3 questions à Christophe Rouillon, Maire de Coulaines, membre du Bureau de l’APVF

6 juillet 2023

Face aux incivilités et agressions qu’ont subies les Petites Villes et leurs élus, Christophe Rouillon, Maire de Coulaines, commune particulièrement touchée par les violences urbaines, répond à 3 questions de l’APVF.

 

1),La commune de Coulaines a été fortement touchée par les violences urbaines, à la suite du décès du jeune Nahel à Nanterre. L’hôtel de ville a notamment été incendié. Comment avez-vous réagi face à cette situation ?

Il s’agit d’un choc terrible. L’inimaginable s’est produit pour ma commune de Coulaines (Sarthe) mais aussi plus largement pour notre pays : incendier un Hôtel de ville est une atteinte à l’un de nos symboles de notre République.

Face à de tels actes, nous avons dont réagi immédiatement. J’ai ainsi été toute la nuit en liaison avec les différents acteurs : pompiers, policiers ou encore agents techniques. Ils ont tous été d’une mobilisation sans faille et je tiens à les en remercier.

Notre priorité a été de pouvoir rouvrir dès le lundi les services publics, qu’il s’agisse du CCAS, du service d’accueil aux familles, des services culturels ou encore du service de gestion des titres administratifs. Cela a nécessité de nombreux réaménagements. Nous avons par exemple été obligés de déplacer l’accueil dans une salle de la mairie qui n’a pas été incendiée grâce à l’intervention rapide des pompiers. La préfecture nous a également fourni du matériel pour la prise d’empreintes afin de pouvoir relancer notre service de gestion des titres administratifs. L’électricité a, quant à elle, été relancée durant le weekend alors même que nos services étaient déjà très occupés par l’incendie accidentel d’un immeuble qui a eu lieu le dimanche dans la commune.

La réouverture des services publics a été un vrai défi mais nous souhaitions envoyer un message aux incendiaires, leur montrer que leur acte a été vain et qu’ils n’ont pas gagné. Nos agents ont su être à la hauteur pour assurer un principe fondateur du droit administratif : celui de la continuité du service public.

Enfin, sur le plan judiciaire, nous avons extrait les images de vidéosurveillance afin de les transmettre aux services de polices judiciaires et au Service de Recherche de la Police Judiciaire (SRPJ) d’Angers.

 

2) Vous étiez parmi les 220 maires conviés mardi 4 juillet à l’Elysée par le Président de la République afin d’évoquer les violences urbaines qui ont largement dépassé le périmètre de la métropole parisienne. Comment s’est passée cette réunion ? Etes-vous satisfait des échanges ?

Le Président de la République a pris le soin de nous écouter pendant quatre heures. Même si l’essentiel des échanges se sont centrés sur les grandes villes et les métropoles, j’ai toutefois pu interpeller le Président de la République sur la spécificité de la crise de 2023. En effet, les violences de cette année ont bien davantage touchées les petites villes, comparé à 2005.

Le Président de la République a tout d’abord réaffirmé son soutien et assuré les Maires de la pleine protection de l’Etat.

Je suis aussi satisfait des annonces d’urgence présentées par le Président de la République, en particulier les fonds d’urgence pour la vidéosurveillance et les réparations de bâtiments ainsi que les procédures accélérées d’indemnisation.

J’attends néanmoins des précisions concernant les grands chantiers qui ont été ouverts ces derniers mois : l’école, le logement et la décentralisation… A mon sens, la première des priorités est de mettre le paquet en matière d’éducation. J’ai ainsi demandé un engagement financier supplémentaire de l’Etat pour lutter plus efficacement contre le décrochage scolaire. J’attends de l’Etat que les dispositifs labellisés REP+ soient accessibles à toutes les écoles de la ville et non pas seulement à celles rattachées à un collège REP+ : c’est à une approche globale de lutte contre le décrochage scolaire qu’il faut s’atteler.

Le Président de la République nous a promis un bilan à froid fin août : nous attendons avec impatience les premiers résultats.

 

3) A l’heure où certains maires considèrent que ces émeutes sont le symptôme d’une politique de la ville défaillante et regrettent le plan d’envergure présenté en 2018 par Jean-Louis Borloo, quelles seraient selon vous les perspectives favorables pour repenser la politique de la ville ?

Grâce à la politique de la ville, je n’ai eu qu’une trentaine d’émeutiers. Ils auraient pu être 300 sans la politique de la ville. Ce que je veux dire par là c’est que ce n’est pas la politique de la ville qui est en cause dans ces violences. Il faut au contraire aller plus loin.

Dans ma commune, où plus de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté – Coulaines est le 28e ville la plus pauvre de France ! – je ne veux pas que les agissements d’une minorité nuisent à tous. Coulaines n’est pas Neuilly ! Nous n’avons notamment pas les mêmes recettes. Si nous ne bénéficions pas des financements de la politique de la ville, il faut que l’Etat nous garantisse les moyens d’accompagner nos administrés.

Je pense aux étudiants, aux petits retraités, aux nouveaux arrivants, qui sans la politique de la ville verraient le champ de leurs opportunités bien plus restreint.

La tâche est considérable : il faut avant toute chose lutter contre le décrochage scolaire et rénover les logements. La rénovation du parc social est également un impératif économique : les entreprises ont besoin de loger leurs employés.

Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas couper les financements de la politique de la ville à cause d’une trentaine de délinquants. Nous ne devons pas stigmatiser les habitants des quartiers populaires, à commencer par les jeunes. Malgré des conditions difficiles, la majorité d’entre eux est restée calme, et a dénoncé les violences. Les jeunes des quartiers sont les premières victimes des violences.