Le PLF 2019 met en œuvre certaines recommandations de la feuille de route pour une économie 100 % circulaire (FREC) présentée, le 23 avril 2018, par le gouvernement, afin de renforcer les politiques de recyclage, de valorisation et de réduction des déchets. L’œil des petites villes.
Initialement, la fiscalité des déchets ménagers n’avait aucune finalité incitative : elle cherchait d’abord et avant tout à financer le service d’élimination. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), instituée par une loi du 13 août 1926, est – dans la mesure où elle est additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés bâties et qu’elle repose sur le revenu cadastral – toujours relativement déconnectée de la quantité présentée à la collecte (aucune adéquation entre le coût du service et la production de déchets). En application de l’article 46 de la loi n° 2009-967 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement du 3 août 2009, les collectivités territoriales disposent aujourd’hui de la possibilité de mettre en place une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages, dont les modalités ont été précisées par l’article 97 de la loi de finances pour 2012. Peu de collectivités territoriales ont toutefois franchi le pas. La loi Grenelle I avait également instauré une part incitative dans la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (la redevance incitative existait déjà, mais sa gestion était mal adaptée).
L’article 70 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la Transition énergétique pour la croissance verte, a fixé des objectifs ambitieux de progression des tarifications incitatives en promouvant la généralisation de ces différents modes de financement du service public de prévention et de gestion des déchets à quinze millions d’habitants couverts en 2020 et vingt-cinq millions en 2025.
Pour le gouvernement, le respect de ces objectifs doit passer par une réforme profonde de la fiscalité des déchets, dans le respect du principe pollueur-payeur. Dans cette optique, les articles 7 et 8 du projet de loi de finances pour 2019 ont pour objet de réformer le financement du service communal d’élimination des déchets ménagers et assimilés afin qu’ils soient plus incitatifs. Entre l’incitation et la contrainte, la frontière est toutefois parfois ténue.
I. Réduction des déchets : aménagement de la TEOM / TEOMi
La réforme de la fiscalité des déchets proposée à l’article 7 du projet de loi de finances pour 2019, dans sa version initiale, comporte plusieurs axes :
- a) Autoriser, la première année de l’institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la taxe de l’année précédente, afin de permettre la prise en compte du surcoût qu’occasionne, à son démarrage, la mise en place de la part incitative ;
- b) Diminuer corrélativement de 8 % à 3 % les frais d’assiette, de recouvrement, de dégrèvement et de non-valeurs (les « frais de gestion ») que l’Etat perçoit au titre de la gestion de la TEOM, les trois premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative.
En l’état du droit positif, plus de 550 millions d’euros sont prélevés au niveau national par la trésorerie au titre de la gestion pour les collectivités de la TEOM. La réduction des frais de gestion à 3 % représenterait un allégement de la fiscalité locale de plus de 300 millions d’euros par an.
Mais, pour l’APVF et la plupart des associations d’élus, la limite de l’application dans le temps (trois ans) de la diminution de 5 % au total des frais de gestion n’est pas justifiée, sauf à considérer que la politique de réduction des déchets est une politique court-termiste.
- c) Inclure dans le champ de la TEOM les dépenses liées à la définition et aux évaluations des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés mentionnées à l’article L. 541-15-1 du code de l’environnement.
Avant l’entrée en vigueur du décret n° 2015-662 du 10 juin 2015, pris en application de la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, la mise en œuvre des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés était facultative et bénéficiait du soutien financier de l’ADEME. Depuis 2015, les programmes de prévention sont obligatoires et l’article 7 substitue aux subventions de l’ADEME un financement par la TEOM. Finalement, la prévention va peser désormais entièrement sur le contribuable local.
Par ailleurs, l’article 7 précise la nature des dépenses qui peuvent être prises en compte pour le calcul de la TEOM en autorisant la prise en compte soit des dépenses réelles d’investissement, soit des dotations aux amortissements correspondantes.
Enfin, corrélativement, afin de responsabiliser les collectivités locales, le PLF 2019 prévoit de mettre à leur charge les dégrèvements faisant suite à la constatation par une décision de justice de l’illégalité de la délibération fixant le taux de la taxe.
II. Valorisation des déchets : augmentation des tarifs de la TGAP déchets
La réforme de la tarification des modalités de la collecte des déchets proposée à l’article 8 du projet de loi de finances pour 2019 comporte également plusieurs axes :
- a) Renforcer sensiblement la trajectoire d’augmentation des tarifs de la TGAP relative aux déchets entre 2021 et 2025 afin d’inciter les producteurs de déchets, notamment les communes, à privilégier les opérations de recyclage par rapport aux opérations de stockage/incinération.
Si l’objectif de la réforme est d’encourager le recyclage des déchets plutôt que l’élimination en rendant cette dernière solution plus chère, encore faut-il les déchets ménagers disposent aujourd’hui d’une filière de recyclage. Aujourd’hui, on n’a aucune visibilité et c’est d’ailleurs dans cette optique que la mission pilotée par Thierry Libaert sur la consommation durable en lien avec la FREC a été mise en place le 21 juin 2018. Sans les simulations attendues, ni moyens matériels, la première conséquence de l’augmentation des tarifs de la TGAP à partir de 2021 sera une hausse importante de la fiscalité payée par les collectivités responsables de la gestion des déchets, sans assurance que les déchets résiduels pourront être réduits. Il serait, par conséquent, pertinent de reporter la réforme, pour tenir compte du rapport de la mission.
Par ailleurs, et dans cette même logique, l’augmentation des tarifs de la TGAP déchets, qui génère aujourd’hui environ 450 M€ de recettes, rapporterait au budget général de l’Etat entre 800 M€ et 1,4 Mds€ (selon les quantités de déchets qui seront encore envoyés en stockage ou traitement thermique d’ici 2025). Pour accompagner les acteurs et les inciter intelligemment à l’économie circulaire, l’APVF et la plupart des associations d’élus sont favorables à l’affectation du supplément de recette généré par la réforme aux collectivités territoriales, dans le cadre d’un fonds cogéré avec l’Etat, par exemple.
- b) Supprimer progressivement les tarifs réduits relatifs à certaines modalités de stockage ou d’incinération.
- c) Revoir les dispositions d’exemption et d’exonérations pour qu’elles couvrent l’ensemble des déchets non valorisables.
Pour l’APVF, en l’état du texte, le coût financier du dispositif proposé n’est pas réparti équitablement entre l’Etat et les collectivités territoriales pour deux raisons. D’une part, les collectivités territoriales ne disposent pas encore des moyens matériels suffisants pour mettre en œuvre cette politique et d’autre part, ce sont les contribuables locaux et les collectivités qui sont mis le plus à contribution.
N’hésitez pas à nous faire remonter votre expérience : echenillat@apvf.asso.fr