3 questions à … André Laignel, maire d’Issoudun, premier vice-président délégué de l’Association des maires de France et président du Comité des finances locales

8 octobre 2020
  • Un mot pour qualifier le projet de budget :

Comme je l’ai dit aux ministres lors de la présentation du PLF 2021 devant le comité des finances locales, je considère que ce budget est tout simplement calamiteux, en particulier pour le bloc communal. Nous franchissons une nouvelle étape dans le recul des libertés locales et de l’autonomie fiscale des collectivités. Dans un même texte, sont actées la suppression totale de la taxe d’habitation, alors que c’est une mesure qui contribue à creuser les inégalités sociales en période de crise, la nationalisation de la taxe sur la consommation finale d’électricité faisant perdre un nouveau levier fiscal aux maires, et l’amputation des impôts économiques. Les régions perdent ainsi 7 milliards de CVAE, tandis que le bloc local voit disparaitre 3,4 milliards de taxes foncières payées par les entreprises.

  • Quelles inquiétudes concernant la baisse des impôts de production :

Déjà, parler d’ « impôts de production » c’est reprendre l’argumentaire du Gouvernement. Avec les élus locaux, nous parlons plutôt d’impôts économiques car il s’agit bien de la contribution versée par les entreprises pour financer en partie les services dont elles bénéficient. A la suite de la suppression brutale de la taxe professionnelle, les entreprises s’étaient félicitées du nouveau système d’imposition locale qui ne pesait justement plus sur la production. Ce torpillage de la fiscalité économique locale est présenté comme une nécessité du plan de relance alors que le projet est envisagé depuis des années !  C’est la mise en œuvre d’un plan plus large et plus ancien qui consiste à remplacer la fiscalité locale par des dotations, dont le montant pourra varier selon le bon-vouloir de l’Etat. D’ailleurs, le Gouvernement ne s’embarrasse même plus et réduit dès cette année la compensation du manque à gagner du fait de la suppression de ces impôts économiques.

  • A votre avis, les collectivités locales seront-elles suffisamment armées pour participer à la relance ?

Je ne vous étonnerai pas en disant que je considère que ce Gouvernement fait précisément l’inverse de ce qu’il faudrait pour mettre les collectivités en capacité de participer à la relance. Je rappelle que ce sont elles qui portent l’essentiel de l’investissement public et que leurs ressources alimentent tout le tissu de l’économie locale. Je m’en tiendrai à 3 raisons qui selon moi hypothèque l’efficacité du plan de relance : d’abord, la fin de l’autonomie fiscale qui réduit toute liberté des communes pour adapter leur action aux besoins et ressources locales. Ensuite, le refus de compensation par l’Etat des conséquences de la crise actuelle, qu’il s’agisse des énormes pertes tarifaires ou encore des dépenses propres liées à la gestion du Covid-19. Nous estimons ces pertes à 8 milliards d’euros, c’est considérable. Enfin, les dotations d’investissement abondées par l’Etat sont entièrement à la main des préfets, qui décideront seuls de financer ou pas tel projet local. Cette recentralisation multiforme est nocive pour notre économie et nocive pour nos institutions.

 

Crédit photo Christian Guillot