Par Me Isabelle BÉGUIN, Avocat associé, Cabinet Oppidum
Lors de son allocution du 16 mars 2020, le Président de la République a demandé à l’ensemble des français de limiter les déplacements et les contacts physiques afin d’enrayer la propagation du coronavirus Covid-19.
Les mesures annoncées par le chef de l’Etat impliquent que les employeurs publics recourent au télétravail et limitent le travail en présentiel au strict minimum nécessaire pour assurer la continuité des services publics indispensables.
A l’issue d’une réunion avec les organisations syndicales et les employeurs des trois versants de la fonction publique, M. Olivier DUSSOPT, secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Action et des Comptes, avait tenu le même jour une conférence de presse pour préciser aux employeurs publics les mesures à prendre pour protéger leurs agents et assurer la continuité des services publics.
- La priorité au télétravail
Lors de sa conférence de presse du 16 mars 2020, M. Olivier DUSSOPT, a demandé à tous les employeurs publics, dans la mesure du possible, d’organiser systématiquement le télétravail de l’ensemble de leurs agents publics afin d’assurer la continuité des services publics.
Le respect des formalités normalement imposées par le décret n°2016-151 du 11 février 2016 n’est bien entendu pas requis.
Néanmoins, il convient que des règles claires soient données pour chaque agent concernant l’organisation de sa charge et de son temps de travail ainsi que le cas échéant les modalités de contrôle, et que des liens à distance soient néanmoins maintenus afin d’éviter l’isolement.
- Le travail en présentiel limité et encadré
Certaines missions essentielles, que les collectivités ont déjà pu identifier au sein d’un plan de continuité d’activité, ne se prêtent pas au télétravail. Il s’agit notamment de l’état civil, de la police municipale, de la production, du traitement et du contrôle de la qualité de l’eau, de la collecte des déchets, de la restauration administrative, des soins ou du portage de repas à domicile…
Pour assurer la continuité de ces activités de service public, les agents doivent continuer à se rendre sur leur lieu de travail habituel, munis de l’autorisation de déplacement.
Sont toutefois dispensés de présence les femmes enceintes et les agents atteints d’une ou plusieurs des pathologies ou antécédents identifiés par le Haut conseil de la santé publique (HCSP).
Il s’agit :
– des patients présentant une insuffisance rénale chronique dialysée, insuffisance cardiaque à un stade défini ;
– des malades atteints de cirrhose au stade B au moins ;
– des patients aux antécédents cardiovasculaires : hypertension artérielle, accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, chirurgie cardiaque ;
– des diabétiques insulinodépendants ou présentant des complications secondaires à leur pathologie ;
– des insuffisants respiratoires chroniques sous oxygénothérapie ou asthme ou mucoviscidose ou toute pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale ;
– des personnes avec une immunodépression médicamenteuse (ex : chimiothérapie anti cancéreuse), liée à une infection du VIH non contrôlé, consécutive à une greffe d’organe solide ou de cellules souche hématopoïétiques, atteint d’hémopathie maligne en cours de traitement, présentant un cancer métastasé ;
– des personnes présentant une obésité morbide.
Ces agents jugés plus vulnérables face au COVID-19 doivent rester à leur domicile.
Pour les agents dont les missions imposent la présence physique, les postes de travail doivent être organisés de manière à permettre le respect de la distance d’au moins un mètre entre collègues ou entre les collègues et les usagers, à limiter les réunions et de manière générale les regroupements d’agents dans des espaces réduits doivent être limités (ex. notamment au moment de la prise des repas, les repas à emporter devant être privilégiés dans les restaurants administratifs), à assurer le nettoyage renforcé des parties communes ou des sanitaires…
Le secrétaire d’Etat préconise également, si cela s’avère possible, de procéder à des roulements d’équipes hebdomadaires.
Les agents en poste doivent observer les consignes de sécurité telles que le lavage des mains régulier, l’utilisation de mouchoirs à usage unique, le salut sans contact, l’utilisation du coude pour éternuer ou tousser, la désinfection régulière des surfaces de travail en cas d’accueil du public…
Si le respect de ces mesures est imposé, l’agent ne peut pas faire valoir son droit de retrait. En effet, dans ce cas, la situation de travail ne présente pas un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé au sens de l’article 5-1 du décret n°n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale.
- L’impossible télétravail
Si le recours au télétravail n’est pas envisageable car les fonctions ne le permettent pas et que l’agent ne pas être réaffecté sur d’autres missions susceptibles d’être effectuées à distance ou car l’agent ne peut pas être équipé en matériel, alors l’employeur doit lui délivrer une autorisation spéciale d’absence. Le propre de l’autorisation spéciale d’absence est de permettre à l’agent de ne pas effectuer son travail tout en conservant sa rémunération et ses droits statutaires (avancement notamment). Le secrétaire d’État demande aux employeurs publics de ne pas appliquer les délibérations qui auraient pu prévoir une diminution voire une suppression du régime indemnitaire en cas d’autorisation spéciale d’absence En revanche, les autorisations spéciales d’absence ne génèrent pas de jours de réduction du temps de travail.
Si le recours au télétravail est rendu impossible par la circonstance que l’agent doive assurer la garde de son ou ses enfants de moins de 16 ans en raison de la fermeture des établissements scolaires, les mesures à mettre en œuvre diffèrent selon le statut de l’agent.
Les fonctionnaires qui occupent un emploi à temps incomplet inférieur à 28 heures et les contractuels, relevant du régime général de la sécurité sociale, doivent bénéficier d’un congé pour raison de santé avec maintien de leur rémunération.
Selon la même logique que pour les autorisations spéciales d’absence, les délibérations prévoyant la diminution ou la suppression du régime indemnitaire en cas de maladie ne devraient pas s’appliquer.
Les fonctionnaires relevant de la CNRACL doivent quant à eux bénéficier d’autorisations spéciales d’absence.
Dans tous les cas, un seul parent ou détenteur de l’autorité parentale peut se voir délivrer un arrêt de travail. L’agent doit donc attester être le seul à pouvoir s’occuper du ou des enfants à charge.
Enfin, l’agent malade qui dispose d’un arrêt de travail de son médecin doit être placé en congé de maladie ordinaire.
Remarques : la situation des personnels de droit privé
A l’exception des salariés des régies dotées de la seule autonomie financière qui gèrent un service public à caractère industriel et commercial de remontées mécaniques ou de pistes de ski pour lesquels une expérimentation de 3 ans a été mise en place en 2016, les personnels des collectivités territoriales sous statut de droit privé ne peuvent pas bénéficier du dispositif de chômage partiel prévu par le code du travail.
Il est donc préconisé que ces agents soient soumis, dans le principe, aux mêmes règles que les agents contractuels de droit public, à savoir, télétravail, congé de maladie pour garde d’enfants ou autorisation spéciale d’absence.