
Rappelons enfin que le texte adopté par le Sénat permettra la condamnation du Premier ministre, du ministre de la santé et des préfets, détenteurs de pouvoirs exceptionnels en matière de réglementation en période d’état d’urgence sanitaire, s’ils commettaient, eux, la moindre négligence dans l’usage de ces pouvoirs.
L’action de l’APVF a toujours été guidée par le souci de souligner les problèmes auxquels les maires étaient confrontés, au service de l’intérêt général, en étant force de propositions. Elle a démontré une fois encore que ce rôle était utile.