
Les prochaines élections municipales auront lieu dans un an. L’occasion pour La lettre des Petites Villes de poser 3 questions à Camille Pouponneau, ancienne maire de Pibrac, qui fait paraître un ouvrage Maires, le grand gâchis, sur les raisons pour lesquelles continuer à s’engager au niveau local.
1/ Ancienne maire de Pibrac, ancienne membre du Bureau de l’APVF, vous avez démissionné de vos fonctions en octobre 2024. Vous avez fait paraître le 20 mars dernier, aux éditions Robert Laffont, Maires, le grand gâchis. Selon vous, qui est responsable de ce gâchis ?
Je pense qu’il y a une responsabilité collective. On s’habitue à la démocratie, nous la prenons pour acquise jusqu’au jour où nous nous rendons compte qu’elle est vraiment menacée. On regarde avec effroi ce qui se passe outre Atlantique, mais la trumpisation de la vie politique arrive aussi en France: la fin de la nuance, la vindicte populaire sur les réseaux sociaux, la polarisation des opinions, la remise en cause des institutions, des médias et des politiques, les théories du complot. Tout cela je l’ai mesuré, comme mes collègues, chaque semaine sur le terrain.
Dans le livre, transparaissent trois responsabilités. Celle des élus nationaux et de la technocratie parisienne qui pondent des lois complexes, coûteuses et contradictoires. Celle des citoyens qui se déresponsabilisent et qui font porter toutes les fautes aux élus et aux voisins. Et enfin celle des maires, qui, comme moi, ont parfois trop assumé des responsabilités qui n’étaient pas les leurs, ont accepté de devenir des simples gestionnaires experts, ou bien ont segmenté leur discours et leurs actions abandonnant un destin commun.
2/ Vous avez rédigé une note pour la Fondation Jean Jaurès en janvier 2025 intitulée Pour faire vivre la fraternité, relire et relier. Vous croyez donc toujours à la capacité d’action des maires ? Est-ce que la fraternité peut être le moteur de cette action ?
Je crois plus que jamais que nous avons besoin des maires ! Sinon je n’aurais pas pris la peine d’écrire ce livre : c’est un acte politique car je pense que la politique peut changer le monde. Je m’y suis épuisée, car justement : j’y crois !
La pluralité humaine nécessite des combattants, et les maires sont de ceux-là. Aujourd’hui nous n’arrivons plus à vivre ensemble. Tout démontre que les algorithmes des réseaux sociaux nourrissent la pensée unique et rendent de plus en plus difficile la tolérance à la différence. Il n’y a qu’un retour dans la vraie vie, dans des lieux de rencontre physiques dans nos communes, et la reprise du dialogue entre les habitants, qui permettra de nourrir notre capacité à se comprendre et à vivre ensemble. C’est cela la fraternité, cette valeur républicaine avec une dimension affective forte et qui fait notre sentiment d’appartenance à la même espèce : l’humanité. Cette dimension affective n’est pas un gros mot, c’est un atout. Elle doit se transmettre et les maires en sont les meilleurs passeurs.
3/ Les prochaines élections municipales ont lieu dans un an. Quel message souhaiteriez-vous transmettre aux aspirants et aspirantes maires ?
Je voudrais leur dire d’abord de se demander pourquoi ils s’engagent. Et qu’ils se le notent sur un post-it à accrocher sur le miroir de leur salle de bain pour y penser chaque matin. Ne jamais perdre de vue le sens de leur action et accepter de lâcher-prise sur tout ce qui n’y répond pas. Je voudrais aussi les alerter : qui veut aller loin ménage sa monture : donc dès le début du mandat, et sans négociation possible, il faut qu’ils sacralisent des temps pour eux et leurs proches, loin de leur commune. Je voudrais également les prévenir : soyez modestes dans vos ambitions, fixez vous les 2 ou 3 objectifs que vous serez fiers d’avoir réalisés durant le mandat et concentrez vous là-dessus.
Enfin et surtout : soyez vrais.
©Photo Camille Pouponneau Copyright Frédéric Maligne