Une réunion a été organisée par les ministres Olivier Dussopt et Joel Giraud avec l’ensemble des associations d’élus pour établir un bilan sur les finances locales et sur les relations financières entre l’Etat et les collectivités territoriales ces cinq dernières années. L’APVF représentée par son Premier vice-président, Antoine Homé, Maire de Wittenheim, a pu exposer, à cette occasion, ses positions.
Face à une présentation très optimiste de la situation financière des collectivités territoriales, et particulièrement des petites villes, l’APVF a porté une analyse plus mesurée. En effet, en 2021, la situation des petites villes est encore très marquée par la crise sanitaire et de manière plus inédite, par la hausse de l’inflation et du coût de l’énergie. Entre la forte hausse des dépenses de fonctionnement (+ 2 % pour les dépenses exceptionnelles liées à la Covid ; entre + 3,5 et 10 % pour les dépenses de personnel ; et + 6 % pour les charges à caractère général liées au coût de l’énergie et, en général, des matières premières) et le moindre dynamisme des recettes de fonctionnement (les baisses de recettes tarifaires se poursuivent, particulièrement celles des piscines municipales et des lieux culturels en raison des jauges), de nombreuses petites villes subissent une chute de leur épargne brute en 2021 (près de 50 % des petites villes ayant répondu à notre enquête). A noter que les communes ne bénéficient pas du fort dynamisme de la TVA et que deux tiers des petites villes voient encore leur DGF baisser en 2021.
Résultat, le choc de l’investissement, pourtant très attendu, n’a pas eu lieu dans les petites villes. Alors qu’en 2020, 65 % des petites villes misaient sur un rebond en 2021, elles sont 45 % à subir une baisse de leurs dépenses d’investissement.
En outre, l’APVF constate encore, malgré le plan de relance et le soutien en ingénierie de l’ANCT, une vraie difficulté des petites villes à capter les crédits de soutien à l’investissement local : deux tiers des petites villes enquêtées n’ont pas perçu de DSIL de droit commun en 2021 ; plus de deux tiers des petites villes n’ont pas non plus perçu de DSIL exceptionnelle ; elles sont, en revanche, plus nombreuses à percevoir de la DETR. Mais qu’en sera-t-il demain avec le ciblage de la dotation sur les communes les plus rurales ? Il y a là un vrai sujet d’inquiétude pour l’APVF : les petites villes en manque d’ingénierie doivent pouvoir capter, elles aussi, les crédits d’investissement. Nous espérons que la mesure de la loi 3DS prévoyant la possibilité de déconcentrer une partie de la DSIL au niveau départemental, que l’APVF appelait de ses vœux depuis longtemps, sera suivie d’effet.
Les perspectives 2022 ne sont pas tellement plus réjouissantes. L’augmentation du taux d’inflation a un fort impact sur les budgets locaux, provoquant une hausse « très inquiétante » du prix des matières premières et des dépenses énergétiques (subies par 95 % des petites villes), des dépenses de services publics sans que les tarifs soient pour autant réajustés en conséquence (pour ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des administrés), mais aussi des rémunérations des agents avec une pression plus forte sur l’évolution du régime indemnitaire.
Comme l’a indiqué Antoine Homé, les petites villes ont su être résiliente face à la crise sanitaire, elles n’ont pas ménagé leurs efforts. Mais, l’autofinancement risque de baisser fortement, laissant présager des années à venir difficiles : de moins en moins de marges pour réduire les charges de fonctionnement (à noter un vrai manque de personnel dans de nombreuses petites villes…) et contraction toujours plus marquée des investissements. L’APVF a présenté quelques-unes de ses propositions :
- Créer une « dotation énergie » pour enrayer la crise du coût de l’énergie, et particulièrement pour les collectivités qui ne bénéficieront pas des effets de la baisse de la fiscalité énergétique ;
- Inciter les préfets de région à déconcentrer la gestion de la DSIL au niveau départemental et mettre en place un suivi de la répartition des crédits de soutien à l’investissement local ;
- Sanctuariser les dotations de l’Etat aux collectivités territoriales en prenant en compte l’évolution de l’inflation : les recettes locales doivent être mieux corrélées à la réalité des charges ;
- Elaborer un nouveau pacte de confiance entre l’Etat et les collectivités, basé sur la visibilité et une contractualisation réellement équilibrée. Opposition ferme de l’APVF aux contrats de Cahors.
Plusieurs sénateurs et députés ont également été amené à réagir à la présentation des Ministres. Claude Raynal, sénateur de la Haute-Garonne, Président de la commission des finances au Sénat, a indiqué que les grandes masses financières pouvaient masquer effectivement des difficultés particulières. Pour les petites communes, elles se ressentent du point de vue de leurs investissements, avec une contraction plus forte que dans les grandes villes. Pour les métropoles, c’est la chute de leur trésorerie qui a été la plus marquante. Jean-René Cazeneuve, député du Gers, membre de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a évoqué la très grande résilience des finances locales dans ce contexte de crise sanitaire. La capacité d’autofinancement nette de l’ensemble des collectivités territoriales a augmenté de 35 % en 2021 selon ses analyses. Quant aux perspectives 2022, il faut garder de l’optimiste et faire attention à ne pas envoyer de mauvais signaux aux élus locaux qui doivent investir pour la relance. Pour Bernard Delcros, sénateur du Cantal, est revenu sur les inquiétudes légitimes des élus concernant la réforme de la fiscalité locale et surtout, la compensation des produits d’impôts par des dotations d’Etat dont on sait qu’elle n’est pas garantie dans la durée. Pour le sénateur, les écueils du passé ont été évités avec le dispositif mis en place pour compenser la suppression de la taxe d’habitation.
Les Ministres ont conclu ensuite en précisant que le chantier de la réforme des indicateurs financiers et du calcul de l’effort fiscal restait ouvert et que les travaux se poursuivaient au Comité des finances locales. En revanche, il n’apparaît pas judicieux à Olivier Dussopt, Ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, de mener la grande réforme de la DGF dont on sait qu’elle ne contenterait pas tout le monde. Il a indiqué aussi que le sujet de la contractualisation reviendra nécessairement sur la table. Joel Giraud, Secrétaire d’État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ruralité, a rappelé que l’Etat mettait tout en œuvre pour apporter le soutien en ingénierie suffisant pour permettre aux collectivités de répondre aux appels à projet et appels à manifestation d’intérêt tant décriés par les petites communes.
Télécharger la présentation ministérielle en cliquant ici.
Télécharger la note de Jean-René Cazeneuve sur le bilan des finances locales 2017-2022 en cliquant ici.