Le projet de loi de finances a été présenté en Conseil des ministres le 27 septembre. Les auditions s’accélèrent à l’Assemblée avant l’examen en première lecture du texte. Quels premiers enseignements tirer du PLF 2020 avant un décryptage plus en détail, le 22 octobre prochain, au siège de la BPCE ?
1) Des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales globalement stables, une nouvelle minoration des variables d’ajustement, de l’ordre de 120 millions d’euros
Les concours financiers de l’État aux collectivités locales resteraient « stables » à hauteur de 49 milliards d’euros.
Parmi les enveloppes stabilisées :
- la dotation globale de fonctionnement (DGF) : 27 milliards d’euros,
- DSR : abondée de 90 millions d’euros (2,49 milliards d’euros)
- DSU : abondée de 90 millions d’euros (1,69 milliards d’euros)
- DNP : stabilisée (794 milliards d’euros)
- les dotations d’investissement avec 570 millions d’euros de DSIL (après une baisse de 7 % en 2019) et 1 milliard d’euros de DETR,
- la dotation de politique de la ville (DPV) : 150 millions d’euros,
- la dotation générale de décentralisation : 1,5 milliards d’euros.
Certaines enveloppes augmentent :
- le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) progresserait de 350 millions d’euros pour atteindre les 6 milliards d’euros,
- la dotation élu local augmenterait de 10 millions d’euros et atteindrait 75 millions d’euros.
Minoration de 120 millions d’euros portée pour un tier par le bloc communal :
Pour financer la « hausse tendancielle des compensations d’exonération de la fiscalité locale » et la « montée en charge des dotations d’investissement », une nouvelle minoration des variables d’ajustement de l’ordre de 120 millions d’euros est décidée.
Elle porte sur :
- la dot² des départements qui baisserait de 10 millions d’euros,
- la compensation du versement transport qui passerait de 91 millions d’euros à 48 millions d’euros,
- la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) serait réduite de 45 millions d’euros (dont 10 millions d’euros pour le bloc communal).
Remarques de l’APVF :
Si l’APVF prend acte de la stabilisation des concours financiers de l’Etat aux collectivités locales conformément à l’engagement du Président de la République, elle rappelle toutefois que cette stabilisation, hors inflation, intervient après trois années de gel (de 2011 à 2013) et quatre années de baisses consécutives des dotations (de 2014 à 2017).
L’APVF insiste également sur le fait qu’aux baisses unilatérales des dotations est substitué un mécanisme d’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités locales, à certains égards, bien plus contraignant.
2) La réforme de la fiscalité locale : un flou persistant et un manque de visibilité concernant les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation
- Exonération totale de TH au titre de la résidence principale de l’ensemble des ménages et conséquences :
Dans la lignée de la loi de finances pour 2018, le PLF 2020 prévoit la suppression totale et définitive de la taxe d’habitation sur les résidences principales.
- Pour 80 % des foyers fiscaux, la taxe d’habitation sera définitivement supprimée en 2020, après avoir été allégée de 30 % en 2018 puis de 65 % en 2019.
- Pour les 20 % des ménages restants, l’allègement sera de 30 % en 2021, puis de 65 % en 2022.
En 2020, les communes percevront – pour la dernière fois – le produit de la TH, qui sera à partir de 2021 « nationalisé ». En 2023, plus aucun foyer ne paiera de taxe d’habitation sur sa résidence principale. Cette taxe sera maintenue pour les résidences secondaires, ce que ne conteste pas l’APVF.
Deux points d’attention pour l’APVF :
- D’abord, les nouvelles modalités de calcul de la TH qui auront pour effet de réduire sensiblement, et injustement, les ressources du bloc communal :
Le PLF pour 2020 prévoit notamment :
- le gel, en 2020, des taux d’imposition de TH au niveau de ceux appliqués en 2019 ;
- et, surtout, la non-revalorisation forfaitaire des valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH pour les locaux affectés à l’habitation principale en 2020.
Depuis la loi de finances pour 2017, cette revalorisation forfaitaire est de droit et automatique : en application de l’article 1518 bis du code général des impôts, elle correspond à l’inflation constatée (de novembre à novembre).
Remarques de l’APVF :
Dans un communiqué de presse commun l’APVF, et l’ensemble des associations d’élus du bloc communal, ont estimé les conséquences financières de la non-revalorisation forfaitaire des bases : elle reviendrait à amputer les ressources des budgets locaux d’environ 250 millions d’euros par an.
L’APVF déposera un amendement visant à faire appliquer la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives retenues pour l’établissement de la TH pour les locaux affectés à l’habitation principale en 2020.
- Deuxièmement, l’APVF s’interroge sur les conséquences de la transformation du dégrèvement de TH en exonération totale :
En effet, le PLF 2020 transforme en exonération le dégrèvement de taxe d’habitation sur la résidence principale en faveur des 80 % des foyers fiscaux prévus dans la LF 2018 et élargit cette exonération progressive aux 20 % restants.
Nous avons tenté de saisir la portée de cette requalification :
- d’une part, la compensation des communes/EPCI ne s’effectue plus sur la base des taux 2017, mais sur la base des taux 2020 (gelés au niveau de ceux appliqués en 2019).
- d’autre part, l’Etat institue un prélèvement sur les 12èmes de la fiscalité locale perçues en 2020 par les communes/EPCI ayant procédé à une hausse du taux de TH depuis 2017.
A priori, nous en avons eu la confirmation (et c’est bien ce qui est inscrit dans le texte aux alinéas 503 à 508), le prélèvement prévu dans le PLF 2020 ne serait institué que pour 2020.
La question se pose alors de la justification du prélèvement ?
L’Etat assumant, en 2020 et de manière exceptionnelle, la compensation intégrale des communes/EPCI à hauteur des taux 2019 (« exonération totale »), le prélèvement permettrait simplement à celui-ci de se faire rembourser le différentiel (taux 2019/taux 2017) via les 12èmes.
- Scénario du remplacement de la TH et compensation des départements :
Pour compenser la perte de recette résultant de la suppression de la taxe d’habitation, le Gouvernement a opté pour le scénario suivant :
- transfert de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties aux seules communes,
- transfert d’une fraction de TVA aux départements et aux EPCI.
Le produit de la TH étant supérieur à celui de la TFPB, l’Etat devra verser une recette complémentaire de l’ordre d’1 milliard d’euros.
Plutôt qu’une dotation budgétaire, il est envisagé de transférer aux collectivités une part des frais de gestion perçu normalement par l’Etat pour le recouvrement de la TH et des taxes foncières. Ces ressources complémentaires auraient donc le mérite d’être de nature fiscale et sanctuarisées.
Remarques de l’APVF :
Points positif à souligner :
– Ce scénario, sans être idéal puisqu’aucune association n’avait demandé la suppression de la TH, reste le plus respectueux du pouvoir fiscal des Maires.
– Le complément de financement par transfert d’une part des frais de gestion, préférable à une dotation budgétaire de l’Etat. Ces ressources complémentaires auraient donc le mérite d’être de nature fiscale et sanctuarisées.
Points d’attention :
– L’APVF suivra avec une attention toute particulière les modalités de compensation financière des départements, qui demeurent des alliés incontournables pour les petites villes. Elle forme le vœu d’un transfert d’une ressource dynamique et pérenne pour ces derniers. Ce qui n’est pas nécessairement le cas de la TVA (moins dynamique que le foncier, forte sensibilité à la conjoncture).
- Modalités de redescente du foncier bâti pour garantir la neutralité de la réforme pour les contribuables :
Le nouveau schéma de financement des collectivités territoriales sera applicable dès 2021.
Le PLF prévoit de redescendre le taux départemental sur les communes et ajuster l’assiette, lorsque cela est nécessaire, afin de prendre en compte les abattements et exonérations départementales.
Autrement dit, les taux départementaux et communaux seraient additionnés et une base communale, intégrant les exonérations et abattements applicables au niveau départemental, serait élaborée.
Ce qu’il faut retenir :
Le pouvoir d’exonération et d’abattement des communes en matière de TFPB sera suspendu au titre de l’année 2021.
Les communes pourraient modifier leur taux de TFPB dès 2021.
- Modalités de compensation pour garantir la neutralité de la réforme pour les communes :
Afin de garantir à toutes les communes une compensation égale à l’euro près au montant de TH sur la résidence principal supprimé, un mécanisme neutralisant les « sur » et « sous-compensations » sera mis en place.
Il s’agira de prélever à la source les surcompensations par application d’un coefficient correcteur et de les redistribuer aux communes sous compensées via le compte d’avances des collectivités territoriales.
Ce qu’il faut retenir :
- La différence entre la perte du produit de la TH sur les résidences principales et le produit supplémentaire résultant du transfert de la part départementale de TFPB sera calculée sur la base de la situation constatée en 2020, mais les taux de TH pris en compte seront bien ceux appliqués en 2017.
- Le coefficient correcteur devrait être corrélé aux bases d’imposition de TFPB, garantissant une certaine dynamique.
- Les communes pour lesquelles la surcompensation est inférieure ou égale à 10 000 euros ne seront pas concernées. Elles pourront ainsi conserver leur surcroît de TFPB.
- Le dispositif sera complété, lorsque cela est nécessaire, par un abondement par l’Etat constitué d’une fraction des frais de gestion prélevé sur les impositions locales et qui sera reversé à partir du compte d’avance des collectivités locales.
- Une évaluation du dispositif est prévue en vue de son réexamen au cours de la troisième année suivant sa mise en œuvre (clause de revoyure).
Remarques de l’APVF :
Points positif à souligner :
– La corrélation du coefficient correcteur aux bases permettant une compensation plus dynamique que ce ne fût le cas avec le FNGIR.
– Le complément de financement par transfert d’une part des frais de gestion, préférable à une dotation budgétaire de l’Etat.
– La mise en place d’une clause de revoyure conformément à une demande de l’APVF.
Points d’attention :
– le montant de TH à compenser : le PLF prévoit d’effectuer ce calcul en fonction des bases 2020 non-revalorisées et des taux 2017 figés.
Pour l’APVF, il serait plus cohérent d’effectuer ce calcul sur 2020 uniquement : taux 2020 et bases 2020 revalorisées.
– la complexité du mécanisme correcteur pour les contribuables : comment expliquer qu’une grande « part » de l’impôt qu’ils paient ne figure pas au budget de la commune.
Dans les petites villes, cette problématique est importante puisque cette « part » – destinée à être reversée aux communes sous-compensées (souvent urbaines) – représentera plus de 25 % de la recette fiscale transférée pour 2/3 des petites villes surcompensées (souvent rurales).
– Pour cette raison, l’APVF déposera un amendement visant à rehausser le seuil des 10 000 euros à 20 000 euros (101 petites villes, pour un un montant d’1 million d’euros). A l’origine, le Gouvernement était favorable à un seuil de 15 000 euros.
- Poursuite de la révision des valeurs locatives cadastrales pour les locaux d’habitation :
Le PLF acte la poursuite de la révision des bases pour les locaux d’habitation, qui produira ses premiers effets sur l’imposition foncière à partir de 2026.
- 2020/2022 : expérimentation « France entière » afin de permettre la préparation de la collecte des informations relatives aux loyers auprès des propriétaires.
- 2022/2023 : remise d’un rapport au Parlement et publication des nouveaux paramètres d’évaluation.
- A partir de 2026 : intégration des nouvelles valeurs locatives dans les impositions de la fiscalité locale.
Remarques APVF :
– L’APVF veillera à la mise en œuvre effective de la révision.