Bilan Covid-19 : le coût pour les collectivités territoriales est estimé à 7,3 milliards d’euros en 2020

17 septembre 2020

Le rapport de juillet 2020 de Jean-René Cazeneuve, député du Gers, président de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, chargé de la mission « d’évaluation de l’impact de la crise sur les finances locales » estime que le coût total net pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire devrait être, pour l’année 2020, de 7,3 milliards d’euros. Ce montant vient d’être confirmé à la mi-septembre.

  • Une baisse de recettes partiellement compensée 

La baisse dès 2020 des recettes fiscales devrait atteindre 5,2 milliards d’euros, pesant essentiellement sur le bloc communal et les départements. Les recettes tarifaires devraient quant à elles se monter à 2,3 milliards d’euros, et les surcoûts liés à la crise atteindraient 3,6 milliards d’euros.

Cette diminution serait, selon le rapport, compensées partiellement par la croissance des impôts ménages, des Impositions forfaitaires sur des entreprises de réseaux (IFER) et de la Taxe sur les surfaces commerciales (Tascom), qui atteindraient 2,4 milliards d’euros, et par des économies de fonctionnement (1,4 milliards d’euros).

Ainsi, les pertes nettes de recettes toutes collectivités confondues s’établiraient à 5 milliards d’euros, ce qui représente 2,4% de leurs recettes réelles de fonctionnement et 14,6% de leur capacité d’autofinancement brut.

En parallèle, les dépenses supplémentaires nettes (dépenses – économies) réalisées en 2020 (hors opérateurs de transports) se chiffrent à 2,2 milliards d’euros.

Alors que l’APVF et d’autres Associations d’élus demandaient la compensation des pertes de recettes tarifaires (- 34 % pour les petites villes selon nos propres estimations), le rapport note que ces pertes sont relativement protégées par une situation financière des collectivités locales saine d’avant la crise et par la dynamique de leur fiscalité directe locale.

A noter, toutefois, que des disparités importantes subsistent avec des collectivités qui seront très durement touchées, telles que les communes touristiques, les villes-centres ou les communes ultramarines. Et que, pour elles, un soutien particulier est nécessaire.

  • Tirer les leçons de la crise 

Selon le rapport, la crise actuelle a montré que la dynamique globale des recettes n’élimine pas la fragilité du mode de financement de certaines collectivités et la nécessité de maîtriser la sensibilité des ressources locales à la conjoncture économique. En cas de redémarrage rapide de l’économie, les collectivités locales pourraient connaître une nouvelle période de forte progression de leurs recettes qui doit être mise à profit pour améliorer leur résilience financière.

C’est ainsi que Jean-René Cazeneuve considère qu’il faut renforcer l’autonomie financière des collectivités locales en faveur d’une meilleure stabilité et prédictibilité de leurs ressources. Il est donc nécessaire de développer les outils d’une gestion pluriannuelle des ressources locales afin de donner de la visibilité aux élus et réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Etat.

Le rapport propose de traduire ce pacte financier dans une loi de programmation des finances locales. Celle-ci pourrait contenir : « le renforcement de la résilience des collectivités territoriales », notamment au travers du développement d’outils comptables permettant la constitution de réserves « anti-crise » ou fléchée vers l’investissement ; la mise en place de « serpents budgétaires » pour les départements et pour les régions afin d’encadrer les variations de leurs ressources ; une péréquation horizontale plus forte entre régions ; une nouvelle génération de contrats adaptés aux enjeux post-crise.

  • Les recommandations du rapport

Les mesures d’urgence 2020

1/ Créer un observatoire de suivi de l’impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales, chargé de réactualiser régulièrement le diagnostic proposé, sur la base d’un véritable partage de l’information financière et d’une méthode partagée de calcul et d’objectivation des coûts de la crise.

2/ Créer un « compte Covid-19 » dédié dans la nomenclature comptable et une annexe spécifique au compte administratif permettant de retracer et d’étaler dans le temps l’ensemble des dépenses liées à la crise sanitaire.

3/ Donner au compte Covid-19 un périmètre le plus large possible : dépenses contraintes ; dépenses d’intervention : primes, subventions d’équilibre, soutien aux ménages, aux entreprises et au tissu associatif.

4/ Prolonger les avances de trésorerie (DGF, douzième de fiscalité, acomptes de FCTVA) à l’ensemble des collectivités territoriales en difficulté et accélérer le versement des dotations d’investissement (DETR, DSIL).

5/ Différencier les calendriers de versement et de prélèvement au titre de la péréquation horizontale en 2020 afin de garantir la soutenabilité des prélèvements pour les collectivités concernées.

6/ Octroyer aux collectivités du bloc communal (communes, EPCI, syndicats) une garantie portant sur le maintien de leurs recettes réelles de fonctionnement, dans la limite du niveau moyen atteint entre 2017 et 2019.

7/ Proposer aux départements une avance de l’Etat remboursable sur trois ans, visant à compenser la baisse des DMTO dans la limite de leur niveau moyen atteint entre 2017 et 2019.

8/ Accorder aux départements une avance remboursable sur les montants dus par les départements contributeurs dans le cadre de la péréquation horizontale.

9/ Accorder aux régions et collectivités territoriales uniques d’outre-mer une garantie de leurs ressources dans la limite du niveau moyen atteint entre 2017 et 2019 afin de répondre aux spécificités du panier de recettes des collectivités ultramarines.

10/ Accorder un soutien spécifique et fort aux transports publics par la compensation des pertes de versement mobilité, par l’intégration de toutes les autorités organisatrices de mobilité et d’Ile-de-France Mobilités dans le mécanisme de compensation des pertes fiscales prévu pour le bloc communal, modifié pour traiter de manière séparée les pertes de versement mobilité et ainsi assurer l’équité entre les différentes formes juridiques et modes d’exploitation des acteurs de la mobilité. (Cela concerne en outre) l’étalement sur trois ans de la charge des subventions d’équilibre versées aux budgets annexes de transport.

11/ Préserver les versements de l’Etat aux collectivités (CAF…), des collectivités entre elles (CCAS, ASE, subventions…) et des collectivités aux associations et entreprises (levée de la clause du service fait, exécution de la commande publique, etc…) afin de circonscrire l’impact le plus en amont possible.

12/ Donner aux collectivités territoriales de la visibilité sur leurs ressources au travers d’une loi de programmation des finances publiques locales.

13/ Construire un plan de relance territorialisé qui part des initiatives locales et associe les collectivités à toutes les étapes avec trois volets : un volet national avec l’organisation d’une Conférence nationale des territoires tournée vers l’investissement ; un volet régional avec une remise à plat du partenariat Etat-régions en matière d’investissement qui tire pleinement parti de la programmation des fonds européens ; un volet local avec des contrats locaux de relance comprenant des engagements mutuels sur un objectif pluriannuel d’investissement fléchés vers des priorités partagées.

14/ Assouplir temporairement les délais et les règles en matière d’appel d’offre en adaptant les seuils et les formalités requises pour accélérer la commande publique.

15/ Assouplir le mode d’engagement des fonds DETR-DSIL-DPV pour permettre une meilleure exécution des sections d’investissement en 2020.

16/ Accroître les dotations de soutien à l’investissement des collectivités à l’appui de priorités partagées avec l’Etat : transition énergétique, mobilité, logement, numérique.

17/ Inciter les établissements bancaires à apporter de la souplesse dans la gestion de la dette des collectivités territoriales, afin de dégager des marges exceptionnelles.

18/ Renforcer la place du secteur bancaire dans les plans de relance territorialisés : assouplir la réglementation bancaire afin d’autoriser les établissements à ne pas mobiliser de fonds propres en face de leurs prêts aux collectivités ; associer le secteur bancaire aux plans de relance signés entre l’Etat et les collectivités ; encourager la mobilisation par les collectivités des financements fléchés vers les investissements durables offerts par les banques publiques et privées.

Préparer 2021

19/ Reconduire en 2021 la garantie de ressources créée pour les collectivités du bloc communal (communes et groupements) en la faisant porter uniquement sur les recettes fiscales.

20/ Créer une « clause de sauvegarde » pour les départements en maintenant le fonds de péréquation des DMTO à son niveau 2020 grâce à une compensation de l’Etat.

21/ Neutraliser le fonctionnement du fonds départemental de péréquation de la CVAE en 2021.

22/ Suivre l’évolution des dépenses sociales des départements pour préparer une éventuelle intervention de l’Etat.

23/ Octroyer en 2021 aux régions une garantie portant sur le maintien de leurs recettes fiscales sur la base de la moyenne de leurs ressources 2017-2019 (2018-2020 pour la CVAE).

24/ Suivre l’évolution de la situation financière des autorités organisatrices de mobilité pour objectiver les soutiens complémentaires nécessaires pour les services de transport les plus fragilisés (clause de revoyure).

25/ A partir de 2021, repousser à décembre le versement du deuxième acompte de CVAE par les entreprises pour tenir compte de la valeur ajoutée réelle constatée sur l’année.

Amortir les impacts d’une future crise

26/ Pour tous les niveaux de collectivités, développer les outils comptables permettant la constitution de réserves anti-crise ou fléchées vers l’investissement.

27/ Mettre en place les mesures préconisées dans le rapport Cazeneuve / Patient pour un rétablissement pérenne des finances des collectivités ultramarines, et en particulier la contractualisation.

28/ Revoir les ressources des départements et le périmètre de leurs responsabilités pour un meilleur alignement compétence/responsabilité/financement par la mise en œuvre des solutions suivantes : la mise en place d’un fonds collectif de garantie de ressources alimenté par les départements (« serpent budgétaire ») afin de lisser à la hausse et à la baisse les variations de ressources ; une hausse du plafond du taux des DMTO de 0,2% ; une réflexion sur la recentralisation du RSA.

29/ Accroître la péréquation horizontale entre les régions.

30/ Encadrer à la hausse et à la baisse les variations des ressources des régions par la création d’un « serpent budgétaire ».

31/ Avancer le versement par l’Etat aux collectivités du solde de la CVAE en année N+1.

22/ Amorcer une nouvelle génération de contrats orientés sur le plafonnement de la croissance des recettes et sur des engagements en matière d’investissement.”

Accéder à l’intégralité du rapport en cliquant ici.