La Cour des comptes s’attaque aux dépenses de personnel et au FCTVA dans les collectivités

3 octobre 2024

La Cour des comptes a publié cette semaine le second fascicule de son rapport annuel sur les finances publiques locales. Face au besoin de financement des collectivités territoriales en 2024, la Cour préconise une contraction de leurs recettes, plutôt que l’encadrement contraignant des dépenses locales. Elle propose malgré tout des pistes d’économie, et notamment la maîtrise des effectifs dans les collectivités. 

Un besoin de financement des collectivités en 2024

Les collectivités territoriales, en 2024 contrairement aux précédentes années, ne dégagent plus d’autofinancement en raison d’une augmentation rapide de leurs dépenses et d’une relative stagnation de leurs recettes, voire une diminution sensible et durable pour les départements.

Entre janvier et août 2024, les dépenses d’achats de biens et de service, sensibles à l’inflation, augmentent de + 11,1 % et les dépenses de personnel de + 6,1 % (la hausse de 3,5 % du point d’indice produit ses pleins effets cette année, de l’ordre de 3,3 milliards d’euros). En outre, les dépenses d’investissement augmentent également fortement, de + 13,1 %. Alors que l’investissement local est, en principe, considéré comme un signe de vitalité et de croissance, la Cour des comptes semble faire de ce point son nouveau cheval de bataille.

Parallèlement, les recettes ne progressent pas au même rythme que les dépenses. Alors que la taxe foncière sur les propriétés bâties bénéficiait en 2023 de la dynamique des bases (revalorisées en fonction de l’inflation n-1), celle-ci est plus contenue cette année ; de même, le produit de la TVA est plus faible que l’an passé (avec un reversement possible de la dynamique de la TVA, à hauteur de 0,4 milliards d’euros, auquel l’APVF est opposé), les dotations d’investissement de l’Etat aux collectivités ont été stabilisées au global. Comme l’indique la Cour des comptes, la dynamique du soutien à l’investissement est portée par le FCTVA. L’APVF rappelle qu’elle est attachée à la nature de ce fonds, qui constitue la juste compensation des avances de TVA assumées par les collectivités pour leurs investissements. Nous serons vigilants à ce qu’aucune mesure de transformation ou de réduction ne soit prise dans le prochain PLF, comme semble le suggérer l’IGF dans un récent rapport. Quant aux DMTO, sans surprise, elles continuent de chuter en 2024, impactant lourdement la situation financière des départements et, par ricochet, les petites communes.

Au total, la moindre progression des recettes ne permet pas de couvrir la hausse des dépenses et, si un besoin de financement était prévu en 2024 aussi bien par la loi de programmation (- 0,3 % du PIB) que par le PSTAB (- 0,4 %), son niveau devrait être supérieur aux prévisions selon la Cour et la perspective d’un embellissement (+ 0,4 %) en 2027 s’éloignerait.

Il convient quand même de rappeler que sur les dix dernières années les collectivités ont terminé trois fois en déficit et sept fois en excédent, contribuant de ce fait à réduire le déficit public de la France.

Une participation des collectivités combinant maîtrise de l’évolution des dépenses et ralentissement de l’évolution des recettes

Traditionnellement, la participation des collectivités au redressement s’opère par un dispositif de limitation des recettes de l’Etat aux collectivités. De façon tout à fait inédite, le PLF 2018 avait organisé une action directe et contraignante sur les dépenses avec les contrats de Cahors. Depuis, la question se pose toujours de la méthode la plus efficace pour intégrer les collectivités au processus et respecter la trajectoire.

Au-delà de la méthode, l’APVF soulève le sujet ambigu de la cause de cette participation. En droit privé, la cause est le pourquoi du contrat. En 2023, la Cour des comptes indiquait explicitement que « la situation financière favorable des collectivités doit avoir pour contrepartie une participation accrue de leur part à l’effort global de redressement des finances publiques. ». En 2024, la logique est renversée : « la participation des collectivités au redressement des finances publiques est justifiée par la place des dépenses locales dans l’ensemble des dépenses publiques ». Finalement, qu’elles soient en bonne ou mauvaise santé, les collectivités seront toujours une variable d’ajustement du budget de l’Etat.

Pour l’APVF, la meilleure réponse à ce problème serait d’accorder enfin une autonomie financière et fiscale véritable aux collectivités, qui aurait le mérite de réduire a minima l’interdépendance entre les acteurs de la dépense publique, sans négliger les besoins de péréquation. Paradoxalement, les mesures prises par les gouvernements successifs depuis des décennies tendent, au contraire, à la recentralisation financière, rendant les collectivités toujours plus dépendantes de l’Etat.

La Cour des comptes propose un schéma peu original : une trajectoire indicative d’évolution des dépenses, avec des pistes d’économie à réaliser aux mains de l’Etat, à laquelle s’ajouterait un dispositif de ralentissement de l’évolution des recettes.

D’apparence plus souple que la baisse unilatérale des dotations ou que les contrats de Cahors, cet ensemble de recommandations n’en sera pas moins délétère pour les territoires s’il est suivi d’effet.

La Cour propose comme leviers d’action :

Mesures structurelles

  1. Associer plus étroitement les représentants des collectivités locales aux décisions relatives à la fonction publique territoriale (ministres chargés des finances, de la fonction publique et des collectivités territoriales).
  2. Faire contribuer les employeurs territoriaux au retour à l’équilibre financier de la CNRACL à hauteur de la part du déficit du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui leur incombe (ministres chargés de la sécurité sociale, des finances et des collectivités territoriales).
  3. Rétablir l’obligation d’établir un schéma de mutualisation interne à chaque EPCI et tenir compte du degré d’intégration interne aux EPCI dans l’attribution de subventions de fonctionnement et d’investissement (ministre chargé des collectivités territoriales).
  4. À enveloppe financière constante des concours de l’état à l’investissement local, réduire le FCTVA, regrouper les dotations à l’investissement et les orienter prioritairement vers la transition écologique (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).
  5. Répartir l’ensemble des transferts financiers de l’État aux collectivités aujourd’hui fondés sur la consolidation de données historiques en fonction de données contemporaines de population et de richesse des collectivités (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).

Propositions d’économies chiffrées

  1. Maîtriser l’évolution des effectifs des collectivités, en les ramenant progressivement à leur niveau du début des années 2010 (soit une économie en dépenses des collectivités de 4,1 Md€ par an à partir de 2030), en alignant sauf exception justifiée la durée du travail sur sa durée légale (soit une économie de 1,3 Md€ par an) et en agissant sur les causes de l’absentéisme (économie non chiffrée) (collectivités).
  2. Généraliser l’adoption de bonnes pratiques en matière d’achats publics, notamment la massification des achats, et mutualiser les circuits d’achats entre les collectivités (soit une économie en dépenses des collectivités de 1 Md€ par an à partir de 2025 et de 3 Md€ par an à partir de 2027) (collectivités).
  3. Instaurer une obligation d’amortissement de l’ensemble des biens des communes et des intercommunalités et limiter aux investissements « verts » la neutralisation budgétaire des dotations aux amortissements (soit des économies respectives en dépenses autres que d’amortissement des collectivités de 0,3 Md€ et de 0,4 Md€ par an à partir de 2025) (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).
  4. Fixer à nouveau par la loi de finances annuelle le taux de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales pour les locaux d’habitation (soit une réduction de recettes des collectivités pouvant aller jusqu’à 0,5 Md€ en 2025, 1,1 Md€ en 2026 et 1,6 Md€ en 2027) (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).
  5. Fixer un objectif pluriannuel d’évolution des transferts financiers de l’État aux collectivités locales couvrant la totalité de leur montant et assurer son respect en majorant le montant des réductions des « variables d’ajustement » dans les lois de finances annuelles (soit une réduction des recettes des collectivités de 0,2 Md€ à 0,3 Md€ par an à partir de 2025 au titre du périmètre étroit de l’objectif en vigueur) (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).
  6. Écrêter l’augmentation en volume des recettes de TVA et de taxe spéciale sur les conventions d’assurances affectées aux collectivités et la réaffecter au budget de l’État (soit une réduction des recettes des collectivités pouvant aller jusqu’à 0,7 Md€ en 2025, 1,7 Md€ en 2026 et 2,7 Md€ en 2027 pour la TVA ; soit une réduction de 0,3 Md€ en 2025, 0,5 Md€ en 2026 et 0,8 Md€ en 2027 pour la taxe spéciale sur les conventions d’assurances) (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).
  7. Affecter une partie de l’augmentation des recettes de TVA à des fonds de résilience des régions, des départements et des intercommunalités, dotés d’une gouvernance partenariale entre l’État et ces catégories d’entités locales (soit une réduction des recettes immédiatement utilisables par les collectivités pouvant aller jusqu’à 0,7 Md€ en 2025, 1,7 Md€ en 2026 et 2,7 Md€ en 2027) (ministres chargés des finances et des collectivités territoriales).

Lire le rapport complet de la Cour des comptes