La Cour et les chambres régionales et territoriales des comptes ont cette année choisi d’examiner dans leur rapport la performance de l’organisation territoriale en France, 40 ans après les premières lois et « l’acte 1 » de la Décentralisation. Elles ont voulu dresser un état des lieux de la situation actuelle et confronter les ambitions initiales de la décentralisation à ses résultats sur le terrain. Retour sur ce bilan pour le moins nuancé.
Dans leur rapport, les juridictions financières n’ont pas seulement cherché à établir un diagnostic global de la situation actuelle, elles se sont efforcées de proposer une analyse précise illustrée d’exemples, des avantages et inconvénients de ce modèle de décentralisation, dans plusieurs domaines partagés entre l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
« Appui au développement économique dans les territoires ; gestion des déchets ménagers ; préservation de la ressource en eau dans le contexte du réchauffement climatique ; construction, rénovation et entretien des collèges ; soutien aux festivals de spectacle vivant ; protection de l’enfance ; lutte contre la pauvreté et action en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées ; accès de la population aux soins de premier recours » sont autant de thématiques retenues et présentes dans ce rapport, ayant pour point commun de toucher directement le quotidien des Français.
Les collectivités territoriales ont connu un élargissement de compétences qui s’est traduit par une augmentation importante des dépenses locales. La Cour des Comptes relève que la dépense publique locale par habitant a doublé entre 1985 et 2020, en euros constants. Or, il n’est toujours pas possible de distinguer la part de cette augmentation résultant d’une amélioration des services rendus ou de facteurs externes comme le vieillissement de la population, de celle qui pourrait résulter d’une attention insuffisante à la maitrise des coûts de ces services. Ce constat vaut en particulier pour le bloc communal, où les dépenses des communes n’ont cessé de croître en dépit de la montée en puissance des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le rapport aborde également la nécessaire coordination, qui doit se montrer plus efficace, entre acteurs concernés (régions, départements, communes, groupements de communes, établissements publics nationaux et locaux, organismes de sécurité sociale et services de l’Etat).
Dans certains domaines, la Cour des Comptes constate que la rationalisation et la coordination des interventions de trop nombreux acteurs n’ont pas été menées à leur terme.
Par exemple, dans ceux de la gestion des déchets ménagers et la gestion quantitative de l’eau, missions dévolues aux groupements de communes, le défi consiste moins à simplifier la répartition des compétences entre les collectivités territoriales ou à recentrer l’action de l’État qu’à faire évoluer les modalités d’exercice de ces compétences face aux enjeux de développement durable.
Des changements sont à prévoir pour prendre le pas sur les évolutions qui semblent aujourd’hui nécessaires, imposées tant par des normes nationales et européennes de plus en plus exigeantes concernant la gestion des déchets ménagers par exemple, que par le changement de mentalité des acteurs et concitoyens qui, pour la gestion de l’eau, les conduit à ne plus se préoccuper uniquement de la gestion locale de l’eau potable mais également de l’équilibre du cycle naturel de l’eau.
À l’aune de ces quelques exemples, il apparaît clairement qu’une nouvelle étape de la décentralisation est souhaitable, selon la Cour des Comptes, pour revoir la répartition des compétences entre l’État et les différents échelons de collectivités territoriales et doter chaque niveau de gestion locale des moyens lui permettant de les assumer dans des conditions d’efficience et d’efficacité mesurables. Bien qu’une refonte globale du système parait peu réaliste à court terme, il s’agit, selon eux, de renouer avec les trois objectifs fondateurs de la décentralisation : « renforcer la démocratie locale, rapprocher la décision politique et administrative du citoyen, améliorer l’efficacité et l’efficience de la gestion publique ».
Vous pouvez retrouver le rapport dans son intégralité sur le site de la Cour des Comptes.