Jean-Pierre Farandou, Président-Directeur général de la SNCF, répond aux questions de l’APVF.
- Quels sont les enjeux prioritaires des petites villes en matière de mobilité ?
La mobilité est fondamentalement utile et nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l’économie, répondre à la liberté de se déplacer des Français (y compris dans un contexte contraint, que ce soit la mobilité du quotidien ou celle des grands départs en vacances), désenclaver certains territoires et accélérer la transition écologique. C’est vrai dans les grandes métropoles, mais c’est également le cas dans les petites villes ou en milieu rural.
Les petites villes jouent un rôle essentiel du maillage territorial. Elles ne sont pas toutes desservies par le train, mais il est de notre responsabilité, aux élus comme aux opérateurs, d’offrir à chaque personne souhaitant se déplacer, la possibilité de rejoindre par un mode de transport collectif ou à la demande une gare lui donnant accès au réseau ferré.
Car, pour réussir le défi de la transition écologique, il faut inciter les voyageurs à davantage prendre les transports collectifs. En tant que président de la SNCF cela fait partie de mes priorités. Pour cela, il faut les rendre attractifs, en proposant une offre correspondant aux besoins, combinant de manière fluide différents modes de transport et à un coût acceptable pour le voyageur et pour la collectivité publique. Le travail a été entamé depuis déjà quelques années, en collaboration avec les Régions pour TER, avec les communes et les intercommunalités pour les transports urbains ou interurbains, dont certains sont exploités par notre filiale Keolis. Il doit se poursuivre dans l’intérêt de tous. J’ai lancé fin 2020 une réflexion sur l’offre longue distance, qui doit elle aussi se réinventer alors que le modèle économique du TGV est remis en cause depuis la crise sanitaire. Une nouvelle grille tarifaire, qui sera présentée à l’été, doit nous permettre d’attirer vers le train des personnes qui jusque-là utilisaient leur véhicule. Les gares doivent être encore plus le lieu de l’intermodalité, le voyageur sortant de son train doit y trouver des transports collectifs ou à la demande, mais aussi la possibilité de terminer son trajet à l’aide d’un mode doux.
- Quelle place occupe plus particulièrement les petites lignes ferroviaires dans la décarbonation et le désenclavement de nos territoires ?
J’ai la volonté d’engager la SNCF aux côtés des collectivités afin de proposer des solutions adaptées à chaque région pour préserver les lignes de desserte fine et désenclaver les territoires. Ces lignes peuvent constituer une opportunité pour expérimenter des solutions innovantes en faveur de la transition écologique, le train doit en être un puissant levier.
Le réseau des petites lignes représente un linéaire de près de 12000 km, dont 2900 km sont dédiés au fret. Le principal enjeu de ces lignes de desserte fine du territoire est leur entretien. Dans ce domaine, l’ambiguïté a longtemps régné, mais pour la première fois, une clarification a été opérée en matière de répartition des rôles et des financements. Je veux rappeler que la SNCF agit à proportion des moyens qu’on lui donne, et que les financements viennent principalement de l’État et des régions. Au début de l’année, le ministre des transports a pris une initiative – que le plan de relance a sécurisée –visant à définir, région par région, un plan de modernisation des lignes de voyageurs et de marchandises. Ainsi, SNCF Réseau accompagnera l’Etat et les régions dans ces opérations de rénovation des lignes de desserte fine du territoire à hauteur de 600 millions d’euros.
Comme je l’évoquais dans ma première réponse, la SNCF est consciente des enjeux de transition écologique. L’un de nos objectifs principaux est la sortie du diesel. Aujourd’hui, près d’une ligne sur deux, en France, n’est pas électrifiée. Cela ne représente heureusement que 20% du trafic, car ce sont principalement les petites lignes qui sont touchées. Il ne serait évidemment pas raisonnable de les électrifier, pour des raisons de coûts. Cela nous oblige donc à réfléchir et développer des solutions alternatives sur les modalités d’entretien des voies et sur les matériels utilisés. SNCF Réseau a élaboré une cinquantaine de solutions pour réduire les coûts de rénovation et d’entretien de la desserte fine du territoire, et nous travaillons sur plusieurs solutions innovantes pour le matériel roulant : trains hybrides, à batterie, à hydrogène, ou trains légers qui, à terme, pourront nous permettre de conjuguer désenclavement et décarbonation des territoires.
- Comment la SNCF s’engage aux côtés des territoires pour répondre à ces défis ?
Dès mon arrivée à la présidence du Groupe, j’ai voulu affirmer le statut d’entreprise d’utilité publique du Groupe SNCF, utile au pays, utile aux territoires.
J’ai proposé à chaque président de région d’établir une feuille de route opérationnelle et stratégique régionale. L’objectif est d’ouvrir la SNCF aux territoires, de mieux identifier les attentes, de dépasser l’opposition entre petites et grandes lignes pour se concentrer sur la complémentarité de l’offre et la qualité de service. L’ouverture à la concurrence du transport régional nous pousse aussi à avoir une toute nouvelle approche du service public, une nouvelle façon de faire beaucoup plus ouverte, beaucoup plus collaborative et partenariale.
Au-delà des questions de mobilité et d’aménagement du territoire, je souhaite que la SNCF soit, aux côtés des territoires, un animateur de la vie sociale, industrielle, économique et culturelle du pays. A titre d’exemple, nous travaillons avec les collectivités qui ont des projets d’aménagements, en étudiant les possibilités de créer des logements ou de céder du foncier SNCF, ou en dynamisant des locaux vacants grâce au programme 1001 Gares. Nous allons aussi intensifier notre politique d’achats responsables, afin que chaque euro dépensé par la SNCF bénéficie à l’économie française et aux territoires.
Je sais enfin que, dans les territoires, le Groupe SNCF a pu parfois apparaître trop centralisé dans son approche, et trop complexe dans son organisation. C’est pourquoi, depuis le 1er juillet 2020, j’ai souhaité mettre en place un « Coordinateur Régional SNCF », nommé parmi les dirigeants en place dans chaque région. En complément de sa fonction, il facilite les interactions entre les différentes composantes de notre groupe (Voyageurs, Réseau, Gares & Connexions, Fret et Immobilier) et développe l’écoute de nos clients, partenaires institutionnels ou économiques, dans le respect des responsabilités de chacun et des règles de concurrence. En tirant mieux parti de son ancrage territorial et de sa diversité, la SNCF sera ainsi plus à l’écoute des enjeux locaux, plus agile et plus lisible, et mieux à même d’apporter des solutions concrètes et adaptées aux besoins des territoires que vous représentez.