Au sein de son rapport public annuel la Cour des Comptes consacre un chapitre à l’accès aux soins de premiers recours au prisme de l’intervention des collectivités territoriales dans ce domaine. Retour sur les principaux enseignements.
Une légitimité des collectivités à intervenir
La Cour indique rapportées aux dépenses de l’Etat et de l’Assurance Maladie les aides financières des collectivités concernant l’accès aux soins de premier recours demeurent encore relativement modestes : elle estime leur montant à 150 millions d’euros de dépenses nettes contre 1 milliard d’euros pour le Fonds d’Intervention régional (FIR) des ARS et 30 milliards d’euros pour le montant des soins de premier recours pris en charge par l’Assurance Maladie.
Il est indiqué que “la légitimité de ces interventions a été reconnue par le législateur en 2005, de nombreuses collectivités territoriales de différents niveaux ayant engagé depuis des actions multiples”
En effet, cette possibilité d’intervention a été reconnue aux collectivités territoriales de tous niveaux par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux principalement en direction de “zones sous-dotées”. L’article L. 1511-8 du CGCT qui en découle autorise dans des zones sous-denses des formes d’intervention diversifiées : aides individuelles aux professionnels qui s’y installent, aides aux maintiens d’activité, subvention d’investissement, mise à disposition de locaux construits et aménagés par les communes, prise en charge d’une partie des frais de fonctionnement …
L’aménagement de locaux est une dimension clé de ces interventions des collectivités. On distingue à cet égard les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP – plus de 2000 réalisées au cours des 10 dernières années) avec des professionnels libéraux qui exercent en commun et les centres de santé où les professionnels de santé sont salariés (la Cour dénombre 700 centres médicaux et polyvalents dont 210 sont gérés par des collectivités territoriales)
Faire face aux déserts médicaux
Face à la progression des déserts médicaux, les magistrats de la Cour des Comptes rappelle que “les inégalités d’accès concernent en premier lieu les médecins généralistes” s’agissant de soins de premier recours.
La Cour des Comptes revient sur la mise en place d’un conventionnement sélectif pour réguler l’installation des médecins sur le territoire, une position également défendue par l’APVF et dont la Cour avait préconisé le déploiement dans un rapport public thématique de 2017 sur “L’avenir de l’Assurance Maladie”.
Ces interventions des collectivités cohabitent avec celles de l’Etat et de l’Assurance Maladie. La Cour des comptes relève à cet égard que “plusieurs stratégies territoriales coexistent” :
- une première avec “une sélectivité géographique assumée” des interventions où “les moyens sont concentrés sur des zones carencées”
- une deuxième où “l’ensemble du territoire doit relever d’actions visant tel ou tel aspect de l’accès aux soins et que les mesures les plus efficaces dépendent d’évolutions dans les pratiques professionnelles, liées aux contextes professionnels et non territoriaux”
Le constat est ainsi fait que “chacune de ces logiques a sa part de pertinence” mais qu’il “conviendrait que chacun des objectifs complémentaires soit mieux distingué et que des moyens suffisants soient alloués aux territoires les plus en difficulté”.
Plusieurs recommandations
Sont ainsi formulées plusieurs recommandations afin de mieux hiérarchiser et coordonner les interventions des collectivités territoriales “fréquentes et diversifiées” qui “sont souvent utiles” mais “qui présentent des insuffisances marquées qui justifieraient une évolution de leur cadre juridique”.
Dès lors, il est précisé que “très nombreux sont les projets pour lesquels les collectivités territoriales apparaissent comme de simples intermédiaires immobiliers”. Une limite forte réside dans le fait que “les collectivités se font concurrence pour conserver leur personnel médical”.
Il conviendrait ainsi de “mieux reconnaître que les collectivités territoriales contribuent à une politique globale de santé publique et non seulement à de l’aménagement du territoire”.
La Cour adresse les recommandations suivantes :
- Recentrer l’action de soutien des collectivités locales à l’installation et au maintien des professionnels de santé sur les seuls investissements mobiliers et immobiliers
- Programmer et coordonner à l’échelon départemental la création et l’adaptation des locaux destinés à l’exercice coordonné et partagé des soins
- Constituer au sein des conseils territoriaux de santé une commission chargée d’identifier les difficultés concrètes d’accès aux soins
- Conditionner la possibilité d’intervention financière des communes et EPCI par la signature d’un contrat local de santé établi à un niveau supra-communal
- Clarifier pour les collectivités gérant un centre de santé ou déléguant cette gestion à un opérateur la possibilité juridique de proposer aux médecins une rémunération partiellement assise sur l’activité