L’APVF représentée par son Président, Christophe BOUILLON, a été auditionnée par la Cour des comptes le 19 février. L’occasion de rappeler que la situation financière des petites villes est globalement fragile et que leurs marges de manœuvre sont de plus en plus réduites.
1. Evolution de la situation financière des petites villes (2017-2019)
- Des dépenses de fonctionnement maîtrisées au-delà de l’objectif national
En moyenne, les dépenses de fonctionnement des petites villes ont progressé de 0,9 % par an entre 2013 et 2017. En 2017, elles n’ont augmenté que de 0,6 % (contre + 4 ,7 % pour l’Etat, la même année). Elles ont même baissé de 0,1 % dans les communes comprises entre 15 000 et 25 000 habitants.
En 2018, les petites villes ont poursuivi leurs efforts de maîtrise des dépenses soit en réduisant leurs charges de gestion courante afin de ne pas impacter les politiques publiques, soit en réduisant les crédits destinés principalement à la voirie (33 %), à l’organisation de manifestations culturelles (33 %), à la création et la gestion des équipements sportifs (25 %) ou à subventionner les associations (19,64 %).
- Des marges de manœuvre de plus en plus ténues
Les marges de manœuvre pour réduire encore les dépenses et tenir le cap de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement inférieure à 1,2 % sont de plus en plus ténues. Si elles respectent globalement la trajectoire en 2018, des petites villes soulèvent certains freins :
- les baisses individuelles des dotations ;
- la minoration de la DCRTP (qui va peser sur les 889 petites villes les plus fragilisées par la réforme de la Taxe professionnelle) ;
- les mises aux normes liées à l’accessibilité-handicap, les pénalités liées à la loi SRU ;
- Des perspectives incertaines
Pour 2019, les perspectives sont plus incertaines en raison de la mise en œuvre du « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (évalué à 750 millions d’euros).
2. Dégradation de la situation financière des petites villes
- En témoigne nettement la baisse de presque 2 % de leur épargne brute en 2017, qui représente le socle de la richesse financière de la commune. La chute est particulièrement marquée dans les petites villes de 10 000 à 15 000 habitants (- 5,4 %) et celle de 15 000 à 25 000 habitants (- 4,2 %).
- La situation est préoccupante également du côté de l’investissement public : les dépenses d’investissement des petites villes ont baissé, sur la période 2013-2016, de 15,5 % par an. Si on constate en 2017 une légère reprise (+ 6,5 %), le niveau de 2013 est encore loin d’être retrouvé.
3. Impact de la loi de finances pour 2019 sur les budgets locaux
- Baisses individuelles de DGF en 2018 et en 2019
Revenant sur la baisse des dotations, la loi de programmation des finances publiques a gelé les dotations à partir de 2018, pendant 5 ans, à leur niveau de 2017, soit 26,9 milliards d’euros.
Certes, un gel est préférable à une nouvelle diminution des dotations mais, en pratique, 48 % des petites villes ont subi une baisse de leur DGF et 67 %, de leur dotation forfaitaire en 2018. Souvent, la hausse des dotations de péréquation a, tout juste, permis de compenser ces pertes.
Si ces variations sont dues principalement à la recomposition de la carte intercommunale, elles risquent de figer, pour les années ultérieures, des inégalités territoriales importantes.
D’ailleurs, selon les estimations du Comité des finances locales, 19 500 communes devraient subir une baisse de leur dotation forfaitaire en 2019 (résultant du financement de la péréquation mais pas uniquement).
- Un désengagement financier de l’Etat généralisé
Alors que les petites villes sont dépendantes des dotations nationales en matière d’investissement, le projet de loi de finances pour 2019 traduit un désengagement notoire de l’Etat dans certains domaines :
- baisse de 7 % de la DSIL ;
- fin des contrats de ruralité ;
- baisse de 149 millions d’euros des dotations de soutien à l’investissement, en crédits de paiement ;
- diminution des crédits en faveur de la politique du logement (- 26,5 M€),
- diminution des crédits en faveur du développement du sport de proximité au profit de la haute performance sportive (– 40,22 M€) ;
- ponction sur le budget des agences de l’eau (une partie de leurs recettes sera désormais affectée au budget national) ;
- nouvelle suppression de 70 000 contrats aidés qui va fragiliser le tissu associatif dans les petites villes.
4. Avis de l’APVF sur la contractualisation financière
Pour l’APVF, en plus de porter atteinte à la libre administration des collectivités locales (sanction du préfet), ce dispositif impacte indirectement les petites villes :
- De nombreux élus de petites villes, qui accusent déjà depuis plusieurs années un désengagement des départements et des régions, craignent que les « contrats » financiers aggravent la situation. Entre 2013 et 2017, les subventions versées par les départements et les régions au bloc communal ont enregistré une baisse de 11,2 % et même de 21,5 % pour les seules subventions d’investissement. Or, ces financements conditionnent l’éligibilité des communes à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) : l’octroi des dotations de l’Etat est subordonné, en effet, à la capacité pour les collectivités à financer une partie de leur projet (20 % au minimum).
- En outre, 805 petites villes sont intégrées à des EPCI légalement obligés de contracter avec l’Etat. Alors que la solidarité intercommunale est en progression (+ 4,3 % entre 2013 et 2017), l’APVF s’inquiète des moyens d’action et de contrôle dont disposeront les petites villes pour se prémunir contre les effets pervers des « contrats » financiers. Comment s’assurer que les dépenses de reversement (fonds de péréquation, attributions de compensation, FNGIR), traduisant la solidarité territoriale, seront bien retraitées des évaluations et du calcul des résultats ?
5. Les ressources des petites villes
En 2017, les recettes fiscales de l’ensemble des petites villes équivalent à 796 euros par habitant, contre 253/hab euros pour les dotations/participations.
- Evolution des taux de TH
En 2018, 85,7 % des petites villes ont stabilisé/réduit les taux et 14,3 % seulement, les ont augmentés.
En 2019, selon une enquête réalisée auprès de nos adhérents, seuls 10 % des élus – ceux qui en ont encore la capacité et qui n’ont pas le choix (répondre aux attentes des citoyens en matière de service public) – augmenteront leur taux de TH.
- Utilisation des dotations de soutien à l’investissement public local
Selon notre enquête, 56,45 % des petites villes n’ont pas bénéficié de subvention au titre de la DSIL en 2018.
Les 43,55 % des petites villes qui en ont bénéficié ont investi dans plusieurs domaines et principalement pour se mettre en conformité avec les normes nationales : remise aux normes au titre de l’accessibilité – handicap, travaux d’isolation et rénovation énergétique et thermique, réhabilitation ou extension des équipements scolaires, sportifs et culturels.
- Difficulté d’accès aux crédits des petites villes :
- Les petites villes rencontrent de plus en plus de difficulté pour trouver les financements complémentaires nécessaires à l’obtention des crédits de l’Etat (on l’a vu : baisse des subventions des départements) ;
- Les territoires les plus éloignés de la préfecture de région sont pénalisés, les crédits étant fléchés, en majorité, sur la ville principale et sa métropole : dans le département d’Indre-et-Loire, par exemple, sur un montant total de DSIL autorisé de 5,8 millions d’euros, 2,8 millions d’euros sont attribués à Tours et Tours Métropole Val-de-Loire soit près de 50 % du montant total. Les 3 millions d’euros restants sont partagés entre 11 communes (dont 7 sont des petites villes) et 4 communautés de communes. Ce n’est pas un cas isolé.
Pour l’APVF, la sous-consommation des crédits de soutien à l’investissement ne doit pas être un prétexte à l’affaiblissement du soutien « effectif » de l’Etat aux projets d’investissement retardés et à leur redémarrage rapide.
6. Réforme de la taxe d’habitation
Emmanuel Macron a décidé, sans concertation, de supprimer l’un des principaux impôts directs locaux. La taxe d’habitation (TH) rapporte près de 22 milliards d’euros en 2016 aux départements, aux communes et à leurs groupements (la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : 31,9 milliards d’euros).
L’APVF rappelle qu’aucun élu local n’a demandé la suppression de la TH. Nous proposons depuis longtemps de corriger l’impôt en tenant mieux compte de la capacité contributive des contribuables et en poursuivant la révision des valeurs locatives pour les locaux à usage d’habitation.
La suppression de la TH pose des questions :
- technique : comment compenser la perte de recettes pour les collectivités ?
- juridique: comment garantir demain le respect du principe constitutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales, et de libre administration ?
- politique : la fiscalité directe contribue au fonctionnement de la démocratie locale et de la responsabilité politique. Elle oblige les élus locaux à rendre compte de l’utilisation de l’impôt. Comment maintenir un lien entre les élus et les contribuables-électeurs ?
Téléchargez la réponse de l’APVF au questionnaire Cour des comptes en cliquant ici.