Benjamin Morel, qui sera présent à nos Assises à Dinan les 15 et 16 septembre prochains, revient cette semaine pour l’APVF sur les enjeux territoriaux à la lumière du nouveau contexte politique suite aux scrutins présidentiel et législatif.
1) Dans le nouveau contexte parlementaire, pensez-vous que de grandes réformes concernant les collectivités territoriales pourront être mises en œuvre par le gouvernement ?
Il semble difficile d’envisager une réforme de fond en matière territoriale. Les raisons en sont multiples. D’abord, il y a plutôt une demande de stabilité institutionnelle de la part des élus. Ensuite, même si les associations d’élus appellent de concert à plus de décentralisation, leurs intérêts peuvent diverger. Enfin, dans une assemblée clivée, sans majorité absolue, ce sujet est tout sauf simple. La vision des collectivités territoriales est un point de clivage profond entre les groupes et au sein des groupes. Il faut ajouter qu’une loi sur ce sujet suscite toujours beaucoup d’amendements à portée très locale, pour ne pas dire localiste. Ils sont difficiles à juguler en temps normal, mais sans majorité absolue ils risquent de devenir la norme. Il est donc probable que la Direction générale des collectivités territoriales et le Ministère ne soient pas très allants à lancer une loi qui terminerait en patchwork de microprovilèges locaux arrachés contre un vote sur article par chaque parlementaire.
2) Fort justement, les résultats des élections présidentielles et législatives dans certaines zones du territoire n’illustrent-elles pas un nouveau besoin de proximité et de présence accrue des services publics ? Comment analysez-vous le vote de colère et d’inquiétude qui s’est exprimé à cette occasion ?
La fracture territoriale se superpose à la fracture sociale. C’est évidemment très dangereux politiquement, mais aussi, au risque de choquer, c’est aussi une bonne nouvelle. C’est une bonne nouvelle, car cela signifie que c’est dans une certaine mesure soluble. En 2014, un rapport du FMI montrait ce que l’on feignait d’ignorer, c’est-à-dire que la décentralisation avait des conséquences en termes d’inégalité. Elle entraîne en effet une concurrence entre les territoires qui mène les plus riches à gagner en attractivité et à investir d’autant plus dans leurs atouts, creusant le fossé qui les sépare des plus pauvres. Toutefois, le rapport montre qu’il y a deux remèdes, permettant de rendre compatibles décentralisation et égalité : la péréquation et l’aménagement du territoire. La première permet aux collectivités les moins riches de trouver des marges de manœuvre. La seconde permet à l’État, de manière volontariste, d’assurer un développement économique cohérent de l’ensemble du territoire. Il faut donc renforcer ces deux piliers qui ont été, surtout le second, très négligés ces dernières décennies.
3) Vous serez présent aux Assises des petites villes à Dinan, quel message comptez-vous adresser aux Maires des petites villes ?
D’abord, et avant tout, qu’ils sont le premier maillon de la démocratie. On oublie que la République s’est bâtie sur deux structures ; l’État et la Commune. Or en affaiblissant la commune, et rongeant son autonomie financière ; en la faisant entrer dans des intercommunalités géantes où souvent les élus sont soumis à la technocratie locale, on a affaibli ce rôle. On a oublié que le vrai objectif de la décentralisation n’a jamais été l’optimisation ou la rationalisation des politiques publiques, mais leur démocratisation. Or la commune, surtout la petite commune, est le seul échelon qui permet une démocratie de la proximité dans un champ d’interconnaissance entre citoyens où l’impôt voté a des effets directement perçus sur le service public rendu par la collectivité. C’est l’échelon essentiel dans lequel se reconnaît le citoyen. Lutter pour les petites villes aujourd’hui, c’est aussi lutter pour la République et la Démocratie.