Réformes de la fiscalité locale : un coût considérable pour les finances publiques

16 janvier 2025

C’est la conclusion établie par la Cour des comptes dans un rapport publié le 15 janvier relatif à l’impact des réformes récentes des impôts locaux sur les contribuables locaux, ménages et entreprises, les collectivités territoriales, ainsi que l’État et les finances publiques prises dans leur ensemble.

Tout d’abord, ces réformes ont été mises en œuvre en fonction de finalités extérieures à la fiscalité locale. Le législateur a avancé plusieurs raisons pour les justifier : « donner du pouvoir d’achat aux ménages » et « améliorer la compétitivité des entreprises ». En réalité, pour l’APVF, il s’agissait surtout de recentraliser les finances locales afin de mieux les contrôler. Or, la Cour des comptes révèle que l’objectif d’économie n’a pas été atteint : le coût a été considérable pour les finances publiques.

Une réduction de grande ampleur des impôts locaux entre 2018 et 2023

La taxe d’habitation sur les résidences principales, qui était un impôt jugé « injuste » fondé sur des « bases obsolètes », selon la Cour des comptes et les détracteurs de l’impôt, a été supprimée par étapes entre 2018 et 2023.

En outre, les impôts locaux « pesant sur les coûts de production des entreprises », selon les termes de la Cour des comptes, ont été également réduits. D’une part, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises a été diminuée en 2021 et 2023 à hauteur des trois-quarts au total ; en 2023, son produit résiduel a été réaffecté à l’État, dans l’attente d’une suppression complète dont l’horizon s’éloigne. D’autre part, les bases d’imposition des locaux industriels assujettis à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises ont été réduites de moitié en 2021.

En 2023, les contribuables ont acquitté 100 milliards d’euros d’impôts locaux, soit 38 milliards de moins que ce qu’ils auraient versé si les réformes n’avaient pas eu lieu. Les ménages ont acquitté 54 % des impôts, contre 46 % pour les entreprises. Ces proportions sont stables par rapport à 2017 révélant pour l’APVF des effets extrêmement limités de la réforme.

Des gains limités réservés aux ménages les plus riches

En moyenne, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a accru de 1,1 % le revenu disponible des ménages. Elle a plus bénéficié aux ménages aisés qu’aux autres, ce qui a engendré une redistribution à l’envers. Ses effets sur la consommation des ménages sont incertains (à-coups de la conjoncture économique depuis 2020, moindre propension à consommer des ménages aisés).

La baisse des impôts locaux de production a accru de 2,4 % l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Elle a eu un effet conjoncturel favorable en 2021 (100 % de la hausse de l’EBE). Le recul manque pour apprécier son impact sur les investissements des entreprises dans la durée.

Un coût considérable pour les finances publiques : 38,5 milliards d’euros de pertes de recettes qui représentent 25 % du déficit public en 2023

Les pertes de recettes des collectivités ont été compensées par l’État selon des modalités qui leur sont « plutôt favorables » selon la Cour des comptes.

Pour les magistrats de la rue Cambon, les grandes gagnantes de la réforme, du moins les premières années de sa mise en œuvre encore partielle, sont les collectivités, qui ont bénéficié d’un gain financier net en raison du dynamisme en 2021 et 2022 des recettes de TVA qui leur sont attribuées.

Depuis lors, ce bénéfice se réduit, même si les collectivités pourraient bénéficier d’un gain durable : « l’évolution des prix et de la consommation en volume ont des effets immédiats sur les recettes de TVA, alors que les assiettes de la THRP et de la CVAE augmentaient avec une année de décalage ». Cela vaut pour les départements et les intercommunalités.

En 2023, les réformes ont entraîné 38,5 milliards de pertes de recettes pour l’État par rapport à 2017 (suppression de la redevance audiovisuelle comprise), soit 25 % du déficit des administrations publiques en 2023 et 50 % de leur augmentation entre 2017 et 2023.

Une déterritorialisation des impôts locaux qui a des conséquences négatives, y compris pour les communes 

Les communes et intercommunalités ont conservé des pouvoirs fiscaux étendus. La plupart les exercent en augmentant de manière continue les taux des impôts locaux, ce qui accru de 2,9 Md€ la charge des contribuables locaux entre 2017 et 2023. En revanche, la réaffectation aux communes de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties a fait perdre aux départements l’essentiel de leurs pouvoirs fiscaux : tous ou presque appliquaient déjà le taux maximal (de 4,5 %) des droits de mutation à titre onéreux. La réforme n’a pas eu d’impact significatifs sur les pouvoirs fiscaux des régions qui n’en avaient quasiment plus.

Les impôts territorialisés sont devenus minoritaires dans les recettes de fonctionnement des départements (20,1 % en 2023) et des régions (12,1 %). Pour la Cour, le constat est clair : « Les entreprises ne contribuent plus au financement des compétences de développement économique des régions, ni de celles des régions et départements en matière de transports (rail, routes), dont elles bénéficient pourtant. »

Les impôts territorialisés restent, malgré tout, majoritaires dans les recettes de fonctionnement des communes et des intercommunalités (54,1 %). En raison de moindres retombées fiscales, les communes sont toutefois moins incitées à accueillir de nouvelles activités et à construire de nouveaux logements. Les locataires de leur logement ne contribuent plus au financement des services publics dont ils bénéficient. La taxe foncière maintient néanmoins ce lien contributif dans la grande majorité des communes, qui comptent plus de propriétaires que de locataires.

Assurer une équité accrue entre contribuables et entre collectivités

La Cour estime nécessaire d’adapter la fiscalité foncière aux réalités économiques, en intégrant à court terme aux bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties les résultats de la révision sexennale des valeurs des locaux professionnels arrêtées en 2017 et en engageant la révision, sans cesse reportée, des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation datant de 1970.

Sauf exception, les recettes de TVA sont réparties entre collectivités de manière proportionnelle à leurs pertes de recettes fiscales. Cette répartition ignore les écarts de richesse entre collectivités et désavantage celles dont la population croît. Comme elle l’a fait récemment dans un rapport consacré à la DGF, la Cour recommande de répartir les recettes de TVA en fonction de la richesse relative par habitant des collectivités, appréciée selon un petit nombre de critères de ressources et de charges. Ces évolutions devront être simulées et étalées dans le temps.

Télécharger le rapport complet de la Cour des comptes en cliquant ici.