Par Mélanie BUNUL, Juriste, Cabinet Oppidum Avocats
La sauvegarde de l’ordre public général est un objectif de valeur constitutionnelle[1] et les maires y concourent, en application des articles L.2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.
Certes, ils doivent respecter les mesures de l’autorité de police administrative supérieure[2]. En effet, sauf disposition contraire, l’autorité inférieure ne peut alléger les mesures décidées au niveau supérieur. Mais lorsque les circonstances locales l’exigent, les mesures de l’autorité supérieure peuvent être précisées voire aggravées[3].
En tout état de cause, les mesures de police administrative doivent poursuivre la finalité qui les justifie c’est-à-dire la protection de l’ordre public ; et être proportionnées à cette finalité[4].
Cette dernière condition est remplie lorsque les atteintes aux droits et libertés des particuliers qu’elles emportent sont proportionnées à la gravité du trouble à l’ordre public qu’elles visent à prévenir ou faire cesser. Cette condition est également remplie lorsque ces mesures sont nécessaires à la sauvegarde l’ordre public qui les motive. Le juge administratif prohibe toutefois les interdictions générales et absolues[5] sauf si l’interdiction s’avère être la seule mesure permettant de prévenir ou de faire cesser le trouble à l’ordre public[6].
Par ailleurs, certaines circonstances exceptionnelles exigent l’application d’un régime spécial et donc l’extension des pouvoirs de l’administration.
Les circonstances doivent répondre à certaines exigences. D’une part, elles doivent posséder un caractère de particulière gravité et d’imprévisibilité. D’autre part, elles doivent mettre l’administration dans l’impossibilité d’agir dans le respect de la légalité ordinaire. Enfin, elles doivent persister à la date à laquelle les mesures litigieuses ont été prises[7].
Concernant les mesures, elles doivent poursuivre un but d’intérêt général, national ou local, qu’il s’agisse de la continuité des services publics, de la sauvegarde de l’ordre public ou de la défense d’un intérêt public supérieur. En outre, les mesures doivent être exigées par les circonstances du moment et strictement limitées à leur durée[8]. Si les mesures administratives satisfont à ces conditions, le juge admet leur légalité, quelles que soient les règles ordinaires auxquelles elles dérogent (de forme ou de fond). En effet, le juge administratif peut admettre la légalité d’une mesure relevant de la compétence du législateur[9], ou permettant des atteintes aux droits fondamentaux qui constitueraient de graves illégalités en période ordinaire[10]. En tout état de cause, le juge administratif contrôle le caractère proportionné des mesures.
Les circonstances actuelles de crise sanitaire causée par le covid19 répondent aux exigences encadrant l’application du régime spécial. Ainsi, les maires des communes peuvent voir leurs compétences élargies afin de prévenir ou faire cesser les troubles à l’ordre public, notamment la sécurité publique. Des mesures telles que des couvre-feux peuvent être édictées. Toutefois, celles-ci doivent rester proportionnées et limitées dans le temps.
—
[1] CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle
[2] CE, 17 juillet 1953, Constantin, Lebon 381
[3] CE, 18 avril 1902, Commune de Néris- Les-Bains, n° 04749
[4] CE, 19 mai 1933, Benjamin, n°17413 17520
[5] CE, 22 juin 1951, Daudignac, n°00590 02551
[6] CE, Ass., 27 octobre 1995, commune de de Morsang-Sur-Orge, n°136727
[7] CE, 31 janvier 1958, Chambre syndicale du commerce d’importation d’Indochine, Lebon 63
[8] CE, Ass., 16 avril 1948, Laugier, Lebon 161
[9] CE, 28 juin 1918, Heyriès, n° 63412
[10] CE, 1919, Dames Dol et Laurent, n° 61593