Le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales et celui des députés Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie parus hier, confirment la moindre dégradation des finances des collectivités territoriales en raison, en partie, des dispositifs de soutien mis en place dans le cadre des différentes lois de finances rectificatives.
Une dégradation des finances publiques locales moindre qu’anticipé
La crise sanitaire a fortement affecté les finances publiques en 2020, en particulier les comptes de l’État et des organismes de sécurité sociale, conduisant à une hausse de la dette publique (+ 270,6 milliards d’euros) et du besoin de financement (+ 136,8 milliards d’euros). Si le choc est moins prononcé pour les collectivités locales, avec une dette de + 5,3 Md€ et un besoin de financement de + 1,2 milliards d’euros, la Cour des comptes souligne malgré tout que la crise a eu pour effet d’interrompre plusieurs années de contexte favorable qui avaient vu leur épargne progresser de près de 10 milliards d’euros en cinq ans.
Les pertes de recettes (- 0,8 % en 2020) ont, selon la Cour des comptes, été atténuées par la stabilité des produits fiscaux (les taxes foncière et d’habitation ont progressé de + 1,9% et la fiscalité économique de + 3 %) et par les mesures de soutien de l’État. Les dispositifs de soutien aux collectivités les plus fragilisées ont été mobilisés à hauteur de 711 millions d’euros en 2020, dont 405 millions de crédits budgétaires et 307 millions d’avances remboursables. Certaines de ces mesures ont vocation à être mises en œuvre ou prolongées en 2021.
Les charges de fonctionnement ont quant à elles progressé mais très légèrement, de + 1,3 % en 2020 grâce aux économies réalisées et à des conditions d’emprunt favorables. En effet, les économies liées aux achats de biens et services (qui diminuent de 3,2 %) ont été supérieures aux surcoûts engendrés par les acquisitions d’équipements et matériels de protection. Et, les collectivités bénéficieraient également depuis 3 ans, de conditions d’emprunt très favorables, permettant de poursuivre la baisse de leurs charges financières.
L’épargne brute globale des collectivités locales a diminué de 10,3 % en 2020, pour atteindre 35,0 milliards d’euros, soit un niveau proche de 2018 (35,9 milliards), avec une contraction des dépenses d’investissement de 7,1 % et d’équipement de – 12,9 %.
Le constat de situations hétérogènes
Pour la Cour des comptes, les grandes collectivités auraient été plus affectées par la crise que les autres. Mais, plus que les « grandes » collectivités, ce sont bien les communes ou groupements intercommunaux qui assument des charges de centralité qui ont été le plus concernés par la baisse sensible de recettes essentielles (recettes d’exploitation et versement mobilité notamment). Et, il en va de nombreuses petites villes.
Des mesures de soutien de l’Etat en réponse aux effets économiques de la crise sanitaire sur les collectivités locales :
Le rapport des députés Cazeneuve et Jerretie évalue les dispositifs de soutien aux collectivités.
192,8 millions d’euros ont été consacrés au filet de sécurité des recettes fiscales et des produits domaniaux au lieu de 750 millions d’euros prévu initialement. Le dispositif a bénéficié à 4 168 communes et 51 EPCI à fiscalité propre. Les communes classées stations de tourisme qui ont perçu 48 % du montant total, ont été les grandes bénéficiaires du dispositif.
574,8 millions d’euros, soit 60 % de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) dite « exceptionnelle » (950 millions d’euros) ont été engagés à la fin de l’année 2020, au profit de 3 358 projets. 278,2 millions d’euros (soit 46 % du total) ont été alloués à des projets en faveur de la transition écologique (majoritairement rénovation énergétique des bâtiments publics). 115,5 millions d’euros (20 %) ont été alloués à des projets en lien avec la résilience sanitaire (maisons de santé, travaux sur les réseaux d’assainissement, mise aux normes des équipements sanitaires). 107,5 millions d’euros (19 %) ont bénéficié à des projets visant à soutenir la préservation du patrimoine public historique et culturel. Selon la DGCL, la totalité des crédits de la DSIL exceptionnelle sera engagée d’ici l’été 2021, donc « avec six mois d’avance sur la date butoir du 31 décembre 2021 ».
212 millions d’euros ont été alloués pour le remboursement de la moitié du coût des masques que les collectivités ont commandés pour leurs populations entre le 13 avril et le 1er juin 2020. Pour Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie, ce coût est particulièrement élevé et la mesure nécessitera encore des ouvertures de crédits en 2021.
Les députés concluent à la complémentarité des dispositifs de soutien. Ceux-ci « ont permis aux collectivités d’être rassurées sur le maintien de leurs recettes et de leur capacité à continuer à investir », considèrent-ils.
102,3 millions d’euros dont 52,6 millions pour l’État et 49,7 millions pour les collectivités au titre du dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises (CFE) en soutien aux entreprises sinistrées. 188 communes et 461 intercommunalités à fiscalité propre (soit près de deux intercommunalités sur cinq) ont mis en œuvre en 2020 ce dégrèvement. Au total, la mesure a bénéficié à 97 705 établissements ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 150 millions d’euros hors taxes. Les restaurants représentent 45 % d’entre eux, l’hébergement (hôtels ou résidences de tourisme) 14 % et les débits de boissons 10 %. Mais, l’impact de cette mesure aurait été limité le plus souvent : la plupart des entreprises concernées, qui s’acquittent de la cotisation minimum, n’auraient économisé que 165 euros.
L’exonération facultative de la taxe de séjour pour 2020 n’a pas rencontré le succès du dégrèvement de CFE. 22 communes et 27 EPCI à fiscalité propre ont pris une délibération mettant en œuvre cette mesure sur leur territoire. Or, environ 1 800 communes et EPCI auraient pu décider d’une telle exonération. Selon les rapporteurs, les collectivités concernées ont parfois préféré conserver cette recette déjà fortement impactée par le premier confinement au printemps 2020. Le produit de la taxe de séjour a en effet reculé de près de 28 % en 2020, s’établissant à 363,8 millions d’euros, contre 503 millions en 2019.
Rapport de la Cour des comptes sur les finances locales