Emmanuel Macron a annoncé un effort de 10 milliards d’euros pour les collectivités territoriales sur le prochain quinquennat s’il est réélu. Cette mesure d’économie a été confirmée par le rapporteur général du budget (LREM) à l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin, lors de son audition devant les élus de France urbaine et Intercommunalités de France, mardi 22 mars. Qu’en est-il ?
Bilan du quinquennat sur les finances locales :
Après quatre années de baisse unilatérale des dotations entre 2014 et 2017, pour un effort d’économie de 11 milliards d’euros, Emmanuel Macron a stabilisé la DGF des départements, des communes et de leurs groupements à hauteur d’environ 27 milliards d’euros pendant cinq ans. Cette stabilisation, qui a été saluée par l’ensemble des associations d’élus dont l’APVF, n’a pourtant pas empêché les baisses individuelles, la péréquation verticale étant financée au sein de l’enveloppe globale.
Ce quinquennat se caractérise également par une réforme de la fiscalité locale d’ampleur dont les effets sont considérables sur la répartition du panier de ressources des collectivités territoriales : la suppression du deuxième impôt direct local, la taxe d’habitation (26 milliards d’euros), et son remplacement par une fraction de TVA pour les départements et les EPCI et le transfert de l’intégralité de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux communes. Si cette mesure est motivée par le renforcement nécessaire du pouvoir d’achat des ménages, l’égal accès pour tous et partout à un service public de qualité risque d’en pâtir.
En outre, le plan de relance élaboré pour résorber les conséquences de la crise sanitaire, et en tirer les enseignements sur le fonctionnement de notre modèle économique, contient une mesure de baisse de 10 milliards d’euros de la fiscalité économique locale par an.
Annonces et points en suspens :
Gardons en mémoire que si le Gouvernement semblait engager une réforme de l’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) sur les stations radioélectriques, une telle mesure n’a pas été reprise en loi de finances pour 2022. L’objectif du Gouvernement : mettre fin à l’évolution de la dynamique de cette imposition, dynamique qui risque de s’accélérer avec le déploiement de la 5G. L’IFER radio rapporte plus de 200 millions d’euros en 2020, dont 80 % du produit est fléché sur les communes. Trois scénarios avaient été présentés pour réformer l’impôt et alléger la fiscalité sur les entreprises de réseaux concernées. Aucune annonce d’Emmanuel Macron n’a été nouvellement formulée dans ce sens.
En revanche, il s’est prononcé très récemment pour la suppression intégrale de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), évaluée à 9 milliards par la DGFiP fin 2021. Dans une lettre ouverte adressée le 26 mars aux élus locaux, le candidat à la présidentielle promet une « compensation à l’euro près » et intégrale de cet impôt économique. Mais, l’on sait bien que ces garanties ne sont jamais assurées dans le temps, et surtout qu’elles portent atteinte à la liberté de taux des collectivités territoriales et délite le lien qui existe entre les élus locaux et les acteurs économiques sur le territoire.
Enfin, alors qu’il a annoncé un effort d’économie de 10 milliards d’euros pour les collectivités territoriales le 17 mars, rien n’est explicité sur ce point dans sa lettre ouverte aux élus locaux. Un indice toutefois. Il propose « des engagements réciproques […] établis, sur des bases concertées pour contribuer à l’indispensable maîtrise de la dépense publique ». Etant donné qu’Emmanuel Macron promet une « sanctuarisation » des dotations, l’effort d’économie de 10 milliards d’euros annoncé ne devrait pas se matérialiser par une baisse des recettes versées par l’Etat aux collectivités (comme ce fût le cas entre 2014 et 2017), mais bien par une nouvelle trajectoire de maîtrise de la dépense locale. Des questions se poseront en cas de réélection : si une telle mesure d’économie de 10 milliards d’euros est confirmée, s’intègrera-t-elle à une trajectoire pluriannuelle ? Selon quel périmètre et quel degré contraignant ?
Rappel des propositions de l’APVF :
Pour l’APVF, la contractualisation entre l’Etat et les collectivités territoriales ne peut plus se résumer simplement à des engagements de réduction de la dépense publique locale et à des ratios comptables à l’instar des contrats de Cahors. C’est ce qu’a d’ailleurs rappelé, le 30 mars, Romain Colas, Maire de Boussy-Saint-Antoine, Vice-président de l’APVF lors d’un entretien avec la Cour des comptes sur le financement des collectivités territoriales.
C’est bien d’un renouveau de confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales dont notre pays a besoin. Cela relève d’une exigence démocratique, mais aussi d’une exigence d’efficacité pour faire face aux grands défis des transitions auxquels les territoires sont confrontés et que l’Etat, seul, n’est plus en mesure de relever.
L’APVF plaide ainsi pour l’élaboration d’un nouveau Pacte, dont les grandes lignes ont été esquissées lors de ses 23èmes Assises, les 9 et 10 septembre 2021 à Cenon.
1) Mettre en place une instance efficace de dialogue et de prise de décision concertée :
L’APVF propose une modernisation de la Conférence nationale des territoires afin qu’elle devienne l’instance où seront coconstruites les modalités du nouveau Pacte financier, les conditions de sa déclinaison au niveau territorial et le suivi de son exécution tout au long de la législature. Pour renforcer l’efficacité de cette instance, l’APVF suggère de garantir à chaque membre un droit d’initiative partagé et d’imposer au Gouvernement la saisine systématique de la Conférence nationale des territoires sur tout projet de loi ou décret concernant le fonctionnement des collectivités.
2) Assurer une visibilité dans le temps et garantir l’évolution des concours financiers de l’Etat aux collectivités en tenant compte de l’inflation :
Les petites villes souhaitent pouvoir bénéficier du fruit des efforts qu’elles ont fournis pour renouer avec la croissance (en 2021, la croissance de la France est estimée à plus de 6 % du PIB). Ainsi, le montant des concours financiers pourrait être majoré d’une fraction de la hausse du PIB de l’année en cours. En outre, cela permettrait de mieux corréler le montant des recettes à la réalité des charges.
3) Assurer la garantie des ressources de chaque collectivité : redonner du sens et de la prévisibilité à la DGF :
L’APVF demande un engagement ferme de la part du prochain Président de la République de stabiliser l’enveloppe globale de la DGF sur toute la durée de la prochaine législature (2022/2027). Aussi, les élus locaux ont besoin de prévisibilité dans un contexte d’instabilité financière tenant tant à la crise sanitaire qu’aux réformes fiscales dont les effets ne sont pas encore maîtrisés. L’APVF souhaite donc que soit menée la réforme de la DGF pour que chaque élu local puisse comprendre les principes présidant à sa répartition et en anticiper le montant.
4) Renforcer le pouvoir des Maires dans l’affectation des dotations d’investissement :
L’APVF propose une déconcentration des dotations de soutien à l’investissement local, placées sous la responsabilité du préfet de département, ainsi qu’une globalisation des enveloppes afin que les élus locaux puissent user plus librement de ces crédits, dans le respect des grandes priorités définies de manière concertée.