A quelques jours d’intervalle avec la rencontre des Antilles organisée par l’APVF, hasard du calendrier, la Cour des Comptes a rendu public un rapport en demi-teinte sur l’octroi de mer, dispositif pourtant plébiscité par les élus ultramarins.
Haro sur l’octroi de mer ? La question est un serpent de mer des finances locales ultramarines. Dans un rapport du 6 mars 2024, la Cour des Comptes tente de séparer le bon grain de l’ivraie de ce dispositif qui apparaît comme un totem pour de nombreux élus d’Outre-mer.
Octroi de mer : une vieille taxe plébiscitée
Tout d’abord, l’octroi de mer, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’une taxe, une des plus anciennes encore en vigueur puisqu’elle remonte au XVIIe siècle, frappant essentiellement les marchandises entrant dans les territoires d’outremer. L’objectif, à l’origine, est de financer les collectivités locales. Encore aujourd’hui, environ un tiers des ressources des communes ultramarines vient de l’octroi de mer. On a assigné un peu plus tardivement un objectif économique à la taxe : censée protéger le développement d’une économie domestique, ce que certains économistes appellent les “industries dans l’enfance”, l’octroi de mer devait leur permettre au gré du temps de se renforcer suffisamment pour être en mesure d’exporter.
Un impact positif sur les finances locales
Sur le chapitre des recettes, les magistrats de la rue Cambon considèrent que l’octroi de mer remplit son office. Il demeure une ressource importante pour les collectivités d’outremer. En langage administratif, il apparaît que la taxe produit un “impact positif sur le volume et le dynamisme des recettes des communes”.
A quoi sont affectées ces recettes ? A des dépenses de fonctionnement essentiellement. Les effets sur l’investissement demeurent faibles.
Toutefois, il est à noter que le dispositif est marqué par une importante complexité, à laquelle vient s’ajouter un manque de prévisibilité et de stabilité. L’anticipation des recettes des collectivités n’en est rendu que plus ardu.
En outre, il n’existe que peu d’effets quantifiables sur le développement économique local. La Cour des Comptes affirme ainsi que les gains de compétitivité pour les entreprises ne sont pas mesurables.
Un impact sur le coût de la vie sans effet sur le niveau d’importations
Néanmoins, l’angle d’attaque le plus courant contre l’octroi de mer est son effet supposé sur le coût de la vie, dans des territoires où le prix des denrées est généralement plus élevé.
Pour la Cour des comptes, l’octroi de mer n’est pas le seul facteur explicatif de la chèreté de la vie dans les outremers. L’effet sur le coût de la vie est variable, difficilement quantifiable et dilué. Il n’en demeure pas moins négatif selon les magistrats financiers.
L’octroi de mer joue par ailleurs un rôle protecteur face aux importations. Néanmoins, il n’apparaît que les secteurs protégés réussissent mieux à l’exportation, ce qui est l’un des enjeux de la mise en place du dispositif.
Une proposition de réforme “ambitieuse”
Pour la Cour des Comptes, le statu quo n’est pas souhaitable. Tout en évoquant la fin du dispositif, qui pourrait être remplacé par de la TVA, les magistrats financiers plaident pour une réforme “ambitieuse” du dispositif. Quatre axes de réflexions sont mis en avant. Le premier consiste à “renforcer le pilotage et le contrôle du dispositif”. L’enjeu, à terme, est de déterminer le surcoût d’octroi de mer pertinent. Le second enjeu consiste à “optimiser l’emploi des ressources”. En effet, il conviendrait d’affecter une plus grande partie des recettes à l’investissement. Outre un appel à la simplification, les magistrats administratifs insistent pour que la réforme prenne en compte les effets de la taxe sur le niveau des prix.
Dans un contexte de ressources restreintes pour les collectivités et d’annonces de nouvelles coupes budgétaires par l’Etat, la question de l’octroi de mer a de forte chances d’être discuté dans la prochaine loi de Finances pour 2025.
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