Selon Guillaume DUVAL, les territoires ruraux et les villes petites et moyennes ont été les principales victimes de la désindustrialisation liée à la mutation de l’économie et de la fuite des services publics dans le sillage des politiques de rationalisation budgétaire. Mais le sort de ces territoires est loin d’être scellé et ils se pourraient même que ces territoires intermédiaires se relèvent un atout pour le pays à l’aune de la transition écologique.
En effet, selon Guillaume DUVAL, la transition écologique va donner aux territoires les plus agricoles/ruraux un avantage concurrentiel avec le recours à de nouvelles sources d’énergie dont ces territoires seront amenés à être les producteurs privilégiés – et la pénurie en parallèle de certaines sources d’énergie plus traditionnelles sur lesquelles le tissu urbain s’est construit. Sur la question de la transition énergétique, il y a aujourd’hui un enjeu crucial pour les territoires : selon Guillaume DUVAL, il convient aujourd’hui de créer les conditions pour que les territoires récupèrent la maîtrise d’une production décentralisée de l’énergie. Cela implique divers bouleversements, comme la mise en place de structures locales bien financées et l’organisation de la filière du bois. Ces efforts à déployer semblent d’autant plus indispensables qu’en matière de transition énergétique, la France est très en retard sur ses objectifs fixés par la loi de 2015., d’où la nécessité d’accorder aux collectivités territoriales des moyens pérennes pour financer leurs actions en matière énergétique comme par exemple une part de la contribution climat.
Le numérique par ailleurs pourrait permettre de se passer de la concentration physique incarnée par l’agglomération géographique des personnes et des infrastructures, tout en permettant de développer de nouvelles formes de mobilité dans les territoires peu denses. Le télétravail permettra à terme de désengorger les agglomérations et drainer les populations vers les territoires intermédiaires.
De fait, il y a un « alignement des astres », une conjugaison des opportunités liées aux révolutions numérique et écologique qui devrait être favorable à moyen terme aux villes petites et moyennes.
Le sénateur Loïc HERVE revient sur l’enjeu des données à l’heure de l’entrée en vigueur du Règlement général pour la protection des données (RGPD) : il rappelle que les collectivités sont responsables de leurs données – dont certaines peuvent avoir un caractère personnel – et que ces données peuvent être exploiter. Des enjeux et des promesses considérables sont ainsi attachés aux données : elles représentent à la fois des contraintes – en termes de protection – et des opportunités pour les collectivités.
L’ouverture des données donnent en effet l’opportunité de développer de nouveaux usages, services et applications à destination des habitants.
Mais la manipulation des données est très encadrée : en Europe, nous promouvons une approche protectrice des données avec le RGPD comparativement aux anglo-saxons. En France, la CNIL travaille notamment avec les associations d’élus pour sensibiliser les citoyens comme les décideurs aux enjeux de protection des données.
Patrick LEVY-WAITZ développe l’objet de la mission qui lui a été confiée sur le télétravail : celle-ci consiste à analyser la façon dont il est possible de développer les nouvelles formes de travail – notamment le télétravail – dans les territoires. Il s’agit d’identifier les facteurs clés, les conditions nécessaires pour permettre aux nouveaux espaces de travail (ex. espaces de co-working, tiers-lieux) de se déployer. Contrairement à l’intuition de départ, les espaces de co-working et les tiers-lieux sont environ trois fois plus développés dans les villes petites et moyennes que dans les métropoles. Pourquoi ? Simplement parce que les élus et les citoyens s’adaptent à la demande. En effet, selon Patrick LEVY-WAITZ, il y a aujourd’hui une véritable attractivité des territoires extra-métropolitains et de fait, les élus et les habitants ont dû apprendre à mettre en place à disposition du public des lieux en mesure d’accueillir les nouvelles formes de travail.
La clé de la réussite pour initier de tels lieux, c’est la mutualisation des ressources, l’alliance des personnes morales, des pouvoirs publics, en d’autres termes : une vision et un portage de projet partagés par plusieurs acteurs du territoire.
François DECOSTER relate l’expérience de la « station de Saint-Omer » : la Communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer a refusé la fermeture de sa gare SNCF et a racheté ses locaux à la fois pour maintenir la gare et pour en faire un espace qui hybride « maisons de services publics, FabLab et espaces de coworking ». La « station de Saint-Omer » a vocation à être géré par une association avec le soutien des collectivités (commune, intercommunalité, région), de la chambre de commerce et d’industrie, d’entreprises ainsi que de crédits européens : il s’agit d’un lieu ouvert, qui n’a pas vocation à être réservé aux « geeks » et aux seuls professionnels du numérique.
Le montage du projet relatif à la « station Saint-Omer » s’est fait à travers une méthode innovante : l’identification des besoins a été permise par l’association avec une communauté d’usagers réunie au sein du pavillon préfigurateur. La région et la métropole de Lille ont été également consultés avec l’idée de dessiner un espace multi-usage : ainsi, toutes les parties prenantes du territoire ont été associés au portage du projet pour faire de « la station » un lieu vivant et inclusif.
Selon François DECOSTER, les tiers-lieux comme « la station » de Saint-Omer permettent à des villes petites et moyenne de retrouver des centralités, de peser dans la configuration d’un territoire.
Cyril LUNEAU prend la parole en commençant par souligner que la fondation Orange soutient un certain nombre de projets à l’image de la « station de Saint-Omer » notamment des FabLabs solidaires. Il évoque une cinquantaine de projets soutenus à ce jour.
Concernant l’accès au haut et au très haut débit, Orange déploie maintenant 2,5 millions de prises FttH par an. Si des carences dans l’accès au réseau se font toujours sentir dans certains territoires, les opérateurs comme Orange déploient des efforts industriels de grande ampleur et mobilisent des investissements importants pour respecter la feuille de route du gouvernement qui prévoit la couverture en haut et très haut débit pour tous d’ici à 2020. Concernant la couverture, Cyril LUNEAU ajoute un chiffre : aux 22.000 points d’accès mobile Orange, plus de 5.000 autres vont être ajoutés sur les zones blanches et les axes routiers.
Par ailleurs, les élus vont avoir la possibilité de saisir les opérateurs à chaque fois qu’ils jugent que la couverture sur leur territoire est insuffisante.
Concernant le plan Action cœur de ville, ses 5 axes peuvent être appréhendés à travers le prisme numérique selon Cyril LUNEAU : Orange travaille à des solutions, applications et des objets connectés qui pourront être déployés pour améliorer l’attractivité des centres-villes et faciliter la vie des habitants.
Béatrice SANTAIS détaille la manière dont la ville de Montmélian a entamé sa « mue » en matière de transition énergétique. Celle-ci a démarré en 1983 : profitant de sa situation géographique la commune a misé très tôt sur l’énergie solaire et l’urbanisme performant par l’intermédiaire de l’élaboration d’un PLU exigeant au regard des exigences environnementales. La commune de Montmélian dispose aujourd’hui d’importantes infrastructures voltaïques et est régulièrement récompensé pour les efforts qu’elle déploie en matière de transition énergétique. Elle s’est vu décerner le précieux label européen citergie dont la commune tire une fierté particulière. La maire indique que l’enjeu désormais va consister à développer un réseau chaleur-bois. Selon Béatrice SANTAIS, la commune de Montmélian montre que les petites villes peuvent prendre leur part dans la révolution écologique et elles ont un devoir moral de le faire.
Guillaume COUTEY rebondit en rappelant que la commune de Malaunay bénéficie également du label Citergie avec la commune de Montmélian : elles figurent toutes les deux parmi les deux plus petites communes bénéficiant de ce label pour leur recours au photovoltaïque. La commune de Malaunay a monté un partenariat avec Enedis afin de revoir et de coconstruire la manière la production et la consommation d’énergie. Une convention avec Enedis relative à l’autoconsommation collective a été signée en ce sens. Une démarche qui répond localement aux objectifs ambitieux de 2050 prévus par la loi sur la transition énergétique, dont l’entrée en vigueur crée des obligations et nécessite la mobilisation de l’ensemble des acteurs (élus, entreprises…) comme sur le territoire de Rouen.
Guillaume COUTEY rappelle aussi que dans le cadre du PLUI de Rouen Métropoles, il veille à la limitation de l’étalement urbain car selon lui, il faut densifier sans grignoter les terres agricoles au nom des exigences environnementales.
Pour financer l’avenir de la transition énergétique, le maire appelle l’APVF à demander au cours de la prochaine Conférence nationale des territoires (CNT) le fléchage d’une partie de la contribution climat-énergie vers les communes, et pas seulement vers les régions au risque de favoriser les grands territoires au détriment des projets locaux.
Jérôme GATIER revient sur son rôle en tant que directeur du « Plan bâtiment durable » : l’objectif, c’est la mise en relation entre acteurs afin de favoriser le dialogue et la concertation sur le thème de l’économie énergétique. Aujourd’hui, il y a un vrai enjeu pour les communes à identifier les équipements très consommateurs d’énergie : il s’agit de levier d’économies potentielles, mais également d’une exigence au regard de la transition écologique. Ce qui est constaté aujourd’hui, c’est que ce ne sont généralement pas les écoles qui dépensent aujourd’hui le plus d’énergie mais plutôt les piscines. L’ingénierie doit aussi être mise au service de l’économie et de l’optimisation de l’énergie.
Benoît BRIENT aborde la question de la donnée et de son utilisation : pour qu’elle puisse être utile, il faut qu’elle soit très fiable et collectée en temps réel. Aujourd’hui, il est possible d’optimiser la gestion des politiques publiques grâce aux capteurs et la récolte de données. Les collectivités territoriales sont poussées selon lui à faire plus avec moins : le numérique peut être ce levier qui permet d’optimiser et de mutualiser les ressources. Les opérateurs comme Suez accompagne les collectivités, en se basant sur les usages : il s’agit concrètement de se poser d’abord les questions relatives aux enjeux et aux objectifs, avant d’aborder la question des solutions technologiques.
Serge MORVAN conclut les travaux en commençant par rappeler qu’il a occupé des fonctions de directeur général des services dans de nombreuses collectivités et regrette le fait que le Commissariat général à l’égalité des territoires soit encore mal identifié par les élus locaux, comparativement à l’ex-DATAR.
Selon Serge MORVAN, le temps de l’exécution des projets, c.-à-d. le temps entre le moment de la décision politique et la réalisation des projets est trop long, parfois « jusqu’à huit ans pour certains projets urbanistiques ». Selon lui, il faut renouveler l’approche : à savoir repartir du local, de la décision politique locale pour aménager le territoire, ce qui implique de revoir la méthodologie. Il se montre critique à l’égard de la logique de l’appel à projet qui finalement ne vient récompenser que les « mêmes meilleurs » en fonction de critères définis à Paris. Il profitera donc de son mandat de Commissaire à l’égalité des territoires pour rénover l’accompagnement aux collectivités et repartir des territoires pour avoir des temps d’exécution plus courts et des projets qui correspondent à des besoins qui ne soient pas uniquement définis depuis Paris.
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