Cette semaine, l’APVF pose 3 questions à Yves XEMARD, Directeur des offres Courrier et Presse de La Poste. Il revient pour nous sur l’entrée en vigueur de la nouvelle gamme courrier.
1/Depuis le 1er janvier dernier, La Poste propose une nouvelle gamme courrier à ses clients. Pourquoi avez-vous pris cette décision, annoncée dès le mois de juillet 2022, de faire évoluer vos offres ?
Cette décision est une réponse à la baisse structurelle des volumes de courrier, qui entraînait un déficit de plus de 1 milliard d’euros du service universel postal (SUP). Autrement dit, la mission de La Poste qui consiste à proposer la distribution des lettres, six jours sur sept, à un tarif unique quelle que soit la distance. Laisser ce déficit s’installer et même croitre c’était prendre un risque potentiellement mortel pour le SUP.
Cette activité historique de notre entreprise doit en effet faire face, depuis de nombreuses années, au « choc technologique » de la digitalisation des échanges.
En 2008, on envoyait 18 milliards de lettres par an dans l’Hexagone, contre 6 milliards en 2022 et 3 milliards prévus à l’horizon 2030. Celles au tarif rouge représentaient 4,2 milliards de plis en 2008, contre 275 millions cette année… Leur nombre a été divisé par quinze ! Les Lettres Vertes, elles, atteignent 1,2 milliard de plis. Il fallait donc une nouvelle gamme, pour être en adéquation avec les usages de nos clients, car le digital est désormais, presque systématiquement, le choix effectué par nos clients pour répondre au besoin d’envoi urgent.
L’État a bien sûr pris la mesure de ce déficit en apportant 520 M€ par an pour en combler une partie mais il a aussi demandé, très logiquement, à La Poste de trouver des solutions pour le réduire.
2/Cette transformation de l’offre courrier a-t-elle été concertée avec les clients et les usagers ? Quels sont vos engagements vis-à-vis d’eux ?
Durant plusieurs mois, nous sommes allés à la rencontre des usagers et nous avons interrogé 22 000 clients, particuliers, professionnels et entreprises. Il ressort de cette enquête que, concernant le courrier courant, 2 à 3 jours de délai pour le transport des correspondances est une offre bien adaptée à leurs yeux.
En revanche, ils demandent plus de services pour les envois importants : ils veulent être sûrs que ces derniers arriveront, et dans les délais impartis.
C’est la raison pour laquelle nous proposons désormais la Lettre Services +, ou Lettre Turquoise, à 2,95€, qui arrive en deux jours et intègre d’office un suivi. On peut, en outre, l’envoyer depuis sa boîte aux lettres en prévenant le facteur la veille avant 20 heures. Ce dernier assure la traçabilité de l’acheminement grâce à un QR code, qui permet d’être prévenu dès que le destinataire la reçoit. Nous souhaitons atteindre plus de 95 % de fiabilité sur ce produit, contre 85 % auparavant avec la Lettre Rouge Prioritaire.
La lettre verte demeure quant à elle plébiscitée par nos clients pour les envois courants en J+3, tandis que l’e-lettre rouge répond à quelques usages très spécifiques, intégrant une notion d’urgence, mais ne constitue pas le pilier de notre gamme.
Bien entendu, je tiens à réaffirmer que la nouvelle gamme courrier ne remet absolument pas en cause l’organisation du passage quotidien du facteur, 6 jours sur 7.
Celui-ci continuera donc de distribuer quotidiennement, sur l’ensemble de sa tournée, au domicile de toute personne attendant un courrier, un colis, un journal, un magazine ou un nouveau service comme un repas par exemple.
Nous sommes très attachés à la poursuite du dialogue avec nos clients et avec nos usagers, pour faciliter leur appropriation de cette nouvelle gamme. A ce titre, nous rencontrons régulièrement, par exemple, les associations de consommateurs.
3/Cette nouvelle gamme courrier permet-elle à vos activités industrielles et logistiques d’être respectueuses de l’environnement ?
Très tôt, dès 2010, La Poste a fait le choix, de prendre le virage de la décarbonation pour pouvoir exercer ses activités de manière la plus responsable possible en intégrant deux dimensions phares : l’électrification de sa flotte et la structuration d’une démarche de compensation carbone précurseur.
D’ores et déjà, sur la période 2013-2021, notre branche Services- Courrier-Colis a réduit ses émissions de 17% en absolu et notre empreinte carbone par colis est aujourd’hui probablement la plus faible du secteur, à seulement 357g de CO2 par Colissimo livré en France.
Le Groupe s’est engagé à atteindre le Zéro Emission Nette de CO2 dès 2040 en poursuivant une trajectoire ambitieuse de réduction de ses émissions de CO2 et en intégrant le minimum de compensation carbone.
Nous nous préparons ainsi à des trajectoires de réduction de plus en plus exigeantes qui impliqueront des innovations dont la plupart sont demandées par nos parties prenantes.
C’est le cas de la nouvelle gamme courrier.
En effet, l’organisation industrielle et logistique autour de la Lettre Prioritaire J+1 était gourmande en carbone.
Celle-ci nécessitait trois avions quotidiens pour relier les centres de Montpellier, Toulouse et Marseille. Depuis le 24 mars dernier, seul celui de la Corse, et bien sûr ceux à destination des DOM, sont conservés.
Cela représente 6 à 8 tonnes de kérosène par jour et par avion, ainsi qu’un réseau de 300 liaisons routières opérées par des sous-traitants, que nous arrêtons progressivement.
Le fait d’avoir des offres Lettre Rouge et Lettre Verte nous obligeait à faire deux tris successifs dans nos plateformes industrielles et à mobiliser deux réseaux de transport différents. Ce n’est désormais plus le cas. 60 000 tonnes de carbone vont être ainsi évitées, soit 25 % des émissions de la branche Services-Courrier-Colis.
De plus, nous continuons à investiguer toutes les solutions qui vont nous permettre de diminuer toujours plus nos émissions carbonées, l’objectif à terme est clairement posé : zéro émissions nettes.