Dès après le scrutin, le nouvel élu devra trancher, en cas d’incompatibilités, entre son mandat et certains autres mandats électifs, fonctions publiques ou situations familiales.
Pour mémoire, les inéligibilités empêchent l’élection : elles impliquent, si elles sont révélées après le scrutin, l’annulation de l’élection. Les incompatibilités, elles, ne remettent pas en cause l’élection, elles sont provoquées par elle : elles n’existent que parce qu’il y eu élection. L’élection est légale, mais l’incompatibilité doit cesser. Les incompatibilités impliquent simplement que le nouvel élu abandonne telle ou telle position pour demeurer dans la légalité.
On peut identifier trois catégories d’incompatibilités.
a) Les incompatibilités électives
Les lois successives visant à limiter le cumul des mandats aboutissent à un état du droit qui peut être schématisé ainsi : il est interdit de détenir simultanément plus de deux mandats locaux dont un seul exécutif (maire, adjoint au maire, président, vice-président).
Les mandats et fonctions au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont pas pris en compte.
Par exemple, un président de conseil régional pourrait obtenir un mandat de conseiller municipal (deux mandats dont un exécutif) mais ne pourrait pas, suite à l’élection municipale de mars 2020, devenir maire (car il exercerait alors deux fonctions exécutives).
Dans les communes de 1000 habitants et plus, un élu qui viendrait, en accédant au mandat de conseiller municipal, à se trouver dans un cas “d’incompatibilité-élections” doit faire cesser l’incompatibilité en démissionnant d’un des mandats qu’il détenait antérieurement (article L.46-1 du code électoral). Il dispose à cet effet d’un délai de trente jours à compter de la date de l’élection qui l’a mis en situation d’incompatibilité ou, en cas de contestation, de la date à laquelle le jugement confirmant cette élection est devenu définitif.
L’introduction d’un recours contre l’élection municipale permettra aux personnes élues à cette occasion et qui se trouverait placée en situation d’incompatibilité pour cumul de mandats locaux de poursuivre l’exercice de leurs mandats en surnombre jusqu’à l’expiration du délai d’appel contre la décision du Tribunal administratif ou, en cas d’appel, jusqu’à la notification de l’arrêt du Conseil d’Etat. Toutefois, tant qu’il n’est pas mis fin à l’incompatibilité, l’élu concerné ne pourra percevoir aucune indemnité attachée au mandat municipal.
Dans ces mêmes communes de 1000 habitants et plus, abandonner le mandat municipal qui vient d’être remporté n’est donc d’aucune utilité pratique. En effet, non seulement la loi impose qu’il démissionne d’un des mandats qu’il détenait antérieurement, mais elle prévoit qu’à défaut d’option ou en cas de démission du dernier mandat acquis dans le délai imparti, le mandat ou la fonction acquis ou renouvelé à la date la plus ancienne prend fin de plein droit.
Le droit contribue ainsi à dissuader un élu influent de mener “artificiellement” une liste aux élections municipales, en démissionnant juste après le scrutin
Une exception peut être relevée dans l’application de ce mécanisme de “régularisation forcée” : si, en cours de mandat municipal, l’élu acquiert un nouveau mandat local du fait de la vacance d’un siège dans un conseil départemental ou un conseil régional, il dispose toujours d’un délai de trente jours pour se mettre en règle mais bénéficie cette fois d’une liberté de choix quant au mandat à abandonner. Ce n’est qu’à défaut d’option dans les trente jours qu’il sera réputé avoir abandonné le mandat acquis à l’occasion de la vacance de siège qui l’a placé dans la situation d’incompatibilité et le suivant de liste le remplacera.
b) Les incompatibilités professionnelles
L’exercice des mandats de conseiller municipal est incompatible avec les fonctions suivantes :
- Militaire en position d’activité (seulement dans les communes de 9000 habitants et plus ; en deçà, l’article 33 de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 a supprimé l’incompatibilité précédemment en vigueur),
- Magistrat des chambres régionales des comptes lorsque la collectivité est incluse dans le ressort de la chambre à laquelle il appartient ou a appartenu depuis moins de cinq ans,
- Membre du Conseil constitutionnel,
- Membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel,
- Dans toute la France :
- Préfet, sous-préfet, secrétaire général de préfecture
- Fonctionnaire des corps de conception, de direction et de commandement et d’encadrement de la police nationale
- Représentant légal des hôpitaux communaux ou intercommunaux dans la ou les communes de rattachement de l’établissement où il est affecté,
- Salarié d’un centre communal d’action sociale de la commune (ou salarié d’un centre intercommunal d’action sociale si l’élu représente la commune au sein de l’établissement public de coopération intercommunale qui le gère).
Le mandat de conseiller communautaire est, quant à lui, incompatible avec l’exercice d’un emploi salarié au sein de l’établissement public de coopération intercommunale et de toutes ses communes membres. Ainsi, l’agent d’une commune A (membre de l’intercommunalité AB) peut siéger au conseiller municipal de la commune B mais pas au conseil communautaire de l’intercommunalité AB.
Les fonctionnaires concernés par une situation d’incompatibilité ont dix jours pour choisir d’abandonner leur ancienne fonction ou leur nouveau mandat. A défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, ils seront réputés avoir opté pour la conservation de leur emploi et perdront leur mandat.
Si la personne concernée décide d’opter pour la conservation de son mandat, un détachement dans des fonctions différentes (et compatibles avec le mandat) suffit à faire disparaître l’incompatibilité.
c) Les incompatibilités familiales
L’article L.238 du code électoral prévoit un cas d’incompatibilité propre aux communes de plus de 500 habitants : “le nombre des ascendants et descendants, frères et soeurs, qui peuvent être simultanément membres du même conseil municipal est limité à deux“.
Une exception est prévue dans les communes où les membres des conseils municipaux sont élus par secteur : les ascendants, descendants, frères et sœurs peuvent y être membres d’un même conseil municipal à la condition qu’elles aient été élues dans des secteurs électoraux différents.
Pour déterminer quel membre de la famille doit céder son siège, l’article L.238 du code électoral prévoit d’appliquer l’ordre du tableau.
Cet ordre, prévu à l’article R.2121-4 du code général des collectivités territoriales utilise les critères successifs suivants :
- la date de nomination : le membre de la famille nommé en dernier (par exemple, dans les communes de moins de 1000 habitants, à l’occasion du second tour, quand les autres ont été élus au premier tour) doit s’effacer,
- si les élus ont été désignés le même jour, le nombre de suffrages obtenus, sachant que les membres d’une même liste sont réputés avoir recueilli le même nombre de suffrage : le membre de la famille candidat sur la liste qui a obtenu le moins de voix doit donc s’effacer,
- enfin, à titre subsidiaire, et à l’intérieur d’une même liste, la priorité d’âge : le plus jeune membre doit abandonner son mandat.
Me Philippe BLUTEAU, avocat associé, Cabinet Oppidum Avocats