Journée finances locales : des débats riches et un éclairage précieux sur la réforme fiscale

24 octobre 2019

Le 22 octobre s’est tenue la journée finances locales de l’APVF, en partenariat avec le groupe BPCE, consacrée au décryptage du projet de loi de finances pour 2020 et ses conséquences sur les budgets locaux. Elle s’est suivie d’une réunion du réseau des DGS de petites villes. 

 

La journée a débuté par un accueil chaleureux de Jean-Sylvain RUGGIU, Directeur Secteur public de la BPCE.

Lors de son discours d’ouverture, le Président de l’APVF, Christophe BOUILLON, a rappelé que si l’APVF prenait acte avec soulagement de l’arrêt de la baisse unilatérale des dotations depuis 2018, cette stabilité globale n’annulait en rien les baisses précédentes et ne préjugeait en rien des baisses individuelles de dotations à venir. Au nom des Maires des petites villes, il a indiqué que les efforts importants qu’ils ont consentis dans ce contexte, aurait mérité d’être pris davantage en considération. Or, les relations de confiance entre l’Etat et les collectivités locales se sont dégradées depuis le début du quinquennat. Cette dégradation s’est accélérée et amplifiée avec la réforme de la fiscalité locale et ce, pour au moins deux raisons évidentes. La première raison, c’est la remise en cause de la compensation des communes « à l’euro près » avec la non-revalorisation forfaitaire des bases de TH et l’année 2017 comme référence du montant de TH à compenser. La seconde raison résulte de l’absence de simulations lisibles et exploitables pourtant indispensables à la veille d’un bouleversement d’ampleur de la répartition de la richesse fiscale sur le territoire.

Après avoir confirmé la qualité de la gestion financière des collectivités locales, et notamment de celles dont l’évolution de la dépense est encadrée contractuellement, Olivier DUSSOPT, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, a rappelé que les concours finances de l’Etat étaient, pour la troisième année consécutive, stabilisés. C’est inédit. Il a également insisté sur le fait, qu’en 2020, le montant de la minoration des variables d’ajustement était exceptionnellement bas : seulement 120 millions d’euros. Il a d’ailleurs précisé que la hausse de 226 millions d’euros du prélèvement sur recette de la compensation de l’exonération fiscale de condition modeste serait prise en charge intégralement par l’Etat.  A propos de la réforme de la fiscalité locale, et plus précisément de la préservation du pouvoir de taux des communes dans le cadre de l’application du coefficient correcteur, Olivier DUSSOPT a confirmé que l’Etat prendrait à sa charge le différentiel entre taux voté et taux compensé. Cela ne représenterait pas, selon lui, un risque important pour l’Etat, de l’ordre de quelques milliers d’euros par an seulement.

« Ce qui change et qu’il faut savoir pour préparer son budget 2020 »

Après ces discours d’ouverture, Jean-Pierre COBLENTZ, Directeur associé Stratorial finances, a présenté les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2020, sur lesquelles ont réagi Christophe JERRETIE, député de la Corrèze, co-rapporteur de la mission RCT à l’Assemblée nationale, et André LAIGNEL, Maire d’Issoudun, Président du Comité des finances locales (CFL).

Christophe JERRETIE a commencé par établir le constat suivant : l’article 5 (réforme fiscale) est simple dans sa conception, mais difficile à expliquer. S’il n’y a pas de surprise, selon lui, sur le montant de TH à compenser, il a indiqué avoir malgré tout proposé à l’Assemblée nationale, un amendement visant à prendre en compte, non pas les taux 2017, mais la moyenne des taux 2017/2018/2019. Il a confirmé également l’option de la revalorisation forfaitaire des bases de TH à 0,9 % (environ 112 millions d’euros), qui aurait été de 1,1 ou 1,3 % en application de l’article 1518 bis du CGI. Pour le député, il conviendra d’être extrêmement attentif à la compensation résultant de la mise en œuvre du « coco » : celle-ci doit être pérenne.

Après avoir insisté sur le fait que les élus étaient opposés à cette réforme, André LAIGNEL a rappelé qu’à l’unanimité, le CFL, soutenu par l’AMF et d’autres associations, avait demandé de substituer à la suppression de la taxe d’habitation, la mise en place d’un dégrèvement intégral. Tout simplement, parce que le dégrèvement apporte des garanties d’évolution dans la durée, de liberté de taux et des garanties juridiques imposées par le Conseil constitutionnel, lui-même, dans le cadre de la première phase de réforme. Sur la forme, les engagements de l’Etat sur cette réforme n’ont pas été tenus : pas de texte spécifique, ni de négociations.

« Solidarité territoriale : comment agir résolument ? »

Après avoir rappelé la définition laconique de la péréquation dans la Constitution et les précisions apportées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Marie-France BEAUFILS, Maire de Saint-Pierre-des-Corps, Vice-présidente de l’APVF, a expliqué que, pour être efficaces, les dispositifs de péréquation supposent que les montants reversés aux collectivités évoluent aussi vite que les richesses fiscales. Sinon, les trajectoires s’écartent entre les « riches » (fiscalement) et les « pauvres » (financés par des dotations peu dynamiques). Or, force est de constater qu’en plus d’être extrêmement complexe dans son application, la mise en œuvre de la péréquation a le plus servi, ces dernières années, à neutraliser les effets de la baisse de la DGF, plutôt qu’à réduire les inégalités de richesse et de charges entre les collectivités locales. En outre, la réforme de la fiscalité locale, qui va avoir pour effet de bouleverser la répartition de la richesse fiscale sur l’ensemble du territoire, appelle une réflexion d’ampleur sur les critères de répartition des dotations de péréquation : comment définir demain les notions de potentiels fiscal et financier qui deviendront « obsolètes » ? Marie-France BEAUFILS a rappelé enfin la proposition de l’APVF, relayé par la mission « Agenda rural » dont Pierre JARLIER, Maire de Saint-Flour, Président délégué de l’APVF, est membre : la création d’un fonds national de solidarité territoriale fondé sur un projet de territoire.

Suite à cette présentation générale, Thomas Rougier, Secrétaire général de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales a présenté les résultats d’une étude très intéressante de l’Observatoire consacrée au partage des ressources entre les collectivités locales et aux critères mobilisés par ces dernières pour établir les modalités de leur répartition. Cette étude constitue d’ailleurs une base de travail utile sur laquelle pourra reposer la réflexion à venir sur les critères des dotations de péréquation.

« Maîtriser ses dépenses dans un contexte de réforme des finances locales »

Marie-Charlotte NOUHAUD, Maire d’Avon (77, 14 000 habitants), avant de préciser les leviers de réduction des dépenses au sein de sa commune, a tenu à revenir sur la réforme de la fiscalité locale, qu’elle a qualifié de « complexe et clivante » et qui pose la question cruciale du sens de l’impôt. La ville d’Avon est parvenue à maîtriser ses dépenses par la mise en œuvre d’une politique de réduction des personnels, de mutualisation des services et d’externalisation associative et par la réserve citoyenne.

Après avoir recontextualisé la situation de sa commune et notamment la part importante de logements sociaux, Thomas CELLIER, Directeur général des services de Canteleu (76, 14 561 habitants), a précisé les trois leviers de réduction des dépenses : groupement de commande (gain de 30 % sur l’électricité), énergies renouvelables et baisse de la qualité de service (restreindre les horaires de l’hôtel de ville par exemple). La mise en œuvre de ces politiques ont permis de réduire les dépenses.

Pour Romain COLAS, Maire de Boussy-Saint-Antoine (91, 7 281 habitants), les groupements de commande et la mutualisation qui a permis de gagner en ingénierie, ont été très utiles. De même que d’investir dans les énergies renouvelables et l’automatisation des prélèvements (tarifs).  Il a évoqué aussi les aspects institutionnels : si les conditions de leur réussite sont réunies, les communes nouvelles peuvent être un bon levier de rationalisation. Il faut être allant sur ces aspects, qui témoignent, en outre, de la capacité d’adaptation des élus locaux aux nouveaux enjeux.