La résilience, en cette période post-covid, est un thème porteur. Ce n’est donc pas un hasard si les congressistes étaient invités à débattre sur le thème « Petites villes bienveillantes et résilientes ». Les participants à cette séquence étaient Benoît Elleboode, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, Jérôme Guedj, spécialiste des questions liées au vieillissement de la population et le Général de gendarmerie André Pétillot. Nathalie Nieson, Maire de Bourg de Péage et Ladislas Polski, Maire de la Trinité, leur donnaient la réplique.
Benoît Elleboode a tout d’abord reconnu que les ARS, avant la crise de la covid-19, ne travaillaient pas assez avec les élus locaux et que l’un des enseignements principaux de cette pandémie a été le fait que ce couple « Etat déconcentré-Maire » fonctionnait bien en termes de santé publique. En effet, grâce à cette collaboration en bonne intelligence, 80% de la population dite « fragile » a pu être vaccinée grâce au maillage territorial effectué par les élus locaux.
Globalement, le directeur de l’ARS estime qu’il faut repenser les politiques de santé dans les territoires et développer ces synergies en dehors des périodes de crise également. Il a également évoqué les périmètres et sujets cruciaux liés à l’offre de soins dans les territoires, notamment les projets de santé sur les premiers recours ou les contrats locaux de santé signés entre les ARS et les petites villes.
Sans transition, le général Pétillot a dressé un état des lieux des politiques de sécurité dans les petites villes, qui sont le cœur d’action des actions de sécurité menées par la gendarmerie. Le général a décrit une période de profondes mutations de la délinquance aujourd’hui, particulièrement dans le contexte de crise sanitaire, avec une forte diminution des atteintes aux biens (vols, cambriolages etc. -28% en Nouvelle-Aquitaine en deux ans) et un report sur la délinquance dite astucieuse, comprenant la cyberdélinquance et les escroqueries notamment. Il est également noté une forte hausse des violences intrafamiliales. La gendarmerie s’adapte donc à ces changements, en appliquant le triptyque : plus de numérique, plus d’effectifs et plus de prévention.
La parole fut ensuite donnée à Jérôme Guedj, qui a présenté une analyse complète de la transition démographique de la société française. Selon lui, si la société est collectivement consciente de la transition écologique, qui est sujet crucial, ou de la transition digitale, ça n’est pas forcément le cas de la transition démographique et du sujet du « bien-vieillir ». Cela est d’autant plus paradoxal que cette révolution de la longévité est prévisible depuis des décennies. On note en effet une explosion des tranches d’âge 75-85 ans en une décennie, qui va encore s’accentuer d’ici 2030. D’ici 10 ans, c’est 14% de la population française qui aura plus de 65 ans contre 9% aujourd’hui.
Les décisions de protéger les plus fragiles et les plus âgés ont été prises durant la crise sanitaire, et Jérôme Guedj estime qu’il est important qu’une telle politique soit pérenne. Cependant, il est nécessaire de traiter le vieillissement comme un sujet de prévention, ainsi que comme un phénomène territorial. M.Guedj emploie ainsi la formule « l’arbre de la dépendance ne doit pas cacher la forêt de l’autonomie » et souligne que les personnes âgées ont plus que jamais besoin d’avoir accès à la culture, aux services publics et à la vie associative dans les petites villes.
Il est ainsi impérieux de repenser l’aménagement urbain, en d’autres termes, « construire des villes pour les vieux », qui seront finalement bienveillantes et plus agréables pour tous in fine.
En réaction à ce premier tour de table, Nathalie Nieson rappelle que les Maires sont les premiers maillons de la démocratie pour répondre aux questions de leurs concitoyens et que la crise a montré une mutation de l’action de ces derniers en matière de santé ou de transition numérique. Cela a pu notamment s’effectuer via les espaces France service pour aider les personnes âgées à se former numériquement ou à s’inscrire sur Doctolib par exemple. Ladislas Polski a complété ces propos en expliquant que la crise sanitaire a pu donner un coup d’accélérateur à des politiques de santé à l’échelle locale, notamment grâce aux aides des ARS et de l’UE pour aider les collectivités à rembourser les dépenses liées à la crise sanitaire.
En outre, Paul Hermelin, grand témoin des tables rondes de ces Assises, PdG de Capgemini, a ajouté que si les personnes âgées ont été touchées par la crise, ce sont également les jeunes qui en ont beaucoup souffert, à travers la perte de vie sociale, l’isolement subi et le sentiment de démission générale qui a pu se produire. Globalement, cette crise a été l’occasion de se poser des questions sur de nombreux sujets et d’agir ensuite pour tenter d’y répondre collectivement.
Jérôme Guedj a également réagi en soulignant l’isolement des personnes âgées pendant la crise et la nécessité de promouvoir « l’aller vers » ces dernières. On remarque également une « silvérisation » des centres-villes, du fait de l’agilité des Maires pendant la crise sanitaire. Ces derniers vont accompagner cette révolution pour adapter les villes au vieillissement de la population et cela contribuera à l’aménagement du territoire.
Plusieurs réactions du public ont ensuite eu lieu, notamment celle de l’association des commerçants de France, basée en Lozère, qui souligne le manque de pharmaciens et de médecins libéraux dans les territoires ruraux et interroge sur les départs en retraite des médecins et la désertification médicale. Plusieurs maires ruraux alertent sur le grave problème de la territorialisation et répartition des médecins généralistes et spécialistes dans les territoires, qui ne se résout pas malgré les maisons de santé ou les aides de l’ARS et de la région par exemple.
Benoit Elleboode a répondu à ces questions, en soulignant en premier lieu que l’accès aux médecins généralistes est la première demande des Français concernant leur lieu de vie. Il a ensuite expliqué que le problème de la désertification médicale était pluriel et était dû aux difficultés pour les conjoints des médecins pour trouver un emploi de cadre dans une petite ville. Plus généralement, la question du numérus clausus a également été évoquée de même que les efforts de l’Etat nécessaires pour aider certaines communes, la régulation des médecins ou le conventionnement pour ne pas rendre possible l’installation de médecins dans les zones trop denses.
Enfin, à l’issue de débats riches et animés, la solution de traiter les médecins comme des fonctionnaires, via les CPTS notamment et de les affecter dans les zones sous dotées, a également été envisagée par certains Maires.