Hervé Cherubini, Maire de Saint-Rémy-de-Provence dans les Bouches-du-Rhône (9 900 habitants), répond à nos questions sur la gestion de la crise sanitaire dans sa commune.
Quelle est la situation sanitaire sur votre territoire ?
Avec une dizaine de cas officiellement confirmée, on peut considérer que Saint-Rémy-de-Provence a jusqu’à présent été relativement épargnée. Ma plus grande préoccupation demeure l’Ehpad Marie-Gasquet où un cas de Covid-19 a été décelé chez une résidente. Mais j’ai une entière confiance dans l’équipe soignante et dans la direction de l’établissement. Le directeur avait d’ailleurs anticipé la directive ministérielle en organisant le dépistage progressif de tous les résidents et de tous les soignants. La ville a essayé d’être en appui dans la mesure de ses possibilités bien sûr. Ce sont parfois des « pas grand-choses » mais qui pèsent dans l’action quotidienne des personnels soignants. La semaine dernière, nous avons ainsi pu donner à l’Ehpad deux thermomètres pistolets qui manquaient au personnel soignant. Nous avons également livré à la Maison de santé Saint-Paul un lot de 160 combinaisons ainsi que des cartons de charlottes et de sur-chaussures, pour permettre au personnel de l’établissement d’assurer ses missions en préservant la santé des agents comme des résidents. Ce matériel, utilisé auparavant par les services techniques municipaux pour l’épandage de produits phytosanitaires, ne servait plus depuis l’instauration du Zéro Phyto dans la gestion des espaces verts.
Comment sont mobilisés vos agents municipaux dans cette période de crise ?
Nous avons maintenu les services essentiels comme l’état civil, la police municipale, qui complète les patrouilles de gendarmerie, le secrétariat général, les services financier et scolaire avec une classe ouverte dans l’un de nos écoles primaires pour assurer l’accueil des enfants des personnels soignants et de sécurité. Les services de la communauté de communes assurent les services de l’eau, de l’assainissement et de la propreté avec le ramassage des ordures ménagères et des emballages recyclables. Afin de gérer au mieux la crise du Covid-19, plusieurs dispositifs, notamment de veille sanitaire, ont été mis en place par la ville et le CCAS. Parmi ces actions, les services du CCAS appellent chaque jour près de 60 séniors saint-rémois, considérés comme les plus fragiles et sans aidants. À cela s’ajoutent également les visites régulières des aides ménagères à près de 180 foyers saint-rémois, en respectant bien sûr scrupuleusement toutes les mesures de sécurité.
Dans cette période de crise, peut-être plus qu’à tout autre moment, il est important de veiller les uns sur les autres.
Avez-vous le sentiment que les mesures de confinement sont correctement respectées et acceptées par vos administrés ?
Je pense que dans leur grand majorité, les Saint-Rémois ont intégré le fait que le respect du confinement est essentiel et demeure la première des barrières à la propagation du virus. Comme partout ailleurs, nous avons procédé à des verbalisations mais cela reste tout de même très contenu. D’ailleurs, j’ai interrogé le chef de la Gendarmerie Nationale et celui de la Police municipale au sujet de la mise en place d’un couvre-feu mais ils m’ont confirmé qu’un tel dispositif n’apporterait rien de plus sur Saint-Rémy. Cela dit, si les choses venaient à se dégrader, cela ne me poserait aucun problème de prendre un arrêté allant dans ce sens. La sécurité sanitaire de nos concitoyens doit primer.
Avez-vous mis en place des mesures supplémentaires par rapport à celles annoncées par le Gouvernement pour assurer la sécurité sanitaire ?
En concertation avec le CPTS du Pays d’Arles et les professionnels de santé du secteur de Saint-Rémy, la ville a ouvert dans la salle de spectacle et de congrès de Saint-Rémy un centre de consultation dédié au Covid-19. L’objectif premier de ce centre est d’examiner les personnes suspectées de porter le virus, dans un lieu sécurisé afin d’éviter tout risque de contamination aux patients habituels des cabinets de médecine générale et aux soignants. Nous sommes parvenus à mettre en place ce centre en un temps record ; l’apport de la ville a été considérable, notamment sur le plan du matériel et des équipements.
Sur un autre volet, le service de propreté urbaine a été renforcé. Les services techniques municipaux procèdent du lundi au samedi à un nettoyage des rues à l’aide d’une dilution d’eau de Javel (environ 1%) et d’un produit virucide et désinfectant (Desogerme, utilisé en agriculture biologique). Les secteurs ciblés sont ceux où se situent des commerces et services de première nécessité (alimentation, pharmacies, établissements à caractère médical, Ehpad, gendarmerie…), où le public est susceptible de se déplacer à pied. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour savoir si ces mesures sont vraiment efficaces et les avis scientifiques divergent mais dans le doute, je préfère faire pour rien que ne rien fair du tout. Par ailleurs, les corbeilles sont désinfectées tous les jours avec un autre virucide (Primactyl). Le nettoyage des toilettes publiques (point d’eau pour se laver les mains) est également renforcé avec plusieurs désinfections programmées par jour.
Comment organisez-vous la solidarité sur votre territoire ?
Les Saint-Rémois sont très solidaires et je ne compte plus les actions de la part de particuliers ou d’entreprises. Il y a beaucoup d’entraides entre voisins et amis. Ces actions citoyennes permettent clairement de soulager le quotidien des plus fragiles. Dès les premières heures de la crise, une commerçante s’est ainsi improvisée couturière pour fournir en masque les agents de la Police municipale. Le week-end dernier, un jeune entrepreneur local spécialisé dans l’impression 3D a offert à la ville des visières de protection que je me suis empressé d’apporter au personnel de l’Ehpad. Pas plus tard qu’avant hier, un grossiste saint-rémois a également offert plusieurs centaines de kilos de pomme de terre. Mon premier adjoint et un conseiller municipal se sont transformés en livreurs pour apporter ces denrées à l’Ehpad mais aussi au centre de soin de Saint-Paul, à la maison de retraite, etc. Je ne peux citer tous les exemples de solidarité mais ces élans font chaud au cœur.
Des formes de solidarité existent-elles entre les collectivités de votre territoire ?
Bien sûr. Comme bon nombre de maires et d’élus de France, je redoute également l’après-crise sanitaire et j’essaie d’anticiper au mieux la crise économique qui ne manquera pas de survenir. C’est pour cela que j’ai très rapidement interpellé le gouvernement (notamment dans une tribune publiée par le journal « Le Monde » du 23 mars dernier) pour que les collectivités obtiennent le droit d’inscrire les subventions exceptionnelles reversées aux entreprises, commerçants et associations, en section d’investissement. Les principales associations représentant les élus, à savoir l’association Régions de France, l’Assemblée des départements de France, l’Association des maires de France et présidents d’intercommunalités, France urbaine, mais aussi votre association (l’APVF) se sont ralliées à cette idée.
Dans la gestion de la crise et de l’après-crise, la proximité demeurera un maillon essentielle de la chaine d’aides qui sera mis en place par l’Etat. Les collectivités locales ont une meilleure connaissance du tissu et des acteurs économiques. Les aides seront ainsi plus ciblées, plus rapides et plus efficaces. Je suis en lien très régulier avec la CCI du Pays d’Arles et un premier train de mesures est déjà en route pour venir en aide aux entrepreneurs de notre territoire. La Communauté de communes Vallée des Baux – Alpilles que je préside et la ville de Saint-Rémy ont respectivement abondé au Fonds Régional prévu par la Président Muselier à hauteur de 56 000 et de 20 000 euros. Au niveau de la ville de Saint-Rémy-de-Provence, nous allons débloquer un fonds de secours de 100 000 euros qui seront spécifiquement fléchés sur les petites structures.